Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles […] la liberté d’opinion [et] la liberté d’expression1, indique la Charte des droits et libertés de la personne. Cependant, selon le Code civil du Québec, la personne salariée doit agir avec loyauté et honnêteté et ne pas faire usage de l’information à caractère confidentiel qu’[elle] obtient dans l’exécution ou à l’occasion de son travail2.

Ces deux articles de loi montrent bien le fragile équilibre qui existe entre la liberté d’expression et l’obligation de loyauté. L’équilibre est d’autant plus précaire lorsqu’il s’agit de s’exprimer sur les réseaux sociaux, où les publications et les échanges sont publics, contrairement aux discussions entre collègues devant la machine à café.

Au travail et ailleurs

« Le droit à la liberté d’expression est fondamental, mais il n’est pas sans limites », a rappelé l’avocate Marie-Hélène Beaudoin dans une entrevue accordée à Radio-Canada3, concernant un professeur de cégep ayant tenu des propos homophobes en dehors de ses heures de travail.

Ce qu’une personne fait en dehors de son travail peut avoir des répercussions sur sa relation d’emploi. Un professeur de cégep a d’ailleurs déjà été congédié pour avoir développé une trop grande familiarité avec des étudiantes et étudiants qu’il acceptait comme amis Facebook, et pour avoir tenu des propos inappropriés à leur égard.

L’immunité des représentantes et représentants syndicaux

Des règles plus spécifiques, et un peu moins strictes, s’appliquent toutefois aux représentantes et représentants syndicaux.

« Les tribunaux reconnaissent que les personnes qui exercent des activités syndicales bénéficient d’une certaine immunité. Cette immunité, qui n’est pas absolue, est nécessaire afin que la personne représentante syndicale puisse avoir toute la marge de manœuvre pour accomplir ses fonctions. Ainsi, elle possède une meilleure protection par rapport à ses collègues lorsqu’on lui reproche d’avoir manqué à son obligation de loyauté », explique Marc Daoud, avocat à la CSQ.

Pour le bien de la collectivité

Le personnel enseignant, tout comme l’ensemble du personnel de l’éducation, de la petite enfance et de la santé, a le droit de s’exprimer, surtout lorsqu’une décision ou une situation met en danger de façon importante la sécurité du public. Le Québec s’est d’ailleurs doté en mai 2017 de la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics dans le but de protéger les lanceuses et lanceurs d’alertes. La CSQ a produit un aide-mémoire, Dénonciation d’actes répréhensibles, pour faciliter la compréhension de cette loi (lacsq.org/dossiers/lanceurs-dalertes/).

Dans des circonstances extrêmement limitées, il est possible de dénoncer une situation ou de divulguer de l’information publiquement. Certaines conditions doivent cependant être respectées, comme le fait d’avoir des motifs de croire que la situation est urgente. 

Une nétiquette : l’exemple des cégeps

Au Cégep de Drummondville, une politique d’utilisation des réseaux sociaux a été adoptée en mai 2018. On y décrit le comportement attendu des membres du personnel sur les réseaux sociaux en lien avec leur emploi : obligation de loyauté, respect des informations confidentielles et respect de la vie privée y sont notamment rappelés.

On y précise également que « si l’enseignant ou l’enseignante utilise un compte pour des raisons personnelles ET comme outil professionnel, il doit s’assurer de créer une liste d’amis “étudiants et étudiantes” afin d’être en mesure de restreindre leurs accès4 ».

Au Cégep de Matane, c’est un guide encadrant l’utilisation des réseaux sociaux qui existe sur le sujet. On y édicte les comportements attendus des membres du personnel mentionnés plus haut, mais également les suivants : « s’identifier distinctement du cégep lorsque l’employé émet des opinions5 » ou « tracer la ligne entre la vie professionnelle et la vie personnelle5 ».

Une nétiquette se retrouve également à la fin de ce document afin de mettre de l’avant les bonnes pratiques, dont le respect des autres, ou encore le conseil suivant : « Si vous avez un doute, ne publiez pas5. »

Finalement, la CSQ possède aussi un guide qui propose des balises pour l’utilisation des réseaux sociaux : Les médias sociaux – des outils aussi utiles que redoutables (lacsq.org/dossiers/medias-sociaux).

Qu’on les juge pertinents ou non, ces encadrements locaux méritent d’être connus, car ils permettent de mieux comprendre quel est le « terrain de jeu » dans lequel il est possible d’évoluer.


1 QUÉBEC (2019). Charte des droits et libertés de la personne, chapitre C-12, à jour au 1er juin 2019, [En ligne], Québec, Éditeur officiel du Québec. [legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/C-12].
2 QUÉBEC (2019). Code civil du Québec, chapitre CCQ-1991, à jour au 1er juin 2019, [En ligne], Québec, Éditeur officiel du Québec. [legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/ccq-1991].
3 GERBET, Thomas (2018). « Un professeur de cégep suspendu pour des propos homophobes », Radio-Canada, [En ligne] (5 février). [ici.radio-canada.ca/nouvelle/1081916/professeur-cegep-vieux-montreal-suspendu-homophobie].
4 CÉGEP DE DRUMMONDVILLE (2018). Politique d’utilisation des réseaux sociaux, [En ligne] (15 mai), 10 p. [cegepdrummond.ca/wp-content/uploads/2018/11/POL_31_Utilisation_Reseaux_sociaux_2018_05_15.pdf].
5 CÉGEP DE MATANE (2015). Guide encadrant l’utilisation des médias sociaux, [En ligne] (1er juin), 5 p. [cegep-matane.qc.ca/_fichiers/2015/application/pdf/guide_medias-sociaux.pdf].