Des combats d’hier aux luttes contemporaines, deux enseignants passionnés témoignent des pas de géant accomplis et des défis à relever.
C’est en 1968 que la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEC-CSQ) voit le jour. Rapidement, le travail s’amorce pour codifier et uniformiser les conditions de travail dans les cégeps. Selon Éric Beauchesne1, il s’agit là d’un grand succès, surtout lorsque l’on considère le contexte.
« N’oublions pas que ces établissements sont issus de la fusion des collèges classiques et des instituts techniques, aux cultures et aux modes de fonctionnement très disparates. En ce qui concerne la tâche, par exemple, nous avons créé une formule universelle destinée à calculer la charge individuelle de travail, qui tient compte des différents milieux. Cette façon de faire est exclusive au collégial. »
Des gains aux multiples bénéfices
Au fil des décennies, plusieurs autres défis ont été relevés, dont le développement d’un mécanisme de sécurité d’emploi visant à réduire la marge d’arbitraire patronal dans l’octroi des postes.
« Lors des différentes négociations nationales, le personnel enseignant a aussi fait plusieurs gains majeurs en raison de son affiliation à une centrale syndicale, soit la CEQ à l’époque (aujourd’hui la CSQ). Pensons à une meilleure rémunération, à un régime de retraite avantageux, à une assurance salaire, à des congés parentaux, à des primes de disparités régionales... Ces progrès significatifs ont entrainé une stabilité accrue du corps professoral, ce qui a contribué à assurer la qualité de l’enseignement », relate l’ancien négociateur.
Les enjeux professionnels ont également été au cœur des luttes. « À maintes reprises, l’employeur a tenté de créer une hiérarchie départementale qui lui aurait été subordonnée. La mobilisation des syndicats a permis de maintenir le fonctionnement collégial des départements, tout en préservant l’autonomie professionnelle de ses membres », poursuit-il.
Encore du pain sur la planche
Malgré les succès obtenus par les luttes syndicales passées, beaucoup reste à accomplir pour ajuster les conditions de travail aux changements sociaux et technologiques. La précarité est maintenant une réalité vécue par un nombre croissant d’enseignantes et d’enseignants. Elle est d’ailleurs au centre des luttes syndicales à venir.
Marianne Bouchard-Landry2 sait de quoi elle parle. Après une dixième année d’enseignement, elle est toujours à statut précaire : « Cette situation déplorable déboulonne le mythe de la sécurité d’emploi mur à mur qui est encore trop souvent colporté dans l’espace public. »
Au fil des ans, la charge de travail du personnel enseignant des cégeps s’est alourdie, en raison, notamment, de l’accroissement des tâches administratives liées à la reddition de comptes, et à l’actualisation et à la révision des programmes.
« L’accélération des changements technologiques impose aussi de nouvelles contraintes, particulièrement au secteur technique où les programmes doivent demeurer en phase avec le marché du travail. Le savoir disciplinaire évolue rapidement en enseignement supérieur. Aussi, le perfectionnement continu demeure indispensable pour maintenir les connaissances à jour », observe la militante syndicale.
En outre, la hausse majeure des étudiantes et étudiants admis aux services adaptés exige un accroissement du personnel actuellement impossible à obtenir faute de financement adéquat.
« Pour les profs, cette situation exige plus d’encadrement et énormément de gestion. Elle est l’une des sources d’une surcharge de travail significative qui n’est pas comptabilisée à sa juste valeur. À tout cela s’ajoute un travail de longue haleine de correction : je ne connais aucun enseignant qui n’apporte pas des corrections les soirs et les fins de semaine. La surcharge de travail au cégep n’est pas une vue de l’esprit! », confirme l’enseignante en littérature.
Engagement : syndical ou professionnel?
On oppose souvent, à tort, l’engagement syndical et l’engagement professionnel. Il suffit de demander à ces deux personnes ce qui les motive pour s’en convaincre. Malgré les conditions difficiles, Marianne Bouchard-Landry adore son travail.
« Le portrait que l’on fait des jeunes dans les médias est foncièrement injuste. Moi, je les trouve curieux, audacieux même! Leur engagement en environnement est merveilleux. Leur contact me nourrit personnellement et professionnellement », poursuit-elle.
Pour Éric Beauchesne, la passion demeure, même après 23 ans d’enseignement du français. « Quand tu enseignes, tu reçois autant que tu donnes, c’est la beauté de la chose. L’acte d’éducation avec les jeunes adultes rend optimiste et donne foi en l’avenir », conclut-il.
1 Éric Beauchesne est membre du Syndicat des enseignantes et enseignants du Cégep de Bois-de-Boulogne. Il a exercé plusieurs fonctions en nos rangs, dont la présidence de son syndicat et la vice-présidence de la FEC-CSQ, en plus d’avoir siégé au comité de négociation national.
2 Marianne Bouchard-Landry est membre du Syndicat des professeurs du Cégep de Sainte-Foy ainsi que du bureau syndical.