Économie
« Il est de plus en plus difficile de vivre hors de la pauvreté »
30 avril 2024
Combien faut-il gagner pour sortir de la pauvreté au Québec en 2024? Selon l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), entre 30 738 $ et 43 609 $ par année si on est une personne seule et entre 72 788 $ et 86 585 $ pour une famille de quatre…, un salaire que n’atteignent pas plusieurs catégories de personnel de soutien scolaire et de personnel de soutien de l’enseignement supérieur.
Par Audrey Parenteau, rédactrice en chef
Dans sa 10e édition du revenu viable, publiée le 29 avril dernier, l’IRIS précise que « le calcul du revenu viable indique ce que représente un niveau de vie digne, au-delà de la seule couverture des besoins de base ». Selon la chercheuse Eve-Lyne Couturier, « cela signifie notamment être en mesure de faire des choix et de pouvoir faire face aux imprévus ».
À titre d’exemples, afin de combler tous ses besoins de base en 2024 :
Une personne seule doit gagner 38 479 $, si elle habite à Montréal, et 43 609 $, si elle réside à Sept-Îles;
Une famille monoparentale doit gagner 50 052 $ à Gatineau et 55 220 $ à Saguenay;
Une famille de quatre, quant à elle, doit gagner 78 563 $ à Sherbrooke et 81 999 $ à Montréal.
En deçà du revenu viable
Le revenu disponible pour vivre hors de la pauvreté a ainsi fait un bond important pour l’année 2024, ce qui a des répercussions importantes sur la rétention du personnel de soutien, qui voit son salaire passer sous le seuil du revenu viable d’année en année, affirment la Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ) et la Fédération du personnel de soutien de l’enseignement supérieur (FPSES-CSQ).
« On ne parle pas d’aller dans le luxe avec ces revenus-là. Seuls les besoins de base y sont prévus : alimentation, vêtements, logement, transport, téléphone, assurances, électricité, soins de santé non prévus, frais de garde. Certaines personnes ne peuvent même plus se payer des vacances », affirme le président de la FPSS-CSQ, Éric Pronovost.
Dans le palmarès du personnel de soutien scolaire qui a le plus grand écart de revenus avec le salaire viable provincial pour une personne seule, on retrouve :
Les surveillantes et surveillants d’élèves -26 801 $;
Les éducatrices et éducateurs en service de garde -16 283 $;
Les préposées et préposés aux élèves handicapés -15 332 $;
Les apparitrices et appariteurs -13 583 $;
Les techniciennes et techniciens en formation professionnelle -11 054 $.
Du côté du personnel de soutien au collégial, certaines classes d’emploi ont plus de 7 000 $ d’écart de revenu, malgré un poste à temps plein, pour une famille monoparentale avec un enfant. De plus, une forte majorité de membres représentés par la FPSES-CSQ habitent la région métropolitaine, là où la hausse du revenu disponible pour vivre hors de la pauvreté a bondi de 19,3 %.
Des emplois qui doivent être plus attrayants
« Avec un taux de précarité de près de 70 %, il n’est pas surprenant que plusieurs de nos membres n’atteignent pas le revenu viable », affirme Éric Pronovost.
Selon lui, il faut des emplois de qualité avec le plus grand nombre d’heures pour avoir un revenu décent. Le président cite en exemples « une éducatrice en service de garde, qui travaille 26 heures par semaine, [qui] obtient un salaire annuel de 29 700 $ » et « une préposée aux élèves handicapés, qui n’a que 19 heures par semaine, [qui]¸ n’atteint que 20 400 $ », ce qui est nettement insuffisant pour bien vivre.
Au collégial, « plusieurs de nos membres, que ce soit du côté administratif, en soutien direct aux étudiantes et étudiants ou des ouvrières et ouvriers, ont démissionné de leur poste pour occuper un emploi ailleurs, où ils sont assurés d’obtenir un meilleur salaire et une charge parfois moins lourde », affirme la présidente de la FPSES-CSQ, Valérie Fontaine.
Elle ajoute que les collèges perdent ainsi une précieuse expertise et peinent par la suite à pourvoir les postes laissés vacants. « Les gens ont beau aimer leur emploi, être capable de vivre décemment, c’est la moindre des choses quand tu travailles à temps plein dans le secteur public », conclut la présidente.