Balado Prendre les devants, Éducation
Réfléchir ensemble à l’avenir de l’éducation au Québec
24 octobre 2024
École à trois vitesses, laïcité, influence des entreprises privées dans la recherche universitaire, égalité des chances : le système d’éducation au Québec est confronté à de multiples enjeux. Pour y faire face, une grande réflexion collective s’impose, estime le philosophe, essayiste et chroniqueur Normand Baillargeon.
Par Anne-Marie Tremblay, collaboration spéciale
Déjà en 2016, Normand Baillargeon écrivait dans les pages du Devoir que le Québec était mûr pour ce type d’exercice, a-t-il rappelé d’entrée de jeu au micro du balado Prendre les devants. C’est d’ailleurs l’une des grandes priorités adoptées par la CSQ lors du congrès de juin dernier. Loin d’être seulement « esthétique », ce genre de réflexion peut exercer une réelle influence, estime-t-il.
Ce fut d’ailleurs le cas de la Commission Parent, tenue entre 1961 et 1966, qui a permis de jeter les bases du système d’éducation actuel, a rappelé Normand Baillargeon. « Ça a été une longue et sérieuse réflexion. Elle a conduit à la démocratisation de l’éducation au Québec, ce qui n’existait pas avant, en créant, entre autres, le réseau des Universités du Québec, les cégeps et les polyvalentes. » Cette réforme a aussi permis une avancée majeure pour les femmes, leur ouvrant les portes de l’éducation, alors qu’elles étaient auparavant cantonnées à des métiers comme celui d’infirmière.
Or, l’eau a coulé sous les ponts et le système d’éducation actuel fait face à de nouveaux défis sur lesquels il faudrait se pencher autrement qu’à la pièce, fait-il valoir. Ainsi, il est grand temps de rassembler les différents acteurs afin d’examiner ces enjeux dans leur globalité, estime Normand Baillargeon. « Quels sont les faits réels? Qu’est-ce qui se passe réellement? Le philosophe en moi tient à dire qu’on peut avoir des désaccords sur les finalités, mais que les faits à eux seuls ne peuvent dicter cette finalité. »
L’école à trois vitesses
Selon Normand Baillargeon, il faudrait, entre autres, réfléchir au concept d’école à trois vitesses pour connaître l’avis réel de la population à ce sujet. « Est-ce que c’est ce que l’on veut, collectivement? Je pense aussi qu’il faut informer le public de la signification de ces enjeux, car souvent, [les gens] ne sont pas au courant », a-t-il poursuivi. Derrière cette question se cache un enjeu fondamental : l’égalité des chances. « Et pour atteindre cette égalité, il est souvent nécessaire de déployer une inégalité de moyens, de traitements. »
D’autres enjeux mériteraient aussi d’être analysés, comme le fait que les professionnelles et professionnels désertent le domaine ou encore l’intégration en classe des élèves en difficulté, alors que les enseignantes et enseignants n’ont pas nécessairement les moyens et l’appui nécessaires pour réussir cette intégration.
L’école comme lieu d’affirmation nationale
Un débat public sur la laïcité et l’affirmation de l’identité québécoise par le biais de l’école est essentiel, ajoute Normand Baillargeon. « On commence à le faire un peu, avec le cours de citoyenneté et culture québécoise, mais peut-on aussi penser l’école comme lieu d’intégration? Qu’est-ce que ça implique? Comment peut-on le faire? Jusqu’où veut-on aller? Qu’est-ce que cela signifie pour les politiques en matière d’immigration, sur la francisation des nouveaux arrivants? »
Il appelle également à réfléchir au rôle instrumental de l’éducation, parfois perçue simplement comme un moyen de s’enrichir. Normand Baillargeon dénonce la commercialisation croissante du système, notamment en ce qui concerne la recherche universitaire, parfois financée par des entreprises privées qui décident de la publication ou non des résultats. Il faudrait aussi analyser la question des étudiants étrangers, parfois vus comme une source de revenus.
Cette réflexion collective permettrait aussi d’ouvrir un espace de parole démocratique pour aborder certaines questions plus délicates où les gens pourraient « donner leur opinion sans s’insulter ou se rejeter. On doit le faire dans une perspective universaliste, plus large que celle des intérêts particuliers qu’ont les groupes ou les individus ». Un exercice essentiel, alors que « l’éducation est une institution fondatrice de la société », a-t-il rappelé.