Économie

La CSQ réagit à la mise à jour économique

9 novembre 2023

Malgré des menaces de ralentissement économique à l’horizon et de nouveaux engagements financiers d’environ 1 milliard $ par année, les résultats, présentés le 7 novembre dernier par le ministre des Finances, Éric Girard, dans le cadre de la mise à jour économique et financière du Québec, rassurent quant à la stabilité des finances publiques.

Par Minh Nguyen et Pierre-Antoine Harvey, conseillers CSQ

Cette mise à jour du budget arrive dans un contexte de ralentissement économique et en plein cœur des négociations du secteur public et des services éducatifs à la petite enfance.

Bien que, dans ses lignes de presse, Éric Girard annonce un déficit de 4 milliards $ pour l’année en cours, rappelons que le déficit réel du Québec n’est que de 1,2 milliard $. Pour arriver aux mêmes chiffres que ceux du ministre, il faut ajouter la réserve pour éventualité (500 millions $) et le versement au Fonds des générations (2,2 milliards $).

Une situation somme toute rassurante 

La hausse de 5 points de pourcentage des taux directeurs que la Banque du Canada, justifiée pour lutter contre l’inflation, a des effets sur la vigueur de l’économie. Les prévisions de croissance économique présentées par le ministre des Finances sont révisées à la baisse, certes, mais le Québec ne tombera pas en récession technique. On prévoit une croissance du produit intérieur brut (PIB) réel de 0,7 % en 2024, alors que la prédiction de mars 2023 était de 1,4 %.

Par contre, sur le plan du PIB nominal (croissance économique et croissance des prix), qui représente l’assiette fiscale du gouvernement, 2023 s’avère meilleure que prévu (4 % au lieu de 2,7 %) et ne connaitra qu’une légère baisse en 2024 (3,4 % au lieu de 3,8 %). On pouvait s’attendre à ce que cette révision à la baisse entraine des répercussions sur les finances publiques beaucoup plus négatives que celles dévoilées par le ministre.

Alors que le Québec a l’habitude, depuis l’ère Carlos Leitão, de voir les résultats budgétaires de novembre être bien meilleurs que les prévisions de mars, voilà que, cette fois, le ministre des Finances annonce une stabilité dans les prévisions de solde budgétaire. Les réserves pour éventualités, prévues dans le budget de mars dernier, sont partiellement utilisées afin de maintenir les soldes budgétaires à des niveaux comparables pour les cinq prochaines années.

Ainsi, le déficit réel de 2023-2024 passe de 1,6 à 1,8 milliard $ et celui de 2024-2025 augmente d’à peine 80 millions $, pour se chiffrer à 678 millions $. Le retour à l’équilibre budgétaire réel est encore prévu pour 2025-2026 avec un surplus de 468 millions $.

Bien des crises à gérer 

Confronté à une multitude de crises, le gouvernement se devait d’annoncer de nouvelles initiatives. Dans cette mise à jour, il s’engage à apaiser les tensions sur certains enjeux qui font du mal au tissu économique et social, dont la crise du logement, la lutte aux conséquences de l’inflation, le besoin de financement du transport en commun, la lutte à la pauvreté et le casse-tête lié à la transition climatique.

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) salue le fait que le gouvernement prenne ces enjeux au sérieux et propose les sommes qui aideront à la gestion de ces crises, même si, dans certains cas, les engagements ne reflètent pas les besoins du terrain.

En matière de lutte à la pauvreté, par exemple, l’aide additionnelle de 22 millions $ prévue pour la construction de refuges d’urgence pour les personnes en situation d’itinérance est la bienvenue, tout comme l’aide ponctuelle de 21 millions $ offerte à des organismes procurant de l’aide alimentaire. Du côté du transport collectif, toutefois, il s’engage à débourser une somme de 265 millions $ qui, vraisemblablement, ne couvrira pas le déficit de 424 millions $ de l’ensemble des sociétés de transport du Québec.

Faire face à la crise du logement

Le Québec vit actuellement une crise du logement. Dans sa mise à jour économique et financière, le gouvernement s’est donc engagé à débourser 1,8 milliard $ sur 6 ans pour offrir un meilleur accès au logement. Sur cette somme, 210 millions $ sont planifiés pour 2023-2024 afin que débute dès maintenant la construction de 8 000 logements sociaux ou abordables au cours des prochaines années. Au total, 7 500 de ces logements seront destinés à des ménages à faible revenu, et 500 seront réservés aux personnes en situation d’itinérance. Bien que positive, cette annonce arrive avec beaucoup de retard et demeure encore trop modeste. Rappelons que, selon la Société d’habitation du Québec, 37 000 ménages sont en attente d’un logement social.

Une mise à jour qui vient modifier l’offre au secteur public

« Le gouvernement fait un pas dans la bonne direction en investissant pour accélérer la construction de logements sociaux, prévenir les changements climatiques et financer le transport en commun, mais il demeure encore trop timide dans ses engagements à soutenir nos réseaux publics », déclare le président de la CSQ, Éric Gingras.

Aucune nouvelle offre salariale n’est présentée dans cette mise à jour économique et financière. Le ministre des Finances présente toutefois ses nouvelles prévisions sur le plan de l’inflation pour cette année et la suivante. Celles-ci sont 1,7 point de pourcentage plus élevées que celles indiquées dans le budget de mars.

Ainsi, la valeur de la nouvelle offre salariale du gouvernement de 10,3 % sur 5 ans n’arrive même pas à couvrir l’augmentation du cout de la vie. Les nouvelles prévisions nous confirment que l’appauvrissement sur 5 ans des travailleuses et des travailleurs du secteur public passerait de 7,4 % à 7,8 %.

Cette fluctuation imprévisible de l’inflation démontre sans contredit la nécessité d’instaurer une clause automatique de protection du pouvoir d’achat afin que nos augmentations représentent l’inflation réelle et non pas celle prévue quelques années à l’avance.

Pour le Front commun, dont fait partie la CSQ, cela vient prouver que la dernière offre salariale du gouvernement vient de partir en fumée alors qu’elle accentuerait le retard des travailleuses et des travailleurs. 

La lutte aux conséquences de l’inflation

Pour faire face aux conséquences de l’inflation, la CSQ préconise une approche durable qui va au-delà des chèques uniques.

Le gouvernement présente l’indexation des aides fiscales et des prestations sociales à la hauteur de l’inflation, soit 5,08 % pour janvier 2024, comme une mesure d’aide face à la hausse du cout de la vie. Rappelons toutefois que cette mesure ne constitue pas une nouvelle annonce, mais un mécanisme automatique institué depuis 2002 en vertu d’une loi.

Pour la CSQ, la principale solution durable de protection contre la hausse du cout de la vie consiste à s’assurer que les travailleuses et les travailleurs puissent obtenir des augmentations de salaire minimalement ajustées à l’inflation. Dans cette perspective, le gouvernement échoue, car il offre en 2024 une augmentation de 1,5 % alors que tous les autres paramètres gouvernementaux sont indexés de 5 %.

Le gouvernement rate ici l’occasion de montrer l’exemple en garantissant à ses employés des salaires justes, qui assurent une protection contre les pressions inflationnistes sur les finances des ménages.

Finalement, le gouvernement se veut rassurant avec cette mise à jour économique et financière. Il ressent la pression de la population et des crises sociales et économiques qui se multiplient. Il veut envoyer le message qu’il est en contrôle.

Il demeure que l’éléphant dans la pièce, que le gouvernement ne semble pas vouloir mentionner, est la question des réseaux publics. Pour continuer à se faire rassurant, il devra démontrer, dans les prochains mois, qu’il a les services à la population à cœur et qu’il choisira de les soutenir.