Chargée de projet pour le Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA), affilié au cégep de Victoriaville, Émilie Parent travaille auprès des Atikamekw d’Opitciwan, une communauté d’environ 2 400 habitants située sur la rive nord du réservoir Gouin, à 280 kilomètres à l’ouest de Roberval. Son rôle? Aider la communauté à atteindre l’autonomie alimentaire par l’agriculture.

Dans cette région, les fruits et les légumes offerts à l’épicerie sont vendus à des couts très élevés par rapport au revenu de la population. Et comme ces aliments ont parcouru un long voyage avant de parvenir à destination, ils arrivent souvent amochés, ce qui donne peu envie de les consommer. Les gens ne les achètent donc pas!

Pour contrer cette problématique, l’agriculture se présente comme une solution intéressante. Or, la culture de fruits et de légumes fait peu partie des habitudes des Atikamekw, qui pratiquent surtout la chasse et la cueillette. Une grande partie des habitants quittent d’ailleurs Opitciwan durant la belle saison pour partir chasser à travers leur vaste territoire.

L’agriculture est donc difficile à implanter dans la communauté. « Ce n’est pas tout le monde qui est là en été, mais les plantes, elles, elles doivent être arrosées! », dit Émilie Parent.

Une belle expérience pour plusieurs

Émilie Parent

Le projet1 sur lequel Émilie Parent travaille consiste donc à enseigner l’agriculture à celles et ceux qui demeurent dans la communauté durant l’été. Afin d’aider les habitantes et habitants à développer leur autonomie alimentaire, huit espaces de jardinage ont été créés ces dernières années, dont une nouvelle serre pédagogique.

De nombreuses personnes se prêtent chaque année avec enthousiasme à l’expérience potagère. Elles cultivent, notamment, des pommes de terre, des concombres, des courgettes, de la laitue, des carottes et des courges, qui poussent tous très bien sur le bord de l’immense réservoir Gouin.

« Les activités extérieures connaissent un engouement auprès de la population, surtout là où souvent il n’y a pas grand-chose à faire, explique la chargée de projet. Et prendre soin de quelque chose de vivant, c’est vraiment très attrayant pour les personnes qui participent. »

Ce projet attire aussi des étudiantes et des étudiants en anthropologie et en agriculture du cégep de Victoriaville. Les jeunes, embauchés par le CISA, ont l’occasion de vivre au sein de la communauté atikamekw durant la période estivale. Ils créent des liens et deviennent en quelque sorte « des ambassadrices et des ambassadeurs sur le terrain », indique Émilie Parent.

S’adapter à la réalité des Atikamekw

« Nous [l’équipe du CISA] travaillons beaucoup à changer notre façon de faire pour nous adapter à celle de la communauté, à sa vision, et pour répondre à ses besoins, explique la chargée de projet. Il y a des différences culturelles, par exemple sur la façon d’appréhender le temps, l’organisation des activités de groupe, la place du travail, etc. »

À l’été 2021, deux étudiants en anthropologie se sont joints à l’aventure à Opitciwan dans le cadre d’un nouveau projet de recherche. Financé par le ministère de l’Éducation, ce projet vise à travailler sur les procédés de mobilisation et à intégrer les façons de faire des communautés autochtones. L’expérience a connu du succès, surtout auprès des élèves de l’école secondaire de la communauté, qui étaient invités à participer.

Le CISA, nouvellement syndiqué

Le Centre d’innovation sociale en agriculture (CISA) du cégep de Victoriaville est le seul centre collégial de transfert technique québécois (CCTT) qui concentre ses recherches sur les problématiques sociales du monde agricole.

En 2020, la trentaine de travailleuses et de travailleurs a rejoint les rangs du Syndicat des professionnels du Cégep de Victoriaville affilié à la FPPC-CSQ2. Émilie Parent, conseillère à l’exécutif syndical, affirme que « ça fait vraiment une différence d’être au sein du syndicat, il faut qu’il y ait des gens de notre service qui soient là-dedans, parce que notre réalité en tant que chercheurs est différente de celle des autres professionnels par rapport à notre travail. Là, on peut avoir un dialogue! »


1 Le projet d’Émilie Parent avec le CISA est rendu possible grâce à la collaboration d’Ernest Awashish, agent de développement économique, et de Marie-Soleil Weizineau, directrice de l’aménagement à Opitciwan.
2 Fédération du personnel professionnel des collèges.