International

La CSQ à Washington pour parler de services publics

14 septembre 2023

Les organisations membres de l’Internationale des services publics (ISP) en Amérique du Nord, parmi lesquelles figure la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), ont participé les 7 et 8 septembre derniers à une grande rencontre à Washington, dans le but de discuter des principaux enjeux touchant les services publics et qui seront débattus en octobre, à Genève, lors du Congrès de l’ISP.

Par Luc Allaire, conseiller CSQ

L’une des priorités de ce congrès sera la lutte à la privatisation et la promotion des services publics de qualité. D’où le cri du cœur de la secrétaire générale de l’ISP, Rosa Pavanelli, qui s’inquiète de l’effet des pénuries de main-d’œuvre sur la qualité des services publics partout dans le monde.

Selon l’ISP, cette pénurie de travailleuses et de travailleurs est exacerbée par l’iniquité fiscale, les entreprises multinationales ne payant pas leur juste part d’impôts. Plusieurs rapports de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Organisation des Nations unies (ONU) démontrent en effet que de nombreuses entreprises pratiquent de l’évitement fiscal en déclarant leurs profits dans les paradis fiscaux et non dans les pays où ont lieu leurs activités commerciales. De plus, le dixième de 1 % des milliardaires les plus riches de la planète accaparent entièrement les profits générés par les hausses de productivité.

Cet évitement fiscal et ces inégalités entrainent des conséquences désastreuses sur les revenus des États et, par voie de conséquence, sur le financement des services publics, notamment en santé et en éducation.

L’ISP appuie les efforts faits par l’OCDE et l’ONU afin de rendre la fiscalité internationale plus équitable. Cependant, ces efforts se heurtent à des gouvernements de droite de plus en plus nombreux. Par exemple, le gouvernement italien dirigé par la première ministre d’extrême droite, Giorgia Meloni, a réduit l’imposition des revenus élevés sans toucher à l’imposition des gens à revenu modeste.

Les syndicats et une transition juste 

La transition juste constitue une autre priorité qui sera discutée au Congrès de l’ISP. « La crise climatique est multicausale, a expliqué le secrétaire général adjoint de l’ISP », David Boys.

Le travail de l’ISP consiste à mener des recherches sur les effets des changements climatiques sur la justice économique et dans les lieux de travail, entre autres, et à organiser des campagnes de sensibilisation.

Pendant que les organisations syndicales réclament des services publics plus forts, la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international font pression sur les gouvernements du Sud global pour qu’ils réduisent leurs dépenses dans les services publics et accordent des contrats à des compagnies privées.

Migrations mondiales et recrutement des personnels de santé 

Les pays du Nord aux prises avec des pénuries de main-d’œuvre dans le secteur de la santé ont trouvé comme solution d’aller recruter des professionnels de la santé dans les pays du Sud, accroissant ainsi les inégalités entre les pays du Sud et ceux du Nord. Selon les données de l’Organisation internationale du travail, il y a douze fois plus de personnes qui travaillent dans le secteur de la santé dans les pays à haut revenu comparativement aux pays à revenu modeste. Ce recrutement dans les pays du Sud s’est accru avec la pandémie.

Ce sujet constitue une autre des priorités du plan d’action qui sera en discussion au Congrès de l’ISP en octobre prochain.

On y discutera de la situation de l’accord bilatéral entre l’Allemagne et le Brésil pour le recrutement d’infirmières. Les syndicats, qui n’ont pas été impliqués dans la négociation de cet accord, dénoncent la prétention selon laquelle il y aurait un surplus d’infirmières au Brésil. C’est faux, dénoncent les syndicats, puisque les ratios infirmières-patients ne sont pas respectés.

L’ISP ne dit pas qu’il faut arrêter toute migration du personnel de la santé du Sud vers le Nord, mais elle souhaite que cela se fasse de manière encadrée. Chargée du programme Migration à l’ISP, Genevieve Gencianos donne en exemple l’Accord bilatéral sur le travail des infirmières entre l’Allemagne et les Philippines. « Cet accord vise à réduire la pénurie d’infirmières en Allemagne et le taux de chômage des infirmières aux Philippines, explique-t-elle. Il est géré par comité de monitoring conjoint où les syndicats des deux pays sont engagés. L’implication des organisations syndicales dans ce type d’entente est essentiel », insiste-t-elle.

Capitalisme et fonds de pension

Une autre priorité de l’ISP concerne la gestion des fonds de pension, dont certains sont utilisés pour poursuivre un agenda de privatisation et de marchandisation des services publics.

« Les fonds de pension canadiens sont considérés comme des leaders dans ce secteur, affirme Kevin Skerrett, du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP). Ainsi, le gouvernement Bolsonaro a fait un appel d’offres il y a quelques années pour privatiser les services publics d’eau à Rio de Janeiro, au Brésil. Or, c’est un fonds de pension canadien qui a gagné cet appel d’offres et a décidé d’investir dans ce projet. Quand nous avons appris cela, plusieurs syndicats canadiens ont dénoncé cette situation, dont le SCFP, NUPGE et le CTC. »

Que pouvons-nous faire comme organisations syndicales à ce sujet? Selon Kevin Skerrett, « l’une des avenues possibles concerne la gouvernance des fonds de pension. Les organisations syndicales doivent obtenir un droit de regard. L’impératif des fonds de pension ne doit pas être seulement l’obtention des meilleurs rendements. »

Le Congrès de l’ISP

 Le Congrès de l’ISP débutera le 14 octobre 2023 à Genève. La CSQ y sera représentée de même que quatre autres organisations syndicales du Québec, la FIQ, l’APTS, le SFPQ et le SPGQ.

Photo : Le président de la CSQ, Éric Gingras, était présent à la rencontre de l’ISP.
Crédit photo : Luc Allaire