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Projet de loi sur l’assurance médicaments : agissons pour le progrès social!
4 avril 2024
Un webinaire très éclairant à écouter en différé
Le 27 mars dernier, la Coalition Solidarité Santé (CSS) a présenté un webinaire d’information et d’échanges sur le projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments. Outre l’explication du texte législatif, cette présentation fait un rappel des principaux enjeux, des groupes d’intérêt, des positions des partis politiques, des études réalisées, et elle met de l’avant diverses pistes d’action à considérer.
En préambule du projet de loi, le gouvernement canadien reconnait que l’accès aux médicaments d’ordonnance est essentiel pour protéger et favoriser la santé (droit reconnu) et qu’une ordonnance non exécutée pour des raisons financières entraine nécessairement des conséquences néfastes (détérioration de la santé, utilisation accrue du système, hausse du cout des soins). Le gouvernement s’engage donc à collaborer avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones pour la mise en œuvre progressive d’un régime d’assurance médicaments universel à payeur unique, guidée par la Loi canadienne sur la santé.
Qu’est-ce qu’il y a sous le capot?
En somme, l’objet de la future loi (article 3) est plutôt explicite :
- améliorer l’accessibilité et le caractère abordable des médicaments sur ordonnance et des produits connexes;
- soutenir leur utilisation appropriée (sécurité des patients, optimisation des résultats de santé, renforcement de la viabilité du système de santé);
- poursuivre le travail vers la mise en œuvre d’un régime d’assurance médicaments national et universel;
- soutenir l’élaboration d’une liste nationale de médicaments;
- prévoir l’élaboration d’une stratégie nationale d’achat en gros.
Le ministre fédéral de la Santé devra prendre en compte certains principes (accessibilité uniforme, caractère abordable, réduction des obstacles financiers, utilisation appropriée, couverture universelle) ainsi que la Loi canadienne sur la santé lorsqu’il collabore avec des provinces (article 4).
Le gouvernement s’engage à maintenir le financement à long terme pour les provinces, les territoires et les peuples autochtones (article 5) :
- pour améliorer l’accessibilité et le caractère abordable des produits pharmaceutiques;
- en commençant par ceux pour les maladies rares;
- ce financement doit être accordé principalement dans le cadre d’accords avec les gouvernements intéressés.
En fait, pour obtenir des paiements fédéraux, les provinces devront respecter la condition suivante (article 6, paragr. 1) :
Un accord à cet effet doit être conclu afin :
- d’élargir toute couverture existante d’un régime d’assurance médicaments public;
- d’offrir une couverture universelle au premier dollar à payeur unique – en ce qui concerne des médicaments sur ordonnance et des produits connexes destinés à la contraception ou au traitement du diabète.
Qui va payer déjà?
Le financement d’un tel régime soulève déjà de nombreuses questions et réflexions.
Si le Québec ne signe pas d’entente, il ne recevra pas de nouveaux paiements fédéraux. Or, si Québec permet aux régimes privés de facturer pour les services nouvellement assurés par le fédéral (ex. : les contraceptifs), est-ce que ses transferts fédéraux actuels pourraient être réduits en vertu de la Loi canadienne sur la santé?
Selon la CSS, il serait délicat pour le fédéral de retirer du financement qu’il n’a pas déjà octroyé pour des services nouvellement assurés. D’autant plus qu’il souhaite aller de l’avant avec la collaboration des provinces et des territoires. Même si le fédéral avait les leviers juridiques pour réduire les transferts fédéraux, politiquement, ce n’est pas ce qui semble ressortir de l’esprit du texte de loi.
Une incidence sur le régime québécois… et sur les régimes privés!
De toute évidence, si le Québec souhaite obtenir le financement fédéral proposé, il devra élargir son régime public afin d’offrir une couverture universelle (pour toutes et tous), au premier dollar (sans contribution directe des usagers au comptoir de la pharmacie, aucune franchise, quote-part ou coassurance), à payeur unique (régime public), pour les médicaments sur ordonnance destinés à la contraception ou au traitement du diabète.
Logiquement, cela impliquerait une réécriture de la Loi sur l’assurance médicaments du Québec et un ajustement des mécanismes de financement du régime public, de même qu’une révision éventuelle de la couverture et des règles de financement des régimes privés.
Ajout de médicaments à la pièce?
Ajoutons que le projet de loi prévoit rapidement l’élargissement de la couverture publique pour les médicaments d’ordonnance.
En effet, après discussion avec les provinces, le ministre demandera à l’Agence canadienne des médicaments d’élaborer, au plus tard au premier anniversaire de la sanction de la présente loi, une liste de médicaments qui servira de point de départ à l’élaboration d’une liste nationale de médicaments qui fixera l’éventail des médicaments sur ordonnance auxquels la population canadienne devrait avoir accès sous un régime d’assurance médicaments national et universel (article 8, paragr. 1).
À cet égard, la CSS émet des préoccupations qui méritent notre attention. Dans le texte de loi, le concept de liste nationale n’est pas qualifié (ex., la plus complète possible, ou selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé, etc.). Comme libellé, cette liste pourrait demeurer restreinte un certain temps, surtout si les budgets alloués s’avèrent très limités. Une telle situation pourrait occasionner des bras de fer entre les différents groupes de patients souhaitant faire ajouter des classes de médicaments. Il ne faudrait pas que de telles situations d’arbitrage, qui pourraient s’avérer très énergivores, limitent notre capacité à mettre en œuvre efficacement le régime public universel.
Ces quelques exemples illustrent quelques-uns des multiples enjeux soulevés par le projet de loi C-64. En somme, si les intentions du gouvernement fédéral semblent bien affirmées, les moyens retenus pour atteindre ses objectifs laissent entrevoir une certaine prudence politique afin d’obtenir la collaboration d’un maximum de provinces et territoires.
La stratégie fédérale retenue est celle d’une approche par étapes – médicaments ciblés, provinces intéressées, discussions planifiées, accords en temps opportun – misant sur un effet d’entrainement plutôt que le mur-à-mur.
Pour en savoir davantage, nous vous invitons à écouter, en différé, le webinaire :
Midi réflexion sur le projet de loi C-64, concernant l’assurance médicaments (youtube.com)
Dans un prochain article : les réactions au projet de loi C-64