Pour sortir de la pauvreté, ça prend un travail à temps plein qui offre un salaire suffisant pour répondre à ses besoins de base et économiser.

Selon la Coalition Minimum 18 $, dont font partie les principales organisations syndicales, incluant la CSQ, et plusieurs organismes de défense des droits des travailleuses et travailleurs non syndiqués, la hausse du salaire minimum à 14,25 $ au 1er mai 2022, annoncée par le gouvernement, est bien en deçà des attentes. Pour en discuter, CSQ Le Magazine a rencontré le conseiller à la recherche de la CSQ, Pierre-Antoine Harvey.

CSQ LE MAGAZINE : COMMENT EN SOMMES-NOUS ARRIVÉS À DÉTERMINER QU’IL FALLAIT AUGMENTER LE SALAIRE MINIMUM À 18 $ POUR SORTIR DE LA PAUVRETÉ?

Pierre-Antoine Harvey : Le fondement de la campagne menée par la Coalition Minimum 18 $ et des réflexions autour du salaire minimum repose sur le principe suivant : une personne seule, qui travaille à temps plein [35 heures par semaine] au salaire minimum devrait pouvoir se sortir de la pauvreté. Elle devrait pouvoir couvrir un peu plus que ses besoins de base. C’est ce qui amène notre revendication à 18 $ pour 2022.

LE SALAIRE MINIMUM, COMBIEN ÇA TOUCHE DE PERSONNES AU QUÉBEC?

Près de 300 000 personnes travaillent au salaire minimum [13,50 $ actuellement, puis 14,25 $ à partir du 1er mai 2022] au Québec. Cependant, beaucoup plus de gens sont touchés par notre revendication, car environ 500 000 travailleuses et travailleurs de plus gagnent entre le salaire minimum et 18 $ de l’heure. L’augmentation du salaire minimum à 18 $ aurait donc des répercussions sur un grand nombre de travailleuses et de travailleurs.

Cette mesure pourrait aussi avoir un effet à la hausse sur les salaires autour du 18 $. Par exemple, les gens qui gagnent 19 $ pourraient vouloir s’éloigner du salaire minimum et se tourner vers leur employeur pour demander davantage. Notre revendication toucherait facilement plus d’un million de salariées et salariés, ce qui aurait un effet important sur la réduction de la pauvreté.

AUGMENTER LE SALAIRE MINIMUM À 18 $ FERAIT-IL AUGMENTER LES PRIX À LA CONSOMMATION?

Des études démontrent que l’augmentation du salaire minimum a un effet sur la hausse des prix, mais celle-ci n’est vraiment pas significative. Si on augmente le salaire de 30 %, l’effet sur l’inflation sera de 1 à 2 % sur l’économie en général. La hausse n’étant pas proportionnelle, il n’y aurait pas d’effacement de l’augmentation de salaire par l’inflation.

ET QU’EN EST-IL DES PERTES D’EMPLOI LIÉES?

Dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre, parler de perte d’emploi causée par la hausse du salaire minimum est un mythe à défaire. Il a été démontré qu’il n’y a pas de lien direct entre les deux. Au contraire, dans un contexte où il manque de monde dans les secteurs à bas salaires, les employeurs doivent encourager les travailleuses et travailleurs à accepter les emplois… et l’augmentation du salaire minimum est un bon argument.

POURQUOI ALORS IMPOSER UN SALAIRE MINIMUM ET NE PAS LAISSER LE MARCHÉ FAIRE LE TRAVAIL À LA PLACE?

Les employeurs ont tellement besoin de main-d’œuvre actuellement, surtout dans les secteurs à bas salaires, que le contexte pourrait en lui-même favoriser la hausse des salaires. Les travailleuses et les travailleurs possèdent présentement un certain rapport de force sur le marché du travail, ce qu’ils n’ont pas habituellement quand vient le temps de négocier leur salaire. Cependant, historiquement, leur capacité à négocier est faible, voire inexistante; c’est pour cela que le gouvernement devait intervenir et assurer un minimum à toutes et à tous.

POUR CONCLURE, POURQUOI LA PARTICIPATION DE LA CSQ À LA COALITION MINIMUM 18 $ EST-ELLE IMPORTANTE?

La Coalition Minimum 18 $ regroupe des organisations qui représentent des travailleuses et travailleurs ou des personnes en situation de pauvreté. C’est un effort de solidarité à laquelle prend part la Centrale. Cette action dépasse la défense de nos membres, ça touche l’amélioration des conditions de travail de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs de la société. La solidarité entre les groupes, ça peut faire toute la différence.