Éducation

PL23 : un projet de loi adopté dans la controverse

7 décembre 2023

En mai dernier, le monde de l’éducation était à la fois secoué et perplexe face au dépôt du projet de loi no 23. Pourquoi ce projet qui ne répond d’aucune manière aux défis actuels en éducation?

À l’heure de son adoption, la question se pose avec plus d’acuité. Surtout dans le contexte où les personnels enseignant, professionnel et de soutien s’apprêtent à amorcer une nouvelle séquence de grève pour obtenir de meilleures conditions d’exercice et une amélioration des conditions d’apprentissage pour les élèves. Analyse de Nathalie Chabot, conseillère à l’action professionnelle, responsable du dossier de l’éducation à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ).

Un gouvernement déconnecté du réseau

Ce projet de loi permet de mesurer l’étendue du fossé entre la perspective du gouvernement et celle des gens qui font l’école au jour le jour.

Depuis des années, le personnel du réseau réclame que soient mises en place les conditions de base pour permettre aux élèves d’apprendre et de se développer : que ce soit par l’ajout de soutien et d’aide professionnelle pour les élèves ou encore la composition plus équilibrée des classes.

Pourtant, les ministres de l’Éducation qui se sont succédé au cours des dernières années ne parlent que des structures et de la gouvernance du réseau. On observe de plus en plus la mise en place d’une gouvernance essentiellement managériale et de moins en moins démocratique.

C’est ce que fait le ministre Drainville lorsqu’il affirme souhaiter l’amélioration de la réussite des élèves tout en poursuivant des objectifs de « cohérence » et « d’efficacité », leitmotiv dont il a abondamment abusé au cours de l’étude détaillée du projet de loi.

Avec cette nouvelle législation, il met en place un pilotage du réseau scolaire où la seule donnée qui semble réellement compter est l’amélioration du taux de réussite des élèves. Très bien! Oui, c’est important. Mais encore!

Une absence de vision

Où est la vision inspirante pour l’éducation à laquelle on serait en droit de s’attendre d’un gouvernement qui affirme en faire une priorité? L’éducation, c’est plus que l’atteinte de résultats chiffrés. C’est aussi de favoriser l’épanouissement des élèves, de permettre à toutes et tous d’acquérir les outils nécessaires pour s’intégrer à la vie sociale et professionnelle, pour devenir des citoyennes et citoyens éclairés, responsables et solidaires. C’est d’autant plus essentiel aujourd’hui devant les immenses défis sociaux auxquels nous faisons face.

Que propose-t-il essentiellement?

  • Une gouvernance axée sur les données, sans vision large de la réussite et du rôle de l’éducation au sein de la société;
  • Une mise au pas des centres de services scolaires et des établissements en fonction de priorités ministérielles, par une centralisation accentuée, sans laisser beaucoup d’espace à la prise en compte des réalités locales;
  • Une uniformisation des pratiques du personnel sur la base de certains résultats de recherche, particulièrement des pratiques pédagogiques des enseignantes et enseignants, le changement de pratiques étant présenté comme solution unique aux défis rencontrés en éducation;
  • Une déconstruction du Conseil supérieur de l’éducation, malgré la demande unanime des groupes entendus en commission parlementaire de conserver cette institution dont la légitimité et la crédibilité sont reconnues;
  • Une absence de considération de l’apport du personnel et des autres partenaires du réseau à la réflexion collective en éducation.

Cette proposition n’apparait pas à la hauteur de l’objectif ambitieux qu’on doit se donner pour l’éducation. Elle ne permet pas non plus de répondre aux besoins immédiats des élèves et du personnel.

Que souhaitons-nous pour l’éducation?

  • Une vision et un discours qui mobilisent la communauté éducative et mettent l’école, les élèves et le personnel au cœur de son projet politique, pour une société démocratique inspirante;
  • De l’aide concrète pour les élèves et le personnel enseignant, notamment grâce à des services de soutien et professionnels rendus disponibles au quotidien, parce que la réussite, ça se vit au jour le jour dans les écoles;
  • De la valorisation et du respect de l’expertise développée par le personnel de l’éducation;
  • Du soutien pour les familles afin que les élèves, qu’ils soient jeunes ou adultes, vivent dans des conditions favorables à leur cheminement éducatif et scolaire, à plus forte raison dans le contexte économique actuel.

Il est plus que temps, au Québec, de prendre une pause pour laisser place à un réel dialogue social sur l’éducation. Il y a à peine quelques mois, lors de la rentrée scolaire 2023, la CSQ invitait le gouvernement à créer des moments de discussion pour dégager des consensus, tant en ce qui concerne le diagnostic à poser que les solutions à proposer pour l’éducation.

Malheureusement, le peu d’ouverture démontré par le ministre de l’Éducation à prendre en compte les préoccupations soulevées par divers partenaires à propos du projet de loi no 23 indique que l’on est encore bien loin de ce dialogue social.