Travail

À la CSQ, on prend notre SST en mains!

26 novembre 2024

Les travailleuses et les travailleurs sont les meilleures personnes pour identifier les risques dans leur milieu de travail et ils doivent être impliqués dans les mesures de correction pour assurer leur efficacité. Ce sont là deux des postulats de base de la Loi sur la santé et la sécurité du travail du Québec. Si les personnes représentantes en santé et sécurité du travail (SST) savent bien identifier les risques, elles manquent toutefois souvent d’écoute de la part de leurs employeurs.

Par Félix Cauchy-Charest, conseiller à la CSQ

C’est du moins ce qui a été dit lors du tout premier Réseau des responsables en santé et sécurité (RSS) du triennat, qui a réuni, les 20 et 21 novembre derniers, un nombre record de près de 200 personnes. « On est 40 ans en retard dans nos milieux », a dit d’entrée de jeu le conseiller à la santé et sécurité du travail à la CSQ, Marc Gagnon. « Quand on se compare à d’autres secteurs, on a des employeurs qui sont beaucoup moins proactifs et qui sont beaucoup plus en réaction qu’en prévention. Pourtant, chaque dollar investi en prévention permet d’en économiser 7 $ à 10 $ en bout de ligne! »

Le Réseau des responsables en santé et sécurité du travail a attiré près de 200 personnes.

(Photo : Félix Cauchy-Charest)

L’organisation du travail peut constituer un facteur de risque. Bien que les comités de SST puissent faire des recommandations, ce sont les employeurs qui ont l’obligation d’agir. Et si les employeurs ne font rien? « N’hésitez pas à leur rappeler que leur inaction face aux situations dangereuses pourrait entraîner des conséquences graves », a dit le conseiller.

Parler directement au ministre du Travail

Pour faire valoir leurs préoccupations, les RSS ont eu l’occasion de s’adresser directement au ministre du Travail, Jean Boulet, qui a présenté les modifications apportées au régime de santé et de sécurité du travail que son gouvernement a adopté en février 2021. Le ministre en a profité pour expliquer les raisons qui l’ont mené à suggérer la présence du président de la CSQ, Éric Gingras, au conseil d’administration de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

Le ministre du Travail, Jean Boulet, et le président de la CSQ, Éric Gingras

(Photo : Félix Cauchy-Charest)

Rappelant que les emplois du secteur public devaient entrer dans un paradigme de prévention des risques, le ministre a été à l’écoute des RSS de la CSQ, qui ont brossé un portrait préoccupant des risques existants dans leurs secteurs d’activité. Que ce soit la montée des incidents violents ou les facteurs de risques psychosociaux, les accidents de travail sont une cause importante de la pénurie de main-d’œuvre, une affirmation que le ministre du Travail ne dément pas, au contraire.

Jean Boulet a lui-même affirmé que 5800 lésions professionnelles dans le milieu de l’éducation ont eu lieu en 2023 (maladies professionnelles et accidents), dont 1100 attribuables à de la violence ou à du stress. Selon le ministre, les employeurs aussi reconnaissent que la santé psychologique est cruciale. Pour contrer la pénurie de main-d’œuvre, cela passe par le respect et une meilleure santé physique et psychologique.

Aux divers témoignages mettant en lumière les points d’achoppement à l’intersection de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), qui oblige les employeurs à agir sur les risques, et la Loi sur l’instruction publique (LIP), qui institue le droit à l’instruction de chaque élève, ce qui peut entraîner de longs délais, le ministre a répondu que des discussions étaient en cours avec son homologue du ministère de l’Éducation et qu’il agirait pour accélérer les choses.

Les personnes participantes ont été nombreuses à livrer des témoignages qui ont mis en lumière les points

d’achoppement à l’intersection de la LATMP et de la LIP. (Photo : Félix Cauchy-Charest)

La prévention et la prise en charge des risques doivent faire partie de la culture de nos milieux de travail. « Nous allons être à l’écoute, il ne faut pas hésiter à nous nommer les obstacles, les difficultés, les préoccupations », a dit Jean Boulet.

La CSQ, la voix des travailleuses et des travailleurs à la CNESST

Présent à l’événement, Éric Gingras a rappelé qu’« à la CSQ, ça fait des années que nous voulons amener ces enjeux à la CNESST. Le changement de culture des employeurs de l’éducation et de la santé doit se passer. Nos employeurs voient les enjeux de SST comme des conflits, alors que tout ce qu’on veut, c’est nous assurer que nos milieux soient plus sains et exempts de risques ».

Selon lui, la venue de la CSQ à la CNESST, c’est la reconnaissance que les divers milieux représentés par la Centrale doivent agir comme les autres employeurs vis-à-vis la SST. « On a un ministre qui est à l’écoute de cet enjeu et nous faisons de bonnes avancées. C’est la voix qu’on va porter en CSQ. Nous espérons que les employeurs vont embarquer et s’inspirer des bonnes pratiques des autres secteurs. »

(Photo : Félix Cauchy-Charest)

L’importance d’agir en amont en santé mentale

Au chapitre de la prévention, le professeur au Département des fondements et pratiques en éducation de l’Université Laval, Simon Viviers, a plaidé pour la nécessité de développer des mécanismes de prévention des problèmes de santé mentale et des risques psychosociaux du travail.

Dressant un portrait peu reluisant de la situation du milieu de l’éducation en rapport à la santé psychologique de celles et ceux qui y travaillent, Simon Viviers a rappelé que l’organisation du travail elle-même constitue un facteur de risque, et qu’il faut agir afin de prévenir l’aggravation des problèmes de santé mentale.

Que ce soit la lourdeur du travail, la pression, la complexité et la confusion des rôles, l’hyperbureaucratisation, la violence, le non-respect ou encore la précarité d’emploi, les facteurs de risque ne manquent pas en éducation.

Rejoignant en cela les propos d’Éric Gingras, le professeur a mentionné que la solution passe par un véritable changement de culture organisationnelle, une action collective directe sur les contraintes d’organisation du travail ainsi qu’une véritable écoute de la part des employeurs. Des solutions qui n’étonneront pas les membres de la CSQ, qui se penchent depuis déjà un bon moment sur les facteurs de risque psychosociaux, mais qui pourraient inspirer les employeurs.

(Photo : Félix Cauchy-Charest)

Une application pour la SST

L’équipe SST de la CSQ ne chôme pas! Dans les cartons : un projet d’application qui tiendrait lieu de registre des événements et qui simplifierait la tâche des RSS. Avec un lancement projeté en avril et une application exportable auprès de l’ensemble des affiliés de la CSQ, il sera plus facile d’avoir un véritable portrait des risques et des incidents liés à la SST dans les milieux. Grâce à l’outil, les RSS devraient recevoir toute l’information pertinente, et l’application ferait un regroupement statistique des événements pour aider à agir en prévention. Une autre façon de prendre notre SST en mains!