Si les travailleuses et les travailleurs peuvent profiter d’un régime d’assurance parentale leur offrant un revenu pendant leurs congés de maternité et parentaux, s’ils ont accès à des services éducatifs à la petite enfance à cout raisonnable et si les familles à faible revenu peuvent obtenir une allocation, c’est grâce à la politique familiale.

Inspirée en partie du rapport du groupe de travail sur les jeunes Un Québec fou de ses enfants, cette politique plaçait le bienêtre et le développement des tout-petits au cœur des priorités de l’État en visant trois objectifs : faciliter la conciliation entre les responsabilités parentales et professionnelles, offrir une meilleure égalité des chances pour les enfants et favoriser une plus grande équité entre les familles.

Avant-gardiste pour l’époque et unique en Amérique du Nord, la politique familiale québécoise a été maintes fois citée en exemple au cours des 25 dernières années.

Aujourd’hui, qu’en est-il de la vision de la petite enfance et de la famille au Québec? En un quart de siècle, le contexte politique a changé. Tous les gouvernements qui se sont succédé ont ajouté des mesures et des réformes, détournant ainsi le modèle pensé au départ.

La porte au développement des garderies s’est ouverte, si bien que leur nombre a explosé de 867 % entre 2009 et 2018. En comparaison, les CPE et les milieux familiaux régis et subventionnés ont connu une croissance de seulement 9 et 4 % respectivement. À ce portrait s’ajoute un essoufflement du personnel des services éducatifs à la petite enfance, longtemps sous-payé et travaillant dans des conditions difficiles, si bien qu’on a du mal à attirer la relève et à retenir les personnes déjà en place.

Une meilleure conciliation travail-famille

La mise en place de la politique familiale a eu des effets positifs sur la conciliation entre les responsabilités parentales et professionnelles des travailleuses et des travailleurs. Alors que seulement 16 % des enfants fréquentaient un service de garde éducatif en 1998, cette proportion est passée à 80 % en 2018. Le développement du réseau éducatif à la petite enfance a favorisé l’accès des femmes au marché du travail. Leur taux d’emploi a d’ailleurs bondi, ce qui a eu des répercussions positives sur l’économie québécoise.

Malgré ces avancées, 51 000 parents sont toujours en attente d’une place pour leur enfant dans un service éducatif à la petite enfance. L’accès à des places à tarif réduit ou pour les enfants dont les parents ont un horaire atypique est difficile. Le contexte de pénurie de main-d’œuvre dans le réseau et la pandémie ne viennent pas faciliter les choses.

51 000 PARENTS
sont actuellement en attente d’une place
pour leur enfant dans un service éducatif
à la petite enfance.

Une plus grande égalité des chances

Consacrer l’importance du développement des enfants en considérant les services comme étant « éducatifs » et pas seulement « de garde » constitue une grande réussite de la politique familiale.

De nombreuses enquêtes ont d’ailleurs montré que la fréquentation d’un service éducatif de qualité contribue à la réussite éducative des enfants. C’est aussi un facteur de protection pour les tout-petits issus de familles vulnérables.

Et l’équité entre les familles?

C’est l’objectif de la politique familiale qui a le moins bien réussi, notamment en raison du développement effréné des garderies privées, qui a créé un système à deux vitesses en proposant des tarifs différents. En 2015, le gouvernement a mis fin unilatéralement au principe d’universalité en décrétant une modulation des frais de garde en fonction du revenu. Bien que cette mesure n’ait pas été en place très longtemps, elle a tout de même créé une iniquité pour les familles. Plusieurs parents n’ont toujours pas accès à une place à tarif réduit.

Par ailleurs, contrairement au milieu scolaire, où l’indice de défavorisation global est utilisé pour offrir des subventions aux écoles, les CPE n’obtiennent une subvention que si les parents bénéficient de l’aide sociale. Les milieux familiaux, quant à eux, n’ont pas accès à cette subvention. Les enfants de parents qui travaillent au salaire minimum ne sont pas considérés dans le calcul de la subvention, pas plus que les enfants de personnes réfugiées.

Revenir à la base

La politique familiale a eu des effets positifs indéniables sur les enfants, les parents, les femmes et l’économie. Au fil des ans, toutefois, certaines décisions politiques ont eu des répercussions, pas toujours heureuses, sur les objectifs de départ.

Aujourd’hui, plutôt que d’offrir aux familles un modèle universel de qualité, entièrement subventionné par l’État, le gouvernement propose un modèle hybride où le privé est bien présent.

Le contexte politique et économique évolue, mais il faut conserver l’esprit de la politique familiale en mettant le développement des enfants au cœur des priorités de l’État.