Depuis plusieurs années, une vision de l’éducation axée sur la performance s’est imposée dans le réseau scolaire. On parle aujourd’hui de cibles à atteindre et de statistiques. Cette course à la performance engendre un climat de compétition et un stress plus élevé chez les élèves, voire les parents. Il en va de même pour le personnel, tenu de plus en plus responsable de l’atteinte des résultats souhaités.

Dans le cadre des changements apportés à la Loi sur l’instruction publique (projet de loi 105 adopté) en 2016, les nouveaux projets éducatifs en voie d’élaboration par les écoles et les centres devront être en vigueur à compter de juillet 2019. Ils devront eux aussi obéir à cette logique statistique, puisque des cibles visées y seront introduites. La tentation d’inscrire des cibles quantitatives sera grande, avec tous les effets indésirables que cela peut générer, notamment :

  • Une vision étroite de la réussite, réduite à l’atteinte de résultats statistiques et orientée vers les dimensions quantifiables de la réussite – cette vision risque de mettre à l’écart d’autres dimensions, tout aussi importantes (ex. : développement de la citoyenneté, respect de la diversité, mieux-vivre ensemble, etc.);
  • Une pression sur le personnel pour voir réussir les élèves, surtout dans un contexte de manque de ressources;
  • La préparation des élèves en fonction de l’évaluation prévue, les privant d’apprentissages et d’aspects importants de leur éducation;
  • Une pression indue sur les élèves, surtout ceux qui peinent à réussir;
  • Une incitation à concentrer les efforts sur les élèves près du seuil de réussite au détriment des élèves qui ont plus de difficulté.

Un projet éducatif en phase avec la réalité du milieu

Les orientations et les objectifs du projet éducatif devront être cohérents avec ceux du plan d’engagement vers la réussite (PEVR) de la commission scolaire. Le PEVR devra donc être pris en compte lors de l’élaboration du projet éducatif.

Cependant, l’établissement peut adopter ses propres orientations et objectifs, tout comme il peut adapter les orientations et les objectifs du PEVR de manière à ce qu’ils reflètent bien la réalité du milieu.

L’analyse de la situation de l’établissement prend ici toute son importance. Elle constitue la base sur laquelle s’élabore le projet éducatif. C’est elle qui fera en sorte que les orientations et les objectifs qui y seront inscrits seront pertinents, et que les cibles seront réalistes.

Ces dernières, surtout si elles sont quantitatives, doivent être bien arrimées à la réalité du milieu plutôt qu’imposées de l’extérieur, sans quoi elles pourraient être difficiles à atteindre. Qui plus est, on pourrait être tenté d’en faire porter la responsabilité au personnel dans certains milieux, en négligeant de tenir compte des moyens dont il dispose et d’autres déterminants de la réussite sur lesquels il n’a aucune prise.

Un gain important pour le personnel

Une fois le projet éducatif adopté, le personnel procédera au choix des moyens pour atteindre les cibles et les objectifs qui y sont inscrits.

Sur ce plan, les modifications apportées à la loi ont produit un gain important pour le personnel. En effet, ce dernier est dorénavant le maitre d’œuvre de la proposition de moyens. La direction a comme seul pouvoir d’approuver ou non la proposition, et le conseil d’établissement ne peut qu’en être informé.

Il faudra faire preuve de vigilance pour s’assurer que les moyens proposés n’empiètent pas sur l’autonomie professionnelle du personnel et que la contribution de tout le personnel à la réussite des élèves soit bien affirmée. La concertation entre le personnel enseignant, professionnel et de soutien sera essentielle.

Le personnel, au cœur de la démarche

La participation du personnel à toutes les étapes sera indispensable, de l’analyse de la situation de l’établissement en passant par l’élaboration et l’adoption du projet éducatif, et le choix des moyens de mise en œuvre. Sa contribution permettra d’éviter une vision strictement statistique et d’apporter une vision plus humaine. Qui de mieux placé que le personnel pour exprimer ce qui se vit au quotidien dans l’établissement, pour parler des besoins des élèves et des défis du milieu, et pour juger des meilleurs moyens à mettre en place?