Comme des milliers d’autres responsables en services éducatifs en milieu familial (RSE), Gabriel Proulx et Julie Ouellette ont reçu positivement les détails de l’entente sur la rémunération des RSE dévoilés récemment par la FIPEQ-CSQ lors d’une présentation diffusée en direct sur Facebook.

Cette entente, conclue à 2 h 07 dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 2021, octroie aux intervenantes en milieu familial une augmentation de 32 % de leur rémunération. « Les RSE étaient aux prises avec un retard considérable dans leur rémunération, affirme la présidente de la FIPEQ-CSQ, Valérie Grenon. Nous sommes heureux que le gouvernement ait entendu le message de ces femmes qui ont été maintenues trop longtemps dans la précarité. »

Si l’entente salariale qui vient d’être présentée conclut la négociation entre le gouvernement Legault et les milieux familiaux, la bataille pour améliorer les conditions de travail du personnel des centres de la petite enfance (CPE) n’est toutefois pas terminée. Les intervenantes en CPE ont d’ailleurs voté à 95 % en faveur d’un mandat de grève de six jours.

Une juste reconnaissance

Dans le cadre de la négociation des milieux familiaux, « on plaidait depuis longtemps pour que les RSE soient payées à leur juste valeur, dit Kamel Khiari, conseiller à la FIPEQ-CSQ et responsable de la négociation des Alliances des intervenantes en milieu familial (ADIM). On revendiquait une véritable reconnaissance de leur emploi, des tâches qu’elles accomplissent au quotidien et de leur expérience. Cette entente est une bonne nouvelle pour la valorisation des milieux familiaux ».

Kamel Khiari

Cette augmentation de la rémunération est l’une des plus importantes obtenues par les RSE depuis leur syndicalisation en 2008. La subvention qui leur était offerte avait alors fait un bond de 31 %. « Par la suite, il y a eu des années plus difficiles, notamment avec le gouvernement de Philippe Couillard qui avait imposé des gels salariaux dont les RSE ont fait les frais », rappelle Érik Bouchard-Boulianne, économiste et conseiller à la CSQ.

L’entente qui vient d’être conclue propose notamment la hausse de l’allocation de base et l’intégration d’une prime de reconnaissance permanente qui sera indexée chaque année. Concrètement, cela fait passer le revenu brut des RSE de 55 079 $ à 68 527 $ (pour six enfants incluant un poupon).

Des recommandations en faveur des RSE

Ce sont les conclusions tirées du rapport d’un comité de travail responsable d’analyser la rémunération des RSE qui ont permis de sceller cette entente. Parrainé par un expert indépendant, ce comité a été mis en place à la demande de la FIPEQ-CSQ lors de la dernière négociation, alors que les deux parties n’avaient pas réussi à s’entendre sur la question du rattrapage salarial.

« Il fallait nommer une tierce personne pour juger de ce dossier-là », dit Kamel Khiari. Bien qu’aucun gouvernement n’aime recourir à une expertise externe, la décision de faire appel au fiscaliste Luc Godbout, professeur titulaire au Département de fiscalité de l’Université de Sherbrooke et chercheur à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, s’est prise d’un commun accord.  

« Nous étions tellement sûrs de nos calculs et des besoins d’ajustement salarial que nous avons demandé la mise en place de ce comité de travail. Après plus de 25 rencontres, nous nous sommes entendus avec le Conseil du trésor et le ministère de la Famille. Les résultats du comité sont satisfaisants pour les deux parties », explique Kamel Khiari.

Une entente qui change tout

Pour de nombreuses RSE, l’entente sur la rémunération conclue avec le ministère de la Famille est un véritable baume. « Les deux dernières années ont été difficiles », raconte Julie Ouellette, dont le conjoint, Gabriel Proulx, est aussi RSE. Tous deux travaillent ensemble dans leur milieu familial situé à Saint-Jérôme.

« Cet été, mon mari et moi avions décidé de fermer notre milieu, car on ne pouvait plus se permettre de travailler pour aussi peu. L’annonce de cette entente nous a vraiment émus, car on aime notre métier et on veut continuer à ouvrir notre maison aux familles et à voir ces petits humains en développement », dit-elle.

Mobilisées et solidaires

Selon Valérie Grenon, les RSE se sont mobilisées de manière exceptionnelle lors de la dernière négociation. Elles ont pris part à une multitude de moyens de pression, dont une grève rotative qui a fait le tour du Québec et une grève générale illimitée qui a duré une semaine à l’automne 2020.

Valérie Grenon

« Deux jours tout juste avant le déclenchement de la grève, le gouvernement nous a fait une offre vraiment décevante, se rappelle Érik Bouchard-Boulianne. Tout a changé lorsque les RSE se sont tenues debout et se sont mobilisées. Elles ont fait le choix de déclencher la grève et, bien que ce ne soit pas de gaieté de cœur qu’on prend ce genre de décision, ce choix a été payant. »

« Si nous avons fait de tels gains, c’est grâce à elles et à la solidarité dont elles ont fait preuve, ajoute Kamel Khiari. Elles obtiennent enfin toute la reconnaissance qu’elles méritent. »

Un automne chaud

À l’aube des 25 ans de la politique familiale du Québec, à l’origine du réseau public des services éducatifs à la petite enfance, le ministère de la Famille s’apprête à déposer d’ici peu un livre blanc (document qui expose le problème et les mesures que le gouvernement souhaite prendre pour le régler) et un projet de loi afin d’entamer la plus importante réforme du réseau depuis sa création.

La CSQ et la FIPEQ-CSQ ont participé aux consultations menées par le ministère de la Famille au printemps dernier afin de brosser un portrait juste de la réalité sur le terrain et des besoins des éducatrices et de toutes les intervenantes en petite enfance.

Les deux organisations syndicales plaident en faveur de l’accès universel à des services éducatifs de qualité pour chaque enfant du Québec. Elles recommandent que la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance garantisse le droit à une place de qualité pour les enfants, au même titre que le droit à l’éducation et à la santé.

« S’il a à cœur les enfants, le gouvernement doit faire un autre pas en avant et compléter le réseau des CPE et des milieux familiaux régis et subventionnés », affirme Valérie Grenon. Car si le réseau éducatif à la petite enfance est essentiel, il se doit aussi d’être universel.