Du printemps érable au printemps arabe, en passant par le mouvement des Indignados en Espagne ou des gilets jaunes en France, de nombreuses contestations ont été rendues possibles grâce à une utilisation judicieuse des réseaux sociaux.

Ces outils ont pu donner une voix à des groupes minoritaires comme les Premières Nations, avec Idle No More. Ils favorisent aussi le débat public sur des sujets tabous, comme ce fut le cas avec le mouvement #MoiAussi. Au Québec, la mobilisation a d’ailleurs mené à l’adoption, en 2017, de la Loi visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d'enseignement supérieur.

 

Une mobilisation qui a aussi ses limites

« L’utilisation des médias sociaux a permis à de nombreux mouvements contestataires d’être plus inclusifs et plus décentralisés. Cependant, ces mobilisations manquent souvent de cohésion et sont très fragmentées », affirme Mireille Lalancette1.

Elle ajoute que, même si plusieurs de ces mouvements ont réussi à influencer les décideurs publics, d’autres ne sont pas parvenus à se traduire en action politique. Rappelons-nous le mouvement Occupy, qui dénonçait l’accaparement des richesses par le groupe du 1 % les personnes les plus riches. Il a certes permis de sensibiliser les gens à la cause, mais n’a pas entrainé de changement visant une meilleure répartition des richesses aux États-Unis… loin de là!

En France, le cas des gilets jaunes illustre également bien les tensions qui peuvent traverser ce type de mouvement. Extrêmement actifs et ancrés dans une large partie de la population, les gilets jaunes n’ont pas d’organisation structurée et peinent à se trouver des porte-paroles et à mettre de l’avant des revendications démocratiquement débattues. « C’est là qu’on a besoin de l’aide d’organisations, comme les syndicats », affirme Thierry Vedel2.

Selon lui, les organisations syndicales sont « des machines à produire des revendications collectives ». Elles mettent de l’ordre, hiérarchisent et organisent, contrairement aux réseaux sociaux qui favorisent l’individualité et ne donnent pas le sens du collectif3.

 

Un levier potentiel pour l’action syndicale

Une utilisation judicieuse des réseaux sociaux semble pouvoir, à l’interne, favoriser la participation des membres et, à l’externe, augmenter la visibilité des revendications.

Pour que les médias sociaux servent de levier pour la démocratisation et le renforcement des actions, des codes de communication doivent être respectés. Par exemple, les messages qui transitent par les réseaux sociaux doivent être axés sur le visuel, être spontanés et toucher le côté émotif. Bref, l’utilisation du numérique doit être vue comme une action de plus dans le répertoire des actions collectives possibles, et non pas comme une solution miracle.

Au sein de la population, les syndicats continuent d’être perçus comme des organisations qui favorisent la consultation et la pérennité de la défense de nombreux droits. Alors que la surinformation rend parfois difficile la communication avec les membres et les concitoyens, c’est sans doute un judicieux mélange de nouvelles formes de mobilisation 2.0 et de pratiques plus classiques de mobilisation syndicale qui permettra de favoriser une amélioration des conditions de travail et de vie pour une majorité de la population.


1 Mireille Lalancette est professeure titulaire en communication politique à l’Université du Québec à Trois-Rivières.
2 Thierry Vedel est chercheur au CNRS (Centre national de la recherche scientifique).
3 NICOLAS, Clément, et Marion CANDAU (2018). « Les gilets jaunes pris au piège des réseaux sociaux », EURACTIV.FR, [En ligne] (7 décembre, mis à jour 10 décembre). [euractiv.fr/section/economie/news/les-gilets-jaunes-pris-au-piege-des-reseaux-sociaux/].