Sitôt élue, Sonia Ethier a mis en œuvre le thème du dernier congrès de la Centrale : Notre pouvoir, l’action! CSQ Le Magazine l’a rencontrée pour discuter des actions à venir et des défis qui l’attendent.

CSQ Le Magazine : Quelles sont vos priorités pour les trois prochaines années?

Sonia Ethier : Faire en sorte que nous réussissions, collectivement, à améliorer nos conditions de travail. Pour notre bien-être, mais également parce que nos conditions de travail ont un effet direct sur la qualité des services en éducation, en petite enfance et dans le milieu de la santé et des services sociaux.

Nous devons convaincre le gouvernement de revoir le mode de gestion des travailleuses et travailleurs pour le remplacer par un modèle plus humain, qui ne met pas en danger notre santé mentale et physique. Nous pouvons y arriver à travers l’action collective. Le défi est grand, mais ensemble nous pouvons le relever.

Il a beaucoup été question, durant le Congrès, de perte de sens, de surcharge et de violence au travail. Quelles actions la CSQ entend-elle poser pour contrer ces problèmes?

Nous allons rencontrer nos membres sur le terrain pour discuter avec eux de leurs conditions de travail. Ils doivent réaliser qu’ils ne sont pas responsables des problèmes qu’ils vivent. Ce ne sont pas eux qui sont mal organisés ou qui gèrent mal leur temps. C’est le mode d’organisation du travail qu’on leur impose, axé sur les résultats sans tenir compte du contexte professionnel, qui est la source des problèmes.

Grâce à notre forum sur l’organisation du travail et à notre congrès, nous sommes outillés pour établir notre plan d’action collectif et revendiquer des milieux de travail plus humains.

Cette gestion axée sur les résultats s’infiltre dans nos milieux de travail depuis longtemps. Comment peut-on lutter contre ce courant?

Les modes de gestion actuels sont inhumains et entrainent de la souffrance, du stress et de l’épuisement chez le personnel. Nous devons agir rapidement et proposer des solutions de rechange. La première étape, c’est la prise de conscience des travailleuses et des travailleurs. Il faut aussi créer et rebâtir des collectifs de travail.

De plus, nous devons informer la population que la qualité des services passe par l’amélioration des conditions de travail en santé, en éducation et en petite enfance. Par le passé, nous avons démontré que les compressions budgétaires avaient dépassé de loin les réinvestissements. Nous devons donc informer les gens de la réalité à l’aide de données précises si nous voulons les mobiliser.

Est-ce possible d’aller chercher l’appui de la population dans cette grande démarche d’action collective?

Oui, en proposant des solutions concrètes qui auront des effets réels sur la qualité des services. Il faut commencer par déconstruire le discours du gouvernement laissant entendre que les finances publiques ne permettent pas d’investir à la hauteur des besoins.

Nous avons démontré que le gouvernement pourrait récupérer des milliards de dollars en s’attaquant aux paradis fiscaux et que la mise en place d’une assurance médicaments entièrement publique enrichirait les coffres de l’État d’environ trois milliards de dollars.

Cet argent pourrait être réinvesti dans nos écoles, nos hôpitaux, nos services à la petite enfance, nos organismes communautaires, etc. Il existe de nombreuses solutions qui n’exigent pas une réduction des services à la population pour assurer un financement stable et suffisant à l’État.

Les trois prochaines années seront marquées par des négociations importantes. Quel rôle y jouera la CSQ?

Nous serons à l’avant-scène pour porter haut et fort les revendications des travailleuses et des travailleurs que nous représentons, qui vivent de plus en plus de surcharge de travail et de précarisation. Dans tous les secteurs, nous nous heurtons à des modes de gestion inhumains. Les employeurs veulent toujours plus de flexibilité et de mobilité de leur personnel. C’est devenu insensé, il faut s’y attaquer! Et nous le ferons en appuyant nos fédérations et nos syndicats affiliés dans leurs négociations.

Le moment est-il propice pour agir?

Il faut contrer l’action des employeurs qui s’acharnent à vouloir détruire ce qui reste de nos collectifs de travail. Le patronat se concerte et souhaite démanteler davantage le syndicalisme au Québec. Pourquoi? Parce que c’est un rempart, et un moyen de diminuer les inégalités et de donner du pouvoir aux travailleuses et aux travailleurs.

Nous sommes montés au front pour l’équité salariale, et nous luttons pour une meilleure conciliation famille-travail et pour faire modifier la loi sur les normes du travail. Le syndicalisme fait progresser notre société dans la bonne direction, et nous ne devons pas nous laisser bâillonner.

Quelles leçons pouvons-nous tirer du passé?

Le passé nous a démontré que, lorsque nous sommes solidaires et que nous persévérons, nous faisons des gains. Aujourd’hui, les défis devant nous peuvent être différents, mais la recette de la victoire est la même : la solidarité. Les employeurs nous poussent à l’individualisme et à l’isolement par la précarité, l’éclatement des tâches et les exigences toujours plus élevées. Nous devons briser cet isolement et bâtir un projet commun autour de notre solidarité.

Dans un autre ordre d’idées, quelle place occupera la lutte aux changements climatiques dans le programme de la CSQ?  

Durant les élections, l’environnement ne semblait pas prioritaire pour les partis. Nous devrons continuer à faire pression pour que le gouvernement de la CAQ[1] place l’environnement parmi ses priorités.

La CSQ est bien outillée pour aborder la question environnementale, grâce à son réseau des Établissements verts Brundtland (EVB-CSQ), composé de militantes et de militants engagés. C’est une source de changement et de mobilisation très importante pour encourager nos décideurs à prendre des mesures contre les changements climatiques.

Comment la CSQ se prépare-t-elle à l’importante transition du monde du travail entrainée par le numérique?

Nous avons effectué une vaste consultation du réseau de l’éducation sur cet enjeu et nous poursuivons le travail dans tous nos secteurs d’activité. Nous participons également à des rencontres avec le ministère pour le déploiement du plan numérique en éducation, et je crois que nous sommes vraiment à l’avant-garde.

La technologie va continuer à se développer et à s’immiscer dans nos vies. Il faut avoir la capacité d’encadrer le numérique et ses répercussions sur nos conditions de travail, notamment sur le plan de l’autonomie professionnelle. C’est essentiel.

Avons-nous la force de transformer la société?

Oui, absolument! Une chose est certaine, nous ne manquerons pas de défis. Il nous faudra collectivement nous retrousser les manches, nous réunir et passer à l’action pour faire bouger les choses. Des milieux de travail plus humains, ça n’arrive pas tout seul, surtout lorsque nous devons affronter un système qui tente de nous isoler et de briser notre élan.

La grande force du mouvement syndical réside en notre capacité à définir un projet commun et à y placer nos efforts collectifs. Certes, nous n’avons pas les moyens financiers ou législatifs de nos adversaires. Mais nous avons mieux : nous avons la force du nombre et la motivation de faire progresser le Québec au bénéfice de toutes et tous. J’y crois, plus que jamais. Ensemble, nous ferons de grandes choses!


[1] Coalition avenir Québec