Éducation

Plus de pression et moins d’autonomie pour le personnel enseignant

19 octobre 2023

Le projet de loi no 23 (PL23) sur la gouvernance scolaire fait craindre des dérives causées par le mode de gestion axé sur les résultats.

Commencée le 28 septembre dernier, l’étude détaillée du PL23 se poursuit au sein de la Commission de la culture et de l’éducation de l’Assemblée nationale.

Rappelons que le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a annoncé, en janvier 2023, son intention de rendre le réseau scolaire plus performant grâce à son projet de loi sur la gouvernance scolaire. Celui-ci prévoit notamment :

  • La modification de la ligne d’autorité pour renforcer le pouvoir du ministre de l’Éducation;
  • La mise en place d’un système de pilotage basé sur les données et la reddition de comptes;
  • L’abolition du Conseil supérieur de l’éducation (CSE) et du Comité d’agrément des programmes de formation à l’enseignement (CAPFE), deux organismes indépendants qui ont fait leurs preuves;
  • La mise en place d’un institut national d’excellence en éducation (INEE);
  • De nouvelles contraintes en matière de formation continue des enseignantes et enseignants.

La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), comme plusieurs, cherche à comprendre à quels besoins le PL23 répond. Invitée au micro du balado Prendre les devants de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), la vice-présidente de la FSE-CSQ et responsable des dossiers pédagogiques, Brigitte Bilodeau, a mentionné certaines de ses craintes.

Davantage de pression sur les enseignantes et les enseignants

La FSE-CSQ voit notamment dans le PL23 l’emprise de la gestion axée sur les résultats, à laquelle le système d’éducation est soumis depuis plusieurs années.

« Les enseignantes et enseignants ressentent cette pression lorsqu’ils sont rencontrés par leur direction pour rendre compte des résultats de leurs élèves, lorsqu’ils sont questionnés sur leurs outils d’évaluation, sur les méthodes qu’ils emploient. Parfois même, ça va jusqu’à suggérer certaines pistes et formations! », mentionne Brigitte Bilodeau.

Brigitte Bilodeau, vice-présidente de la FSE-CSQ

La pression pour que les élèves aient de meilleures notes existe déjà, mais sera probablement exacerbée par le PL23, selon Brigitte Bilodeau. Les pays qui ont adopté un mode de gestion semblable, axé sur les résultats des élèves, auraient été victimes de dérives telles que l’enseignement en fonction des examens à venir, ce qui va pourtant à l’encontre de la mission de l’enseignement. On en voit également de nombreux exemples dans nos écoles depuis un moment.

« Si je passe dans le bureau de la direction parce que mes élèves ont de moins bons résultats, je vais peut-être axer mon enseignement sur ce qui est vraiment mesuré par l’épreuve, illustre Brigitte Bilodeau. On vient vraiment ratatiner l’enseignement, alors qu’on est censés enseigner aux élèves sur une base générale. »

L’autonomie professionnelle minée

Puisque les enseignantes et enseignants évoluent dans un système qui fait l’apologie des données probantes, on peut craindre une atteinte à leur autonomie avec l’adoption du PL23, souligne Brigitte Bilodeau.

En effet, le projet va encore plus loin en permettant aux gestionnaires de donner « la recette pour que les élèves aient de meilleurs résultats » et en imposant des formations spécifiques si cette recette est mal maitrisée par le personnel enseignant.

« On confine ainsi les enseignantes et enseignants à un rôle de techniciens, d’applicateurs de recette ou de méthode, au lieu de professionnaliser l’emploi et de faire confiance au personnel enseignant », commente Brigitte Bilodeau.

Après tout, indique la vice-présidente, les profs ont la formation (quatre ans d’université), le jugement professionnel et l’expertise pour mettre en place les meilleurs moyens afin d’amener leurs élèves vers la réussite.

Pour aller plus loin 

Écoutez l’épisode entier du premier épisode de la saison 2 du balado Prendre les devants consacré entièrement au PL23 et aux enjeux qu’il soulève.