Pour beaucoup d’entre nous, la tomate fraîche qui arrive en mê  me temps que l’été symbolise l’arrivée de la belle saison. Cette année, on pourra dire que le fruit rouge a un goût amer. On ne fait pas l’autruche, on savait que les conditions de travail des travailleuses et travailleurs agricoles migrants n’étaient pas roses. Ce n’est pas pour rien qu’il faudrait étendre le régime de protection du Code du travail et faciliter leur syndicalisation.

Ce que révèle le récent reportage de Radio-Canada au sujet des conditions de vie chez les ouvriers des Productions horticoles Demers nous offre un condensé de capitalisme sauvage et de néocolonialisme décomplexé à nous dégoûter des tomates pour un petit moment!

Exploitation agricole

Le récit qui est fait par ces courageux travailleurs qui osent briser le silence apporte un tout autre sens au mot « exploitation » dans l’expression « exploitation agricole »! Ce qu’on y lit est tout simplement de l’esclavage moderne. Pour des salaires risibles, ces travailleurs sont gardés dans des conditions de vie insalubres qui sont tout à fait inacceptables.

Sous prétexte que « c’est pire dans leur pays » (ce qui est aussi la faute d’un capitalisme néocolonial débridé et d’un système économique mondialisé qui base toute son existence sur la précarisation des populations du Sud, soit dit en passant), on maintient des gens dans une précarité exécrable et on exploite leur misère pour avoir une main-d’œuvre docile et bon marché.

Pour citer un document du Centre international de solidarité ouvrière (CISO) :

«Les programmes de migration temporaire dans le secteur agricole ont été créés dans le but de pallier des pénuries temporaires de main-d’œuvre. Cependant, puisque le PTAS a été créé en 1966, on peut dire que la pénurie temporaire s’est transformée en pénurie permanente.»

Rappelons que les travailleuses et travailleurs agricoles étrangers sont à la merci de leurs employeurs. La structure même des programmes canadiens de migration temporaire ouvre la porte aux abus. Les droits des migrants sont protégés sur papier, mais dans la réalité, il en est tout autrement.

Le monde des Calinours

Vivre entassé avec 10 à 12 personnes dans un même dortoir contenant des moisissures, dont les fenêtres sont scellées, qui est humide et mal isolé, ce sont des conditions qu’aucun travailleur québécois n’accepterait. Le conseiller en ressources humaines des Productions horticoles Demers, Yannick Rivest, se surprend que les gens ne filent pas le parfait bonheur dans ces conditions! Il a dit au journaliste de Radio-Canada :

L’idée, c’est qu’ils soient heureux, mais ce n’est pas un monde de Calinours, ce sont des employés agricoles.

Le porte-parole de l’entreprise nie en bloc les allégations et prétend que les travailleuses et travailleurs n’ont qu’à venir lui parler s’ils ont des problèmes. Qui vit dans un monde de Calinours ici?

Darien Xaper, ancien employé des Productions horticoles Demers, a dit :

«On ne comprend pas le français et on ne peut pas parler. Parce que si on parle, ce qu’ils [les patrons] font, c’est qu’ils ne nous rappellent pas.»

Comment est-il possible de manquer autant d’empathie? Comment se fait-il que de telles conditions soient encore possibles au Québec et au Canada? Ce n’est clairement pas en faisant l’autruche comme le fait l’entreprise Demers qu’on pourra régler le problème. Cette situation a de quoi nous rendre rouge tomate! La dignité, ce n’est pas négociable.

Solidarité avec les travailleuses et travailleurs agricoles migrants!