Montréal, le 21 septembre 2018. – Le Regroupement des organismes communautaires québécois de lutte au décrochage (ROCLD), le Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec, Relais femmes, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et le comité éducation du Conseil central Montréal métropolitain (CCMM-CSN) unissent leurs voix pour demander aux partis politiques de s’éloigner des discours publics qui reconduisent des perceptions stéréotypées pour s’engager à mettre en place des mesures favorisant l’égalité entre les sexes en éducation et la réussite éducative de tous les jeunes du Québec.
Le décrochage scolaire des garçons existe. Il est préoccupant et il faut s’en occuper, mais les solutions promues dans l’espace public selon lesquelles il faut adapter l’école aux « gars » qui aiment bouger et qui ont besoin de modèles de virilité vont à l’encontre des données scientifiques (voir notamment Bouchard et al. 2003, Guerry, 2016, Chouinard 2018, Solar, 2018, TCMFCQ et Raby, 2014). Plus encore, ces solutions occultent complètement le décrochage des filles et cristallisent des stéréotypes qui nuisent à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Les mesures ciblées vers la réussite des garçons en respect de leur identité masculine constituent un obstacle à la réussite éducative de tous les jeunes et à l’égalité entre les sexes. Nous souhaitons que l’ensemble des partis politiques s’engagent, conformément aux données fournies par le milieu de la recherche, à mettre en place des mesures visant à éliminer la reproduction des stéréotypes sexuels par le système d’éducation et à favoriser la réussite de tous les jeunes au Québec.
La recherche scientifique nous indique que les garçons et les filles qui adhèrent le plus aux stéréotypes sexuels décrochent plus. De surcroît, les garçons auraient tendance à plus adhérer aux stéréotypes associés au sexe masculin puisque ceux-ci sont encore perçus comme valorisants (au détriment des garçons qui ne s’y reconnaissent peut-être pas et de la reconnaissance de la diversité des genres).
Soulignons aussi que la majorité des élèves qui décrochent sont issus des classes sociales défavorisées; l’indice de défavorisation serait un facteur de risque de décrochage plus important que le sexe.
On aurait donc intérêt à s’attarder à l’amélioration des conditions de vie des familles et à la déconstruction des stéréotypes sexuels. Les données de l’OCDE sur la situation dans d’autres pays où les garçons réussissent autant voire mieux que les filles (États-Unis, Allemagne, Suisse) contredisent l’argument d’un décrochage des garçons dû à la présence massive des femmes dans l’enseignement (Tondreau, 2014). Alors, pourquoi perpétuer cette idée sexiste? À force de dire aux garçons que l’école n’est pas faite pour eux, notamment parce qu’elle est composée majoritairement de modèles féminins, ils risquent fort de la quitter et de développer une pensée sexiste. On doit impérativement s’éloigner des idées visant à promouvoir un modèle de masculinité si l’on veut favoriser la réussite éducative de tous les jeunes.
Et les filles? Elles laissent la scène politique et les médias indifférents, alors qu’elles sont aussi touchées par le phénomène du décrochage scolaire et qu’elles sont beaucoup plus désavantagées dans leur parcours socioéconomique que les garçons. En effet, la vie des décrocheuses est davantage marquée par le rôle traditionnel tant sur le plan de la famille que sur celui du marché du travail : elles sont pour la plupart sans emploi ou occupent des emplois à prédominance féminine souvent dans le secteur des services qui sont moins bien rémunérés que les emplois occupés majoritairement par les hommes. Au Québec, la rémunération annuelle des femmes sans diplôme d’études secondaires est en moyenne de 21 845 $ et de 34 585 $ pour les hommes dans la même situation (ISQ, 2015).
La sous-scolarisation des filles contribue plus largement à la spirale du décrochage scolaire. Encore aujourd’hui, ce sont surtout les femmes qui sont les principales responsables d’accompagner les enfants dans leur cheminement scolaire et leurs apprentissages, ce qui implique notamment le soutien lors de la période des leçons et des devoirs.
Nous souhaitons que les partis s’éloignent des discours publics qui reconduisent des perceptions stéréotypées pour s’engager à mettre en place des mesures favorisant l’égalité entre les sexes en éducation et la réussite éducative de tous les jeunes du Québec.