Montréal, le 23 septembre 2021. – Suivant la clôture de l’étude détaillée du projet de loi no 59 – Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui représente plus de 200 000 membres œuvrant dans des milieux à nette prédominance féminine comme l’éducation et la santé, se dit déçue de cette réforme qui refuse toujours de reconnaître adéquatement les risques psychosociaux liés au travail et qui prend des allures de rendez-vous manqué avec l’histoire. En somme, la Centrale considère que la réforme, plutôt que de moderniser le régime, continue d’entretenir la discrimination faite envers les femmes dans les milieux de travail alors que les quelques améliorations au régime sont masquées par des statu quo ou des reculs.
Les risques psychosociaux relégués à l’arrière-plan
Pour le président de la Centrale, Éric Gingras, l’étude détaillée qui vient de se terminer a toutes les raisons de décevoir dans le contexte où, plus de 40 ans après l’instauration de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la reconnaissance des risques et des lésions psychologiques en milieu de travail continue d’être reléguée à l’arrière-plan. « En 2021, l’absence de la présomption en matière de lésions psychiques prévaut toujours pour le gouvernement du Québec, et il est consternant que l’on doive continuer de se battre pour une réelle reconnaissance des milieux à risque de causer des lésions psychologiques. Alors qu’on ne compte plus les campagnes de sensibilisation sur la question, on a la désagréable impression qu’au sortir de l’étude détaillée sur la réforme de la loi sur la santé et sécurité du travail, tout reste encore à faire. Le gouvernement semble avoir oublié qu’en tant qu’employeur, il est lui-même aux prises avec de graves pénuries de personnels dues en grande partie à des lésions psychologiques », mentionne-t-il.
Par ailleurs, la CSQ déplore que, sous le couvert d’une avancée, la ligne tracée par le projet de loi privera les travailleuses et les travailleurs d’un programme de prévention, d’un comité et d’un représentant en santé et sécurité du travail et les limitera à un plan d’action déterminé unilatéralement par l’employeur avec, comme seule protection, un agent de liaison aux pouvoirs limités. Le contenu qui est proposé dans le projet de loi n’est donc pas cohérent avec une réforme qui se dit être en faveur de « la parité et du dialogue social ».
Les femmes laissées pour compte
« Particulièrement touchés par les enjeux des risques psychosociaux, les grands perdants de cette réforme sont aussi les milieux de travail à prédominance féminine comme l’éducation, la santé et la petite enfance », estime le président de la CSQ. Le refus du ministre d’inclure l’analyse différenciée selon les sexes (ADS), pourtant inscrite dans des politiques gouvernementales québécoises depuis plus de 15 ans, est un autre exemple du sexisme sous-jacent au projet de loi no 59. S’ajoutant à cela, plusieurs délais d’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi s’étirent, comme le programme Pour une maternité sans danger, pour « donner la chance aux employeurs » de s’ajuster alors que ce sont les travailleuses enceintes ou qui allaitent qui en paieront le prix. « Il faut absolument déplorer le fait qu’au travers de cette réforme, les femmes en emploi sont laissées pour compte. Ne serait-ce que pour ce seul enjeu de la reconnaissance des milieux de travail à prédominance féminine, il faut saluer le travail de deux représentants de l’opposition pendant les travaux de la commission parlementaire, à savoir Alexandre Leduc (Québec solidaire) et Sylvain Gaudreault (Parti québécois), qui ont démontré une meilleure compréhension des enjeux en santé et sécurité à plusieurs égards », dit Éric Gingras.
Et l’avenir maintenant?
Le projet de loi étant sur le point d’être adopté malgré les nombreuses insatisfactions manifestées autant par les représentants patronaux que syndicaux, le président de la CSQ invite le gouvernement à s’engager en faveur d’une réelle reconnaissance des lésions psychiques dans un avenir rapproché. « Devant les ravages plus nombreux que jamais qui sont causés par les lésions psychologiques, il faut collectivement avoir le courage de nommer les choses par leur nom : c’est un problème social inacceptable qui touche particulièrement les femmes. Nous tendons la main au gouvernement pour qu’il s’engage dans cette voie. On ne doit pas encore attendre 40 ans avant la bonne réforme », de conclure Éric Gingras.