L’importance de l’éducation à la sexualité dans les écoles fait consensus. Le personnel de l’éducation est d’avis que cette matière est essentielle pour bien informer les élèves sur des sujets aussi importants que l’égalité entre les genres, le consentement et l’expression d’une saine sexualité.
Une expérience qui a réussi
Marie-Ève Lavoie1 enseigne à l’école des Parchemins de Saint-Elzéar-de-Témiscouata. Elle a participé aux projets-pilotes sur l’éducation à la sexualité.
« Fondamentalement, je suis à l’aise avec le contenu. Je crois qu’il a sa place dans les écoles. Malgré tout, je ne me serais pas sentie prête à enseigner l’éducation à la sexualité en me fiant uniquement au canevas du ministère. Ça prend les bonnes ressources en appui, et le temps de travail libéré pour la préparation est essentiel. »
Dans le Bas-Saint-Laurent, elle estime que les choses ont été faites correctement. « Dans notre cas, nous avons eu le temps et les ressources nécessaires pour bien faire les choses. Nous avons obtenu des libérations pour travailler ensemble à l’élaboration du matériel, et nous avons été épaulées par une sexologue et une psychoéducatrice. Ça fait toute la différence! »
Selon l’enseignante, la formule mise en place dans son milieu a été un succès. « On souhaitait préparer des activités clés en main pour que le contenu soit agréable à livrer et que le personnel soit en confiance. C’est réussi! Le matériel prévoit même les questions qui risquent d’être posées en lien avec les activités et les pistes de réponses appropriées. Je pense qu’on peut dire que c’est un beau succès dans notre école. »
Toutefois, elle est consciente que ça ne s’est pas déroulé comme cela partout, la majorité des enseignantes et enseignants impliqués dans les projets-pilotes ayant déploré une augmentation importante de leur charge de travail. De plus, pour l’ensemble des commissions scolaires, seulement trois ont à leur emploi un sexologue.
« Dans ces circonstances, ça devient lourd pour les profs, surtout qu’ils ne peuvent pas compter sur l’aide d’une ressource professionnelle. Ils ont l’impression de devoir en faire toujours plus à travers tout le reste. Ce n’est pas évident. »
Le temps presse
Pour sa part, Josée Scalabrini2 estime que le ministre doit rapidement faire connaitre les modalités d’implantation dans ce dossier.
« Il est possible de bien faire les choses, et la région du Bas-Saint-Laurent en est un bel exemple. Le personnel scolaire a disposé du temps et des ressources nécessaires pour travailler en équipe. Les résultats de ce côté sont plutôt encourageants, bien que les enseignantes et enseignants aient tout de même noté un alourdissement de leur tâche. »
Un contenu attendu
Même si la FSE-CSQ milite depuis longtemps pour le retour de ces notions à l’école, la présidente déplore la façon de procéder du ministre.
« Cette façon de faire nous rappelle le mauvais scénario du film dans lequel les enseignants jouent trop souvent : on balance un mandat de plus à l’école, aussi important soit-il, sans vision d’ensemble et sans consulter les gens directement interpelés. C’est désolant. Encore une fois, on manque une occasion de valoriser les enseignants », ajoute-t-elle.
En juin, le comité consultatif sur ce programme a sollicité le ministre pour qu’une rencontre soit fixée en aout ou en septembre, sans succès. Le ministre a préféré aller de l’avant sans consulter le personnel.
« L’urgence de l’annonce politique dans ce dossier a clairement pesé plus lourd dans la balance que la mise en œuvre responsable et respectueuse de l’éducation à la sexualité dans les écoles, aussi pressante fût-elle. Il aurait été plus simple de regarder la grille-matières dans son ensemble et de lui trouver un espace bien structuré. Encore une fois, on pellète dans la cour des enseignants qui devront compenser l’improvisation du gouvernement. Les enseignants, eux, ne veulent pas improviser sur un enjeu aussi délicat et crucial », souligne Josée Scalabrini.
De toute évidence, tout déboulera au cours des prochains mois, sans que le personnel ait eu son mot à dire, comme ce fut le cas avec l’éducation financière. Rappelons que le personnel enseignant avait commencé l’année scolaire avec du matériel incomplet, sans avoir eu de temps d’appropriation ou de formation adéquate.
« Ce n’est pas normal qu’on ne sache toujours pas si on devra retrancher du temps d’enseignement dans les cours obligatoires, pour intégrer ce nouveau contenu à la grille-matières. Si c’est le cas, le contenu et le temps d’enseignement de quel cours devra-t-on amputer pour faire place à ces nouvelles activités? Il est impératif que le ministre Proulx fasse rapidement connaitre ses intentions », conclut-elle.
1 Marie-Ève Lavoie est membre du Syndicat de l’enseignement du Grand-Portage (CSQ).
2 Josée Scalabrini est présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ).