Étudiant au Cégep régional de Lanaudière à l’Assomption, Martin Forgues1 cherchait un travail à temps partiel. Fils de militaire, il s’est engagé tout naturellement, à 18 ans, dans la Réserve. Après avoir passé douze ans dans l’infanterie – où il a connu la Bosnie et l’Afghanistan –, il est aujourd’hui très critique envers les stratégies de recrutement des Forces armées canadiennes.
« On vend l’armée comme une aventure. Nulle part on ne parle de la guerre ou de ses ravages à retardement. Si la vie vous intéresse a même été l’un des slogans utilisés. Ce vocabulaire excitant est comme un écran de fumée, une novlangue très glamour qui se rapproche des jeux vidéos et des films hollywoodiens. »
Antimilitariste, Martin Forgues n’est pas contre le principe d’une armée consacrée à la défense. Il s’oppose à une forme de patriotisme, qui valorise le sens du devoir pour le pays, très répandue au sud de la frontière.
« En payant leurs études et en leur promettant de bons salaires, l’armée mise sur l’insécurité économique des jeunes. Or, il ne s’agit pas d’un employeur ordinaire. On parle de vie ou de mort, sans compter l’implication morale de cet engagement. Tu peux être appelé à tuer », poursuit-il.
« On vend l’armée comme une aventure. Nulle part on ne parle de la guerre ou de ses ravages à retardement. »
Malgré l’évolution du discours depuis le changement de gouvernement à Ottawa, les grandes orientations des Forces armées canadiennes ne se sont pas transformées radicalement.
« Lorsque je me suis engagé, je rêvais du maintien de la paix. C’était avant le 11 septembre 2001. Aujourd’hui, le Canada a peu de poids sur la scène internationale, là où se décident les missions extérieures. Je constate aussi que, pour plusieurs États, les interventions militaires demeurent des outils de conquête qui leur permettent de projeter leur puissance et de défendre leurs intérêts à travers le monde », précise celui qui a publié deux ouvrages sur ces sujets.
Faites l’école, pas la guerre
À l’instar de la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEC-CSQ), qui milite contre le recrutement militaire dans les établissements collégiaux, Martin Forgues considère que l’armée a d’autres espaces pour recruter.
Il conseille aux groupes opposés à cette forme d’embrigadement de renforcer leur discours en déconstruisant les arguments de l’armée. « Il faut rendre l’antimilitarisme plus glamour que l’armée! Dites à un jeune de ne pas faire quelque chose et il va le faire! Il faut plutôt lui dire : avant de faire ce choix, prends le temps de bien y penser », conclut-il.
1 Martin Forgues est journaliste indépendant. Il a publié L’Afghanicide. Cette guerre qu’on ne voulait pas gagner (VLB éditeur) et Un Canada errant sur le sentier de la guerre (Éditions Poètes de brousse).