Économie

Rareté de la main-d’œuvre : quelles sont les causes?

16 juin 2023

Le Québec vit une rareté, voire une pénurie de la main-d’œuvre, entrainant des conséquences multiples. Quelles en sont les causes?

Fermeture de restaurants en semaine, délais de livraison et périodes d’attente qui s’allongent, surcharge de travail et bris de services ne représentent que quelques problèmes liés aux difficultés de recrutement des employeurs au Québec.

En novembre 2022, le taux de chômage au Québec est descendu à 3,8 %, un creux historique jamais atteint depuis 1976. Ce taux, qui mesure la part des personnes à la recherche d’un emploi au sein de la population active, est en baisse continuelle depuis plusieurs années, abstraction faite de la parenthèse pandémique.

Entre décembre 2015 et novembre 2022, le nombre de personnes au chômage a presque fondu de moitié, passant de 344 200 à 176 800. Il y a de moins en moins de personnes à la recherche d’un emploi au Québec.

Évidemment, dans ce contexte où la main-d’œuvre à la recherche de travail se raréfie, les entreprises et les organisations font face, elles, à des difficultés grandissantes de recrutement. Depuis 2015, Statistique Canada collige le nombre de postes vacants et ceux-ci, sans surprise, suivent une tendance à la hausse. 

Première cause : la démographie

Au Québec, l’offre de travail se raréfie, en grande partie pour des raisons démographiques. La population québécoise de 20 à 64 ans connait actuellement un léger déclin, qui entraine une diminution du nombre de personnes en âge de travailler.

Depuis quelques années, les cohortes de baby-boomers nés entre 1946 et 1966 quittent massivement le marché de l’emploi pour la retraite. Les jeunes de 20 à 29 ans, quant à eux, sont en nombre limité pour les remplacer.

Les démographes utilisent le concept d’indice de remplacement, soit le nombre de personnes de 20 à 29 ans pour chaque personne de 55 à 64 ans, pour évaluer les entrées sur le marché du travail et les sorties de ce marché. Cet indice est à l’heure actuelle à un creux historique de 0,8 personne entrant sur le marché du travail pour chaque personne en sortant. Il se situait au-delà de 2,0 dans les années 1970.

Deuxième cause : la pandémie et la forte relance

Les effets de la pandémie sur l’immigration ainsi que la forte relance postpandémique ont accentué les tensions sur le marché du travail québécois.

En 2020, au plus fort de la pandémie, le Québec n’a accueilli que 25 000 personnes immigrantes permanentes alors que, depuis quelques années, c’est en moyenne près du double qui venait s’établir au Québec.

Malgré une hausse soutenue de l’immigration temporaire, notamment par le programme de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, le manque à gagner découlant de l’année pandémique 2020 a eu un effet certain sur la hausse des postes vacants.

De plus, entre le début de 2021 et la deuxième moitié de 2022, malgré l’effet restrictif des fortes hausses de taux d’intérêt, l’économie québécoise a fait preuve d’une surprenante vigueur. Libérée des confinements, la population québécoise s’est rapidement remise à consommer de façon soutenue, et plusieurs secteurs économiques, notamment la construction, tournaient à plein régime, mettant une pression accrue sur le marché du travail.

Entre demande et offre de main-d’œuvre

C’est avec ce contexte démographique et postpandémique que l’économie québécoise doit aujourd’hui composer.

Sur le plan de la participation des personnes de 65 ans et plus sur le marché du travail, le Québec a toujours fait office de société distincte. Le taux d’emploi de ces travailleuses et travailleurs plus âgés (32,1 %) est moindre que dans le reste du Canada (34,6 % pour l’ensemble du pays).

Est-ce qu’une hausse du taux d’activité de cette partie plus âgée de la population est vraiment une bonne nouvelle? Ces personnes expérimentées demeurent-elles sur le marché du travail parce qu’elles n’arrivent pas à joindre les deux bouts ou parce qu’elles le désirent réellement? Après avoir tant donné à la société, il faut être en mesure de travailler pour les bonnes raisons.

Quant au taux d’activité des 15 à 64 ans, le Québec a déjà fait des bonds de géant, notamment à l’égard de la présence des femmes sur le marché du travail, avec sa politique familiale et ses services de garde éducatifs subventionnés. Il reste assurément encore des gains à réaliser, notamment auprès de certaines populations historiquement marginalisées, mais ceux-ci seront assurément plus modestes que par le passé.

La hausse de la productivité des entreprises doit également faire partie de l’équation. Le Québec fait encore mauvaise figure à ce chapitre. Nos entreprises doivent multiplier leurs investissements afin d’augmenter notre capacité de produire, plus et mieux, avec moins de main-d’œuvre.

Finalement, il faut peut-être se demander s’il n’y a tout simplement pas trop d’emplois pour la taille de la population active québécoise. Et si c’était le cas, ne faudrait-il pas « choisir » ceux qui apportent le plus de bénéfices pour notre société, comme ceux du secteur public au sens large, ou qui sont les plus productifs?

Perdre des emplois faiblement rémunérés pour maintenir et pour développer ceux offrant de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail, n’est-ce pas une recette gagnante pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs du Québec et pour l’économie en général?