Montréal, le 28 septembre 2022. – Dans la foulée de la campagne électorale et en pleine Semaine de la vérité et de la réconciliation, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) sonne l’alarme devant l’inaction des gouvernements quant aux enjeux liés à la gestion de l’eau au Nunavik et presse les partis politiques afin qu’ils portent des engagements clairs pour améliorer les conditions de vie des communautés inuit.
« Je ne peux pas croire qu’en 2022, on ne soit pas encore capable d’offrir des conditions de vie décentes à ces communautés. Franchement, ça me dépasse! La problématique est connue depuis longtemps, on banalise la situation et aucune action n’est posée afin d’élaborer un plan concret avec les communautés inuit pour améliorer leur qualité de vie. C’est la dignité de ces personnes qui est directement atteinte », s’indigne Anne Dionne, vice-présidente à la CSQ, déplorant au passage qu’aucun des partis politiques ne semble porter vraiment attention à cet enjeu.
Des répercussions qui seraient inacceptables ailleurs au Québec
La problématique de gestion de l’eau au Nunavik entraîne des répercussions énormes sur le bien-être physique et mental de ses habitants. Dans une consultation menée en mai dernier par la CSQ auprès de ses membres qui y travaillent et y vivent, les répondants indiquent notamment des problèmes récurrents tels que des infections cutanées et des problèmes digestifs, des odeurs corporelles qui nuisent aux activités quotidiennes et à l’activité physique, des vêtements dégradés par l’impossibilité de les laver, une grande difficulté à cuisiner puisque la vaisselle reste sale.
« Stress continu, anxiété, peur constante de manquer d’eau, réduction au maximum des douches, etc. Imaginez la situation quand on a de jeunes enfants encore aux couches et qu’on manque régulièrement d’eau potable! Ce que nous relatent nos membres sur place, ce n’est tout simplement pas acceptable, et ça ne le serait pas ailleurs au Québec! L’eau, c’est essentiel, point », de renchérir la vice-présidente de la CSQ.
Bris de services éducatifs
Autre perspective préoccupante, les problèmes liés à l’eau sont aussi des causes de fermeture temporaire des écoles, ce qui occasionne un bris de services éducatifs avec des effets sur l’enseignement des programmes et des retards d’apprentissage notamment.
Autrement dit, ce sont les élèves qui en paient le prix. Déjà, le taux de diplomation est très faible au Nunavik, soit 25,9 % comparativement à 77,7 % pour l’ensemble du Québec selon un rapport du Protecteur du citoyen[1]. « Chaque journée d’école manquée entraîne des conséquences directes sur les apprentissages des élèves. Ces fermetures n’aident en rien à la persévérance scolaire. Pour nous, il y a vraiment un enjeu d’équité et d’accessibilité aux services éducatifs », fait valoir Anne Dionne.
Une situation connue et répandue
La question de l’approvisionnement en eau courante et potable dans cette région du Québec est un enjeu majeur puisque 84 % des répondantes et répondants à la consultation ont mentionné avoir des problèmes d’accès à l’eau.
Dans la majorité des villages au Nunavik, l’eau potable et les eaux usées sont transportées par camion-citerne. Comme ce service de transport n’est offert que quelques fois par semaine, il s’avère très important de limiter la consommation d’eau, surtout les fins de semaine, car le service de livraison n’est pas toujours offert à ce moment. L’accès à l’eau courante et potable étant une chose, celui-ci ne garantit pas sa quantité et sa pureté.
Les réponses obtenues auprès des membres de l’Association des employés du Nord québécois (AENQ-CSQ) ainsi que du Syndicat du personnel professionnel de l’éducation du Nunavik et de l’ouest de Montréal (SPPENOM-CSQ) indiquent que 73 % des répondantes et répondants doivent rationner leur eau et 79 % d’entre eux doivent la faire bouillir.
De plus, tout comme les problèmes en approvisionnement en eau potable, les problèmes de vidange des eaux usées sont encore trop présents dans plusieurs communautés nordiques. On dénote que le temps moyen pour que la vidange soit effectuée est de six jours.
Des engagements clairs des partis politiques sont exigés
Pour la CSQ, il est clair que les gouvernements doivent agir pour enfin régler les problèmes qui persistent et qui affectent directement la vie quotidienne des personnes de ces communautés.
Par ailleurs, la pénurie de personnel, déjà bien présente au Québec, est d’autant plus criante dans le nord de la province. On dénombrait, en août, un manque de 77 enseignantes et enseignants au Nunavik. Comment penser assurer la rétention et l’attraction du personnel en sachant qu’il vivra dans ces conditions?
La CSQ exige donc que les partis politiques prennent des engagements concrets visant à améliorer les conditions de vie des personnes vivant au Nunavik. Ainsi, au-delà de la mise en place de mesures nécessaires permettant d’améliorer globalement les conditions de vie et de logement, la Centrale a formulé les recommandations suivantes au sujet desquelles elle souhaite un engagement des partis politiques :
- Assurer l’accès à l’eau potable en quantité raisonnable dans les logements;
- Garantir la vidange des eaux usées régulièrement dans les logements;
- Prévoir un meilleur service d’approvisionnement en eau potable et en vidange d’eau pour les établissements scolaires afin d’éviter des fermetures;
- Assurer le changement du filtre des réservoirs régulièrement.
Rappelons que la présente campagne électorale est le moment idéal pour prendre position et démontrer de la reconnaissance ainsi que du respect pour l’ensemble des personnes qui vivent au Nunavik.
Pour consulter le rapport du sondage sur l’approvisionnement en eau et la vidange des eaux usées au Nunavik, cliquer ici.
[1] Pour des services d’éducation de qualité au Nunavik, dans le respect de la culture inuit, rapport du Protecteur du citoyen sur la qualité des services en éducation au Nunavik, 2018.