Enjeux sociopolitiques, Société

Exploitation des travailleuses et travailleurs migrants : un système sous critique

25 février 2025

Des milliers de travailleuses et de travailleurs migrants arrivent chaque année au Canada, attirés par la promesse d’une meilleure qualité de vie. Or, un récent rapport d’Amnistie internationale Canada francophone dénonce les conditions de travail souvent abusives et l’exploitation systémique à laquelle ces personnes sont très souvent confrontées.

Par Audrey Parenteau, rédactrice en chef

Le rapport met en lumière les failles du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), qui permet aux employeurs canadiens de recruter une main-d’œuvre temporaire. Ce programme, selon Amnistie internationale Canada francophone, enferme les travailleuses et les travailleurs dans un système d’exploitation facilité par des visas liés à un employeur unique. En d’autres termes, ces personnes ne peuvent pas changer d’emploi sans perdre leur statut légal, les rendant vulnérables aux abus.

Des dizaines d’organisations et de groupes des milieux communautaire, syndical (dont la CSQ), universitaire et de défense des droits des personnes dénoncent depuis longtemps ce système et réclament l’abolition du permis de travail fermé.

Des conditions de travail alarmantes

Les conditions de travail rapportées par Amnistie internationale dans son rapport sont alarmantes : salaires impayés ou déductions injustifiées, horaires excessifs, tâches non prévues dans les contrats, conditions de logement indignes et violences psychologiques, voire physiques.

Miguel, un travailleur venu d’Amérique centrale, rencontré par l’organisation internationale, a témoigné des conditions vécues alors qu’il était détenteur d’un visa de deux ans dans le cadre du volet des postes à bas salaire du PTET. En plus de travailler de 60 à 72 heures par semaine à un taux horaire de 13,50 $, Miguel s’est vu confier des tâches n’ayant aucun lien avec les attributions de son permis. Il a fréquemment subi des menaces et autres formes de violences verbales de la part de son employeur, qui lui a aussi confisqué son passeport.

Une autre travailleuse migrante rencontrée par Amnistie internationale, Bénédicte, témoigne. Originaire du Cameroun, cette mère de deux enfants a versé 10 000 $ de frais de recrutement. Arrivée au Canada pour travailler dans un élevage de volailles, son employeur l’a informée que son contrat – qui précisait son salaire, des périodes de repos et de congé, etc. – n’était pas valide. Son employeur exigeait qu’elle travaille sept jours par semaine, qu’elle ne quitte pas la maison et ne possède pas de téléphone.

L’absence de recours

Un des problèmes relevés par Amnistie internationale est l’absence de recours efficace pour ces travailleuses et travailleurs. Les menaces d’expulsion et les craintes de représailles dissuadent bon nombre d’entre eux de signaler les abus.

De plus, le système judiciaire et administratif canadien est jugé trop complexe et inadapté à leur réalité.

Des changements exigés

Face à ces constats, l’organisation de défense des droits de la personne recommande des réformes majeures. Parmi elles, l’abolition des visas liés à un seul employeur, la mise en place de permis de travail ouverts et l’amélioration des inspections du travail. Elle exhorte également le gouvernement canadien à accorder plus de résidences permanentes aux travailleuses et travailleurs peu qualifiés, afin de leur offrir une stabilité et une protection accrues.

Ce rapport soulève des questions cruciales sur les politiques migratoires canadiennes. Alors que le pays se veut un défenseur des droits de la personne, il est appelé à revoir en profondeur un système qui perpétue l’exploitation et la discrimination.

Une pétition à signer

Amnistie internationale fait présentement circuler une pétition pour que le Canada fasse cesser les abus envers les travailleuses et travailleurs migrants. Les personnes intéressées peuvent la signer directement sur le site de l’organisation.

En savoir plus

Le rapport « Le Canada m’a détruite » : exploitation des travailleuses et travailleurs migrants au Canada d’Amnistie internationale est disponible en ligne.