Le conseil départemental de la Haute-Garonne a décidé, en 2017, de fermer par étapes deux collèges (l’équivalent de nos écoles secondaires au Québec) situés dans le quartier ségrégué du Mirail, à Toulouse, et de réaffecter les élèves dans 11 collèges de secteurs favorisés.
Si, au départ, ce projet était une décision politique, il a démontré, quatre ans après son implantation, que la mixité sociale et scolaire a des effets bénéfiques sur la réussite des élèves. Une hausse des résultats scolaires de tous les élèves, en particulier des jeunes issus des milieux défavorisés, a en effet été constatée.
Un plan ambitieux
Le conseil départemental a accepté d’investir 53 millions d’euros pour cette opération phare sur le quartier du Mirail. En fermant les collèges Raymond Badiou et Bellefontaine, qui comptaient 85 % d’enfants défavorisés, c’est plus de 1000 jeunes qui ont été déplacés loin de leur quartier dans des collèges où ils ont trouvé des camarades plus favorisés. Un service de navettes a été mis en place pour emmener les enfants à l’école et les ramener ensuite à la maison.
Aucun collège ne dépasse 35 % d’enfants défavorisés. Les classes de 25 élèves sont formées avec une composition mixte afin que les enfants du Mirail ne se retrouvent pas tous dans les mêmes groupes.
Concertation et approche pédagogique
Mais ce n’est pas tout de faire de la mixité, encore faut-il qu’elle soit accompagnée d’une approche pédagogique appropriée, selon Etienne Butzbach. Coordonnateur du réseau Mixités à l’école pour le Centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO), il a présenté un bilan du projet lors du congrès de l’UNSA Éducation, un syndicat français, qui s’est tenu le 24 novembre 2021.
« Lors de la consultation que nous avons menée, nous nous sommes demandé comment la population acceptait que des enfants n’aillent plus à l’école de leur quartier pour étudier dans un collège éloigné, et comment les enfants du Mirail avaient été accueillis dans les collèges plus favorisés », a-t-il raconté.
À Toulouse, une concertation avec les organisations syndicales et les parents d’élèves a été mise en place. Des moyens ont été consacrés à l’aide au travail personnel des élèves avec les associations d’accompagnement de la scolarité du quartier lors des pauses méridiennes afin que les enfants ne soient pas laissés à eux-mêmes.
Un plan d’action a été mis sur pied pour faire la liaison entre l’école primaire et le collège afin qu’il n’y ait pas de stratégie d’évitement de la part des parents, pour que ceux-ci n’optent pas pour l’école privée. Ce plan d’action comprenait des portes ouvertes, des réunions à la rentrée et à la mi-trimestre, des rencontres collectives lors de la remise des bulletins, des outils numériques. De plus, du temps de concertation a été intégré dans l’horaire de travail du personnel des collèges au lieu d’être prévu le soir.
Bien qu’un noyau de parents de quartiers favorisés étaient très récalcitrants au départ, très vite ils ont adhéré à la démarche dans une proportion de 98 %.
Écouter les parents
Pourrait-on généraliser cette expérience dans d’autres villes françaises? Des tas de choses sont à retenir de l’expérience de Toulouse, notamment qu’il ne faut pas utiliser des mesures isolées, mais entreprendre une réflexion collective, d’après Etienne Butzbach.
Il est d’avis qu’il faut écouter les parents, les prendre au sérieux, qu’ils soient hostiles ou non, leur dire que l’éducation sera de qualité, dans un climat apaisé, qu’une politique de coéducation sera mise en œuvre et que leur appréhension sur la réalité scolaire sera prise en compte.
Faire tomber les murs
Jusqu’à maintenant, on a vu des effets bénéfiques chez les enfants. Il y a eu une évaluation générale du niveau à la hausse. Il est clair qu’il y a des effets très positifs de cette politique de la mixité.
Sur le plan des politiques d’urbanisme, il est important de réfléchir et d’arrêter de construire des quartiers ségrégués. En France, la situation est urgente, mentionnait Etienne Butzbach lors de la conférence. Il a soulevé les difficultés à convaincre des enfants des valeurs de la République quand ils se retrouvent dans des écoles ghettoïsées. D’un autre côté, « qu’est-ce que cette société où les enfants favorisés ne croisent que des enfants favorisés? demande Etienne Butzbach. Le premier séparatisme, c’est le séparatisme des riches ».
En conclusion, dit-il, « la mixité dans les collèges, ce n’est pas gagné. Dans les quartiers défavorisés comme le Mirail, les parents sont d’accord. Mais dans les quartiers favorisés, des parents évoquent la douance de leurs enfants et dénoncent la violence de ceux des quartiers défavorisés. En d’autres termes, les gens veulent de la mixité, mais pas pour leurs enfants ».