Santé

Assurance médicaments : « C’est une question de courage politique »

24 octobre 2023

Au Québec, la population entière est couverte par une assurance médicaments, soit par le régime public de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), soit par une assurance collective privée. Or, la situation actuelle des régimes privés est intenable à moyen et à long terme. Au cœur du problème : le cout des médicaments.

Dans son éditorial N’en jetez plus, la carte de crédit d’Ottawa est pleine publié dans La Presse le 19 octobre dernier, Stéphanie Grammond ne se prononce pas ouvertement contre la mise en place d’un régime public universel d’assurance médicaments, mais c’est tout comme.

« Nous sommes d’accord sur le fait qu’un régime public universel d’assurance médicaments ne peut pas se payer sur la « carte de crédit » du gouvernement, mais selon nous, le débat tourne plutôt autour du cout des médicaments », affirme le secrétaire-trésorier et responsable du dossier santé à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Luc Beauregard.

Les cotisations augmentent beaucoup plus rapidement que les salaires. Résultat : « des groupes doivent s’imposer d’importantes concessions dans leur couverture d’assurance ou n’avoir d’autre choix que de renoncer entièrement à une assurance collective, tellement ces couts sont prohibitifs, et ainsi perdre l’ensemble de leurs protections sociales en emploi », explique Luc Beauregard.

De plus, les travailleuses et les travailleurs doivent souvent payer eux-mêmes des frais considérables en pharmacie, en raison de la hausse des franchises et des coassurances.

« Dans un contexte de forte inflation, ils doivent faire des choix difficiles entre manger, se loger, rembourser leur dette ou payer la portion non assurée des médicaments dont ils ont besoin. Oui, les gouvernements doivent prendre des décisions difficiles, mais quand ces choix ne sont pas faits collectivement, ce sont les ménages qui écopent », dénonce Luc Beauregard.

Pour un régime d’assurance médicaments public et universel

Si la solution réside dans la mise en place d’un régime d’assurance médicaments public et universel, comment peut-on financer une telle mesure? En obligeant les employeurs à contribuer à ce nouveau régime.

Au Québec, cette contribution pourrait se faire, par exemple, avec une hausse du taux de cotisation au Fonds des services de santé (FSS) ou avec une nouvelle cotisation modulable selon la taille de l’entreprise.

De leur côté, les travailleuses et les travailleurs pourraient être réceptifs à l’idée de financer en partie un régime public universel si la facture globale en médicaments s’en trouve diminuée et que les employeurs paient leur juste part.

« N’oublions pas que la mise en place d’un régime public universel entrainera globalement des économies de plusieurs milliards de dollars par rapport au cout des régimes actuels », rappelle Luc Beauregard.

Québec, championne des dépenses en médicaments

Enfin, si la question est sur toutes les lèvres actuellement à Ottawa, il faut garder un regard critique sur ce qui se passe à Québec, selon Luc Beauregard. « La CAQ [Coalition Avenir Québec] se cache la tête dans le sable en prétendant qu’il n’existe aucun problème avec notre régime hybride public-privé. C’est ici pourtant qu’il se dépense le plus d’argent en médicaments au Canada. Si notre démographie y est pour quelque chose, notre système hybride d’assurance médicaments n’aide en rien. »

Un régime public universel permettrait de se doter de meilleures politiques publiques afin de mieux contrôler les couts et d’éviter le gaspillage de fonds publics lié au remboursement de médicaments trop chers, à la surmédicalisation, aux mauvaises habitudes de prescriptions et aux décès. Le marché fragmenté actuel ne permet pas une telle optimisation.

« L’heure est à l’action. Les libéraux fédéraux étudient la question depuis 2019 sans rien faire concrètement. La mise en place d’un véritable régime universel d’assurance médicaments au Canada n’est certainement pas une mince affaire, mais c’est loin d’être une utopie. C’est surtout une question de courage politique », conclut Luc Beauregard.