Syndicalisme

Projet de loi no 89 : la CSQ réclame son retrait

20 mars 2025

Inutile, nuisible et inconstitutionnel. Voilà comment la CSQ décrit le projet de loi no 89 (PL 89), qui vient notamment limiter le droit de grève des travailleuses et des travailleurs. Alors que la Centrale était de passage en commission parlementaire, le 20 mars, des dizaines de militantes et militants de la CSQ tenaient deux actions de mobilisation pour réclamer son retrait.

Par Maude Messier, conseillère CSQ, et Audrey Parenteau, rédactrice en chef

En commission parlementaire, la CSQ a fait valoir que le PL 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out, est inacceptable. « Le gouvernement ne peut pas faire indirectement ce que les tribunaux lui ont interdit de faire directement! », affirme le président de la CSQ, Éric Gingras. Il rappelle que le régime du droit du travail est basé sur le maintien d’un équilibre dans le rapport de force entre travailleurs et employeurs : « Le projet de loi actuel est carrément une entrave au droit de grève et à la négociation collective. »

Selon le président de la CSQ, « le gouvernement a de travers la dernière négociation du secteur public et il change les règles du jeu en cours de route alors que rien dans le contexte actuel ne le justifie. »

Jean-François Piché, conseiller à la CSQ, Éric Gingras, président de la CSQ, et Arianne Roberge, avocate et conseillère à la CSQ, ont présenté le mémoire de la Centrale sur le projet de loi no 89. (Photos : Pascal Ratthé)

Une fausse prémisse

En présentant son projet de loi, le ministre a invoqué à plusieurs reprises sa volonté de protéger les populations vulnérables dans un contexte de conflit de travail. « Ce gouvernement choisit d’agir pour limiter l’action syndicale, brimer les droits fondamentaux des travailleuses et des travailleurs, pourtant reconnus par les tribunaux, tout en prétextant vouloir protéger le bien-être de la population. Suis-je le seul à trouver cette ironie vraiment frappante? », demande Éric Gingras.

Pour la CSQ, si le gouvernement voulait vraiment se pencher sur le bien-être de la population, il commencerait par arrêter d’imposer des compressions et des restrictions budgétaires dans ses réseaux publics. Il améliorerait plutôt les services éducatifs en petite enfance et les conditions de travail de celles et ceux qui travaillent dans des organismes communautaires, là où l’État s’est déresponsabilisé envers les plus vulnérables. Il répondrait également à l’appel de la CSQ pour une grande réflexion collective en éducation, considérerait le réseau collégial et l’enseignement supérieur comme des alliés pour le développement et l’avenir du Québec et arrêterait de se cacher derrière une agence pour couper dans le réseau de la santé.

« C’est là que ça commence, le bien-être de la population, insiste Éric Gingras. Pas en brimant le droit de grève et en créant une rupture dans l’équilibre des relations de travail qui s’est construit depuis plus de vingt ans et qui garantit d’ailleurs la paix sociale dans laquelle nous vivons actuellement. Parce que, non, contrairement à ce qu’il laisse entendre, il n’y en a pas tant que ça, des conflits de travail, au Québec! »

D’ailleurs, la CSQ rappelle que, depuis le début des années 2000, près de 95 % des négociations de conventions collectives se sont réglées de manière directe ou encore après un processus de conciliation. Il faut également savoir que, pour la période entre 2000 et 2020, les lock-out déclenchés par les employeurs ont causé 757 jours de travail perdus, contre seulement 172 jours pour les grèves des travailleuses et travailleurs.

Des militantes et militants de la CSQ se sont rassemblés devant l’Assemblée nationale, à Québec, alors que les représentants de la Centrale étaient de passage en commission parlementaire. (Photos: Pascal Ratthé)

Les services essentiels et la grève

Éric Gingras insiste sur le fait que, si les récents conflits de travail ont causé des désagréments, ils n’ont toutefois jamais menacé directement la santé ou la sécurité publique, et c’est d’ailleurs en raison des services essentiels bien balisés et déjà encadrés par la loi. La notion de bien-être que vient introduire le projet de loi ne repose sur aucune balise claire fournie pour guider le Tribunal administratif du travail (TAT) dans l’évaluation des services minimaux à maintenir, ce qui soulève des préoccupations juridiques.

Le président de la CSQ ajoute que la nécessité de maintenir des services essentiels doit être évaluée en fonction de l’impact sur la sécurité et la santé, et non pas sur la notion de « bien-être ». D’ailleurs, la CSQ insiste sur le fait que les notions de bien-être et de sécurité économique, environnementale et sociale n’ont jamais été utilisées et que, de son avis, elles ne passeront pas le test constitutionnel.

Dans le contexte actuel largement chargé de préoccupations et d’incertitudes économiques, environnementales et sociales à attaquer de front, « s’attaquer au droit de grève n’était ni nécessaire ni justifié », selon Éric Gingras.

« Le système actuel fonctionne. La grève constitue un moyen pour garantir un véritable processus de négociation à armes égales avec l’employeur. En contexte de négociation, c’est un moyen essentiel à la réalisation des valeurs de liberté, d’autonomie, de dignité humaine et de démocratie. Pour nous, c’est clair que le PL 89 est un affront, sur des bases complètement injustifiées en plus. On est franchement bien loin de l’esprit du dialogue social! », ajoute-t-il.

En savoir plus

Vous pouvez consulter le mémoire de la CSQ ici.

Vous pouvez également regarder les représentants de la Centrale en commission parlementaire.

Le 20 mars, la CSQ a déposé sa version du PL89 au bureau du ministre Jean Boulet, à Trois-Rivières. (Photos : Félix Cauchy-Charest)