Éducation, Société

France : les cellulaires vraiment bannis des écoles?

24 septembre 2024

On entend souvent dire que la France a pris une mesure radicale afin d’interdire complètement les téléphones cellulaires des écoles. Son cas, souvent cité en exemple, est brandi par nombre d’intervenantes et d’intervenants voulant justifier leur point de vue. Pourtant, la réalité est plus nuancée.

Par Maude Messier, conseillère CSQ

Avec la tenue de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes (CSESJ), l’utilisation des écrans en milieu éducatif a fait couler beaucoup d’encre depuis la semaine dernière. Et le cas de la France revient souvent, mais qu’en est-il vraiment?

Pour avoir l’heure juste, la CSQ a contacté les collègues de l’UNSA Éducation, la fédération de l’éducation en France, avec qui elle entretient des liens étroits. Et les faits sont moins tranchés qu’il n’y paraît.

Premier constat : le bannissement est loin d’être la norme

Depuis la rentrée scolaire de septembre 2024, à la suite du dépôt du rapport de la commission d’experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans en France, il est vrai qu’un certain nombre de collèges ont décidé d’interdire totalement l’utilisation du téléphone cellulaire à l’intérieur de leur établissement. Les élèves du premier cycle des études de deuxième degré, généralement âgés de 11 à 15 ans environ, doivent déposer leur appareil dans un casier en arrivant à l’école et ne peuvent le reprendre qu’à la sortie des classes.

Or, cette interdiction totale n’est imposée dans les faits que dans 199 collèges sur un total de plus de 7 000, en France. La situation demeure donc très marginale, fait savoir Nicolas Anoto, responsable des communications et chargé de mission international à l’UNSA Éducation.

« On est davantage sur un effet d’annonce. Fondamentalement, rien n’a été modifié, reste à voir si l’expérimentation sera évaluée et éventuellement reconduite, étendue ou abandonnée », explique-t-il.

De son côté, la CSQ croit que l’interdiction des cellulaires ne devrait pas être imposée mur à mur dans les écoles et que le temps est assurément à l’équilibre. En matière d’utilisation des écrans au sens large, l’autonomie et le jugement professionnels doivent être respectés dans les choix pédagogiques.

Deuxième constat : un contexte d’encadrement pas très différent

La situation qui prévaut en France actuellement correspond de très près à la position de la CSQ, telle que présentée dans son mémoire déposé le 16 septembre dernier devant la CSESJ.

En France, l’utilisation d’un téléphone cellulaire est interdite depuis 2018 dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, « à l’exception des circonstances, notamment les usages pédagogiques, et des lieux dans lesquels le règlement intérieur l’autorise expressément ». Autrement dit, on laisse aux établissements d’enseignement de la latitude dans les orientations et prises de décisions locales.

Dans les lycées, soit les établissements du deuxième cycle des études secondaires que fréquentent des jeunes entre 15 et 18 ans, le cellulaire n’est pas expressément interdit. Mais ici encore, un établissement peut, par règlement, faire le choix de l’interdire ou non. Des exceptions sont aussi prévues pour les élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage.

Tisser des liens à l’international : une importance capitale

Entretenir des liens avec des organisations syndicales à l’international permet à la CSQ d’avoir des bases de comparaison solides. Dans le cas touchant l’utilisation des cellulaires en classe, ces liens permettent à la Centrale de constater que le Québec n’est pas si différent de la France. La prolifération des écrans dans toutes les sphères de la vie constitue un enjeu réel, c’est clair et net, ici comme ailleurs.

Après discussions avec les collègues français, la CSQ remarque que les constats tirés de part et d’autre de l’Atlantique sont similaires, notamment en ce qui concerne les enjeux de socialisation et les répercussions de l’utilisation des écrans sur la santé globale et le développement des jeunes.

Au Québec, les réflexions battent leur plein avec la CSESJ. Alors que les voix sont nombreuses pour dire qu’il s’agit d’un enjeu social qui dépasse les murs des établissements d’enseignement et qu’il s’agit d’une responsabilité partagée, réduire les échanges à une interdiction totale du cellulaire dans toutes les écoles est plutôt mal avisé, croit la CSQ. Surtout si l’exemple cité n’est pas avéré!