Montréal, le 8 octobre 2019. – « L’élargissement du rôle des pharmaciennes et pharmaciens, tel que préconisé dans le projet de loi 31, combiné à la réduction de l’offre de services publics et à la désassurance des services pharmaceutiques pour les personnes détenant un contrat d’assurance collective ou un régime d’avantages sociaux, constitue une privatisation insidieuse de services de santé pourtant essentiels. Une telle approche est inéquitable et contraire à l’esprit de la Loi canadienne sur la santé. »
La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et sa présidente Sonia Ethier lancent une véritable alerte contre le projet de loi 31, déposé par la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann. Le projet de loi, actuellement à l’étude par la Commission de la santé et des services sociaux, vise à améliorer l’accès aux soins de première ligne, notamment en confiant de nouvelles activités aux pharmaciennes et pharmaciens.
Dans son mémoire déposé aujourd’hui, la CSQ dit approuver la volonté de la ministre de décloisonner les professions afin d’améliorer substantiellement l’accès aux soins de première ligne. Toutefois, cela doit se faire en s’assurant de ne pas créer de nouvelles problématiques d’accès, ce qui n’est pas le cas avec le projet de loi 31 tel que présenté.
Une désassurance qui préoccupe
La première inquiétude soulevée par la CSQ est la désassurance de services essentiels et l’accès réel aux soins requis.
« Ce que l’on constate, c’est que lorsque des services assurés dans le réseau public hospitalier sont transférés en pharmacie communautaire privée, des frais d’honoraires professionnels initiaux et mensuels peuvent être exigés. De plus, même si ces frais sont couverts par la RAMQ, les personnes non couvertes par le volet public du régime général d’assurance médicaments ne sont pas assurées », explique Sonia Ethier.
Cette dernière indique que tandis que l’on élargit le champ de pratique pharmaceutique, le gouvernement procède à la désassurance quasi systématique des services pharmaceutiques pour les personnes détenant une couverture d’assurance privée.
« Les dispositions actuelles sur le financement des activités pharmaceutiques font reculer dangereusement les principes d’universalité, d’accessibilité et d’équité en matière de santé. Il s’agit ni plus ni moins d’une autre forme de désengagement de l’État quant à la couverture publique de services médicaux maintenant réputés pharmaceutiques », dénonce la présidente de la CSQ.
Le Québec entraîné dans une dérive alarmante
Elle renchérit en soutenant que le projet de loi 31 entraîne le Québec dans une dérive préoccupante. « Nous sommes en train de passer d’un régime d’assurance maladie universel financé plus équitablement par l’intermédiaire d’un système fiscal progressif vers un financement des services de santé à contributions partagées qui ne tient pas compte de la capacité de payer des individus, du moins dans le volet privé du régime général d’assurance médicaments. »
La leader syndicale rappelle que la multiplication des activités professionnelles pharmaceutiques rémunérées par les régimes d’assurance accentue les iniquités en matière de santé.
« En effet, les primes des régimes privés, déterminées annuellement selon le risque économique que représente le groupe de personnes assurées, sont, dans bien des cas, beaucoup moins équitables que celles du régime public calculées en fonction du revenu familial disponible. On observe notamment une forte iniquité dans les milieux de travail plus restreints regroupant des employées et employés atteints de maladies chroniques et auprès des travailleuses et travailleurs à revenu modeste ou à statut précaire à qui l’on impose des primes obligatoires parfois très élevées, certaines représentant jusqu’à 10 % du revenu familial disponible », rapporte Sonia Ethier.
Des conséquences graves
La situation est grave au point qu’il arrive que des travailleuses et des travailleurs démissionnent à cause du coût des assurances collectives. Dans d’autres cas, ce sont des groupes de travailleuses et de travailleurs qui doivent renoncer à leur assurance collective.
« Le gouvernement ne peut ignorer ces enjeux d’iniquités croissantes en matière de santé ni y contribuer. Il en va de l’accès équitable aux médicaments d’ordonnance, donc du droit à la santé tel que reconnu par l’Organisation mondiale de la santé, et également du maintien de l’ensemble de nos protections sociales », plaide la présidente de la CSQ.
Une assurance médicaments publique et universelle nécessaire
Cette dernière conclut qu’à la lumière de ces faits, « l’élargissement des actes professionnels pharmaceutiques ne peut se poursuivre sans assurer une couverture publique et universelle des médicaments, comme le réclame une grande majorité de la population québécoise ».
Pour prendre connaissance du mémoire de la CSQ et de ses autres recommandations.