Éducation, Société
Laïcité dans les écoles : vers une politisation du dossier?
20 mars 2025
Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a déposé aujourd’hui un projet de loi visant à renforcer la laïcité dans les écoles québécoises. La CSQ a rapidement réagi, rappelant que, bien qu’elle souscrive au principe de laïcité dans les écoles, elle craint une politisation du dossier.
Par Maude Messier, conseillère CSQ
Le projet de loi déposé par le ministre contient plusieurs mesures, dont celle d’obliger les élèves et les membres du personnel en contact avec eux à avoir le visage découvert à l’école. Le Journal de Québec rapporte également l’élargissement de l’interdiction des signes religieux à tous les membres du personnel, l’obligation de communiquer avec les élèves et avec les collègues en français et l’obligation pour les profs d’être évalués tous les ans.
Réagissant à chaud au dépôt du projet de loi, la CSQ a réitéré qu’elle souscrit au principe de laïcité dans les écoles, tout comme elle milite activement pour le respect de l’égalité hommes-femmes comme valeur fondamentale. Elle est aussi d’avis que, pour les centres de services scolaires francophones, c’est le français qui doit être utilisé dans les milieux, et estime aussi que les établissements scolaires doivent être des milieux sécuritaires, pour les élèves comme pour le personnel.
Des incidences à prévoir
La Centrale rappelle toutefois que les situations problématiques rapportées récemment touchaient 17 écoles sur les quelque 3 000 établissements scolaires du Québec. « Les situations rapportées dans les médias à la fin de 2024 sont loin de refléter ce qui se passe dans l’ensemble du Québec », affirme le président de la CSQ, Éric Gingras. Il ajoute que « le gouvernement est dans une mauvaise passe actuellement, et il ne faudrait pas qu’il se serve de ce dossier polarisant pour faire des gains au détriment du réseau de l’éducation ».
Pour la Centrale, la question de l’élargissement des dispositions sur le port de signes religieux constitue un élément problématique en lien avec l’attraction et la rétention du personnel. « On reviendra sur le fond plus tard, mais sur la forme, on se demande si les impacts de cette nouvelle règle qui s’appliquera au personnel de soutien et aux professionnels ont été analysés en lien avec l’enjeu de la pénurie. On a plusieurs craintes à ce sujet », ajoute le président de la CSQ.
En ce qui concerne l’évaluation des enseignantes et enseignants annuellement, la CSQ insiste aussi sur le fait que les pouvoirs d’évaluation et de supervision pédagogiques existent déjà dans la Loi sur l’instruction publique (LIP). Les directions d’établissement disposent de tous les leviers nécessaires pour assurer la supervision et l’évaluation du personnel enseignant. Mais encore faut-il du temps et les ressources nécessaires pour que cela puisse se faire comme il se doit. Alourdir ainsi la tâche de tout le personnel enseignant et de toutes les directions pour une minorité de cas pouvant être réglés localement relève de la mauvaise gestion.
La CSQ rappelle que les dispositions de la LIP, de la Loi sur la laïcité de l’État et les mécanismes de plaintes via le Protecteur de l’élève, notamment, balisent déjà les situations ciblées.
« Sur l’objectif, on l’a dit, nous en sommes, dit Éric Gingras. Maintenant, nous pensons que plusieurs mesures sont déjà en place. Le problème, c’est qu’elles ne sont pas appliquées! En quoi ce projet de loi changera les choses de ce côté, c’est la question qu’on se pose. Et on n’a pas encore trouvé la réponse. »
Par ailleurs, il va de soi que la Centrale partage l’importance accordée au respect de la qualité de l’éducation, du programme pédagogique et des matières enseignées.
Un débat qui mérite une réflexion collective
Selon Éric Gingras, « on doit insister sur le fait que les profs, le personnel de soutien et les professionnels du réseau ont tous à cœur la réussite éducative, le bien-être et le développement de nos jeunes. Pour nous, ce projet de loi a des airs de diversion. C’est un projet de loi qui répond à des objectifs d’agenda politique, mais qui, sur le fond, ne réglera pas les problèmes pourtant ciblés ».
Le président réitère la demande de la CSQ de tenir une grande réflexion collective en éducation : « Nous disons depuis longtemps que les enjeux de laïcité devraient faire partie de ces discussions. » La Centrale poursuivra son analyse du projet de loi de façon plus approfondie dans les prochaines semaines.