Opinions, Santé
Un vaccin obligatoire imposé dans un climat d’incohérence
9 septembre 2021
Le premier ministre François Legault et son ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, ont annoncé hier une mesure de santé publique sans précédent dans l’histoire du Québec : la vaccination obligatoire des intervenantes et intervenants dans le réseau de la santé et des services sociaux.
Cette mesure n’est pas une surprise à ce moment-ci de la pandémie, mais elle soulève des préoccupations légitimes chez nos membres, travailleuses et travailleurs de la santé, ainsi que des questionnements de notre part touchant la santé publique.
Des directives questionnables
Précisons d’emblée que la Fédération de la Santé du Québec (FSQ-CSQ) est à 100 % d’accord avec la vaccination volontaire contre la COVID-19 en contexte de crise sanitaire mondiale. Toutefois, l’imposition de la vaccination obligatoire à certains groupes ciblés, comme c’est présentement le cas, commande une certaine prudence et une plus grande cohérence de la part du gouvernement dans ses actions que ce que nous voyons présentement.
En effet, comment peut-on prendre au sérieux le sentiment d’urgence invoqué par le ministre de la Santé et des Services sociaux pour justifier l’adoption de cette mesure exceptionnelle alors qu’au même moment, nous observons un allègement des règles de prévention et de contrôle des infections dans plusieurs établissements de santé? C’est notamment le cas de l’abolition des zones collectives chaudes, tièdes ou froides et le retour de la mobilité du personnel à l’intérieur d’un même centre hospitalier, sans quarantaine ni autre mesure systématique de retrait.
Un gouvernement qui hausse lui-même le niveau de risque
Concrètement, par ses nouvelles directives, le ministre de la Santé et des Services sociaux contribue lui-même à hausser le risque d’exposition des travailleuses et travailleurs. Une question se pose : comment les instances officielles peuvent-elles justifier l’allègement des mesures de prévention et de contrôle des infections en raison, notamment, des taux élevés de vaccination et, simultanément, vouloir imposer la vaccination à l’ensemble du personnel de la santé en raison des risques de contamination? De telles incohérences suscitent beaucoup de mécontentement chez nos membres et soulèvent bien des questions.
Faut-il rappeler que les travailleuses et les travailleurs de la santé constituent le groupe de citoyennes et citoyens le plus vacciné au sein de notre société? Pourtant, le gouvernement choisit maintenant de faire reposer soudainement sur leurs seules épaules une lourde partie de l’effort de la lutte à mener contre la pandémie. Il me semble que nos membres ont déjà suffisamment consenti de sacrifices dans ce combat depuis un an et demi sans qu’on impose aux équipes de perdre des collègues de travail et qu’on les menace maintenant de leur retirer, en plus, leur revenu.
Un manque de respect flagrant pour les travailleuses et les travailleurs
Par respect pour ses travailleuses et ses travailleurs qui ont tant donné et par nécessité de cohérence, le gouvernement Legault ne doit pas laisser croire que la vaccination obligatoire sera à elle seule la panacée pour endiguer la pandémie. Le gouvernement doit continuer d’exiger un effort collectif dans cette lutte et interpeller beaucoup plus activement tous les paliers gouvernementaux pour qu’ils maintiennent leur vigilance, particulièrement le gouvernement fédéral dans sa gestion de nos frontières.
La vaccination à grande échelle chez nous n’empêchera pas le développement et l’arrivée de nouveaux variants plus contagieux, et possiblement résistants, si l’ensemble des pays n’a pas accès à cette vaccination.
La lutte actuelle est mondiale et dépasse les frontières du Québec et du Canada. Le gouvernement Legault doit faire pression sur le gouvernement fédéral pour la levée des droits de propriété intellectuelle des brevets liés aux vaccins contre la COVID-19.
Un gouvernement en manque de cohérence
En terminant, la FSQ-CSQ tient à rappeler que le respect des règles sanitaires à long terme passe nécessairement par la cohérence des décisions en matière de santé publique. Cette cohérence n’est malheureusement pas au rendez-vous lorsqu’on s’attarde aux récentes décisions du ministère de la Santé et des Services sociaux.
Par Claire Montour, présidente de la Fédération de la Santé du Québec (FSQ-CSQ)