Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a annoncé le 21 octobre 2021 les grandes orientations du nouveau programme Culture et citoyenneté québécoise, qui remplacera dès la rentrée 2023* le cours Éthique et culture religieuse (ECR). Et c’est en compagnie de quelques personnalités publiques venues appuyer le programme, mais en l’absence d’enseignants, que le ministre l’a fait.

Aucune professionnelle ni aucun professionnel de l’éducation n’était présent au moment de l’annonce pour appuyer le nouveau cours, qui sera bâti sur trois axes (la culture, la citoyenneté québécoise, de même que le dialogue et la pensée critique), et la nécessaire formation du personnel enseignant pour laquelle le gouvernement prévoit consacrer 3 millions de dollars. Ceci est tout de même fort heureux, selon la présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), Josée Scalabrini, puisque les profs doivent généralement se démener pour que la formation soit offerte.

Une révision attendue et prévisible

Josée Scalabrini

Le programme ECR est un cours malaimé, aux intentions sociales, voire politiques, et dont le temps d’enseignement est souvent réduit au minimum. Son abolition faisait partie des engagements électoraux de la Coalition avenir Québec (CAQ). C’est donc sans surprise que le gouvernement a annoncé en 2019 qu’il tiendrait des consultations à ce sujet.

Cependant, la décision du ministère de l’Éducation de lancer à l’hiver 2020, pour la toute première fois d’ailleurs, une consultation nationale publique plutôt que de prendre conseil auprès d’experts du programme, dont les enseignantes et les enseignants, était « pour le moins très discutable, pour ne pas dire douteuse », selon Josée Scalabrini.

Pourtant, les enseignantes et enseignants concernés semblent au même diapason que le gouvernement. Des données récoltées auprès des profs concernés, lors d’une consultation menée par la FSE-CSQ, indiquent que près de 85 % sont favorables à la démarche de réaliser un bilan, question de revisiter les éléments problématiques, mais aussi de conserver les contenus du cours toujours pertinents.

Or, huit thèmes ont été mis de l’avant sans qu’aucun bilan ait été fait du programme ECR et sans tenir compte de l’opinion et de l’expertise du personnel enseignant. Si celui-ci est en faveur de la révision, il aurait toutefois souhaité être associé au processus qu’il espérait plus rigoureux. 

Du contenu fourretout?

Le gouvernement a annoncé que le nouveau programme Culture et citoyenneté québécoise traitera des questions touchant la culture québécoise, son évolution et ses œuvres. La vie civique y sera abordée, comme le respect de soi et des autres, l’égalité, les enjeux environnementaux et la liberté d’expression à l’ère du numérique. L’objectif consiste à alimenter une réflexion critique chez les jeunes face aux enjeux sociaux. À ce menu ambitieux s’ajouteront les contenus d’éducation à la sexualité et les enjeux liés aux Autochtones.

« Il faudra s’assurer que le programme ne devient pas un fourretout en réponse aux différents maux de la société et que le temps prévu à la grille‑matières est suffisant pour couvrir tout son contenu, précise Josée Scalabrini. Si ce dernier est aussi important qu’on nous l’a affirmé, il serait primordial de prescrire le temps minimum à y consacrer. »

Rappelons que l’écriture d’un programme ne doit faire l’objet d’aucun parti pris politique. « Ce n’est que lorsque nous prendrons connaissance de son contenu, annoncé pour le printemps 2022, que nous pourrons évaluer si ce gouvernement l’aura instrumentalisé à des fins politiques », ajoute-t-elle.

De la parole aux gestes

À la FSE-CSQ, on dit avoir espéré davantage de cohérence entre le discours et la pratique, de la part d’un gouvernement qui affirme vouloir valoriser les enseignantes et les enseignants. « Ce gouvernement devra s’assurer d’avoir tous les ingrédients pour réussir l’implantation de ce nouveau programme basé sur le dialogue. Et cela commence par le fait de respecter le personnel enseignant, de l’associer enfin à ce projet et d’écouter ce qu’il a à dire pour la suite des choses », conclut Josée Scalabrini.

Que recommande la FSE-CSQ?

Bâties à partir des opinions exprimées par les enseignantes et enseignants consultés, voici les recommandations que la fédération a portées à maintes reprises depuis le début des consultations :

  • Réaliser avec le personnel enseignant un bilan de la mise en œuvre du programme ECR;
  • Éviter de faire du nouveau cours un programme fourretout en limitant le nombre de thèmes;
  • Privilégier le thème Développement de soi et relations interpersonnelles pour le programme du primaire;
  • Privilégier le thème Éthique pour le programme du secondaire;
  • Prévoir que l’enseignement du programme est confié à une ou un spécialiste au primaire;
  • Établir un temps minimal prescrit pour l’enseignement du programme;
  • Offrir de la formation selon les besoins des enseignantes et enseignants;
  • Allouer du temps pour expérimenter le programme et se l’approprier.

*Le programme Culture et citoyenneté québécoise sera implanté volontairement en septembre 2022, puis mis en œuvre officiellement à la rentrée 2023.