Enjeux sociopolitiques

Assistance sociale : fragile équilibre pour les plus vulnérables

26 septembre 2024

La ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau, a récemment déposé son projet de loi n71 (PL71) visant à améliorer l’accompagnement des personnes et à simplifier le régime d’assistance sociale. S’il a comme objectif de « moderniser » le régime, le projet de loi fait aussi craindre la diminution des montants des prestations de dizaines de milliers de personnes.

Le Collectif pour un Québec sans pauvreté, dont fait notamment partie la CSQ, voit dans la modernisation du régime « une autre occasion manquée » d’améliorer les conditions de vie des personnes assistées sociales. « Le régime d’assistance sociale passe complètement à côté du nœud du problème, à savoir la nette insuffisance des revenus que ce régime garantit aux gens », affirme le Collectif.

Ce dernier déplore qu’aucune augmentation des prestations n’est prévue : « Actuellement, peu importe le programme, le montant des prestations est insuffisant pour permettre aux gens de couvrir leurs besoins de base tels que définis par la Mesure du panier de consommation (MPC). »

À titre d’exemple, en 2024, le revenu annuel disponible d’une personne seule ayant des contraintes temporaires à l’emploi est de 13 177 $ (incluant les prestations et les crédits d’impôt). Cela lui permet de couvrir seulement 54 % de ses besoins de base, évalués à 24 200 $.

Le Collectif et le Front commun des personnes assistées sociales du Québec dénoncent l’article 25 du PL71, « qui vient réduire le nombre de motifs donnant droit à une allocation supplémentaire pour contraintes temporaires. Parmi les personnes qui se verraient touchées par cette modification, les plus nombreuses sont celles comptant un enfant à charge ou en situation de handicap (environ 9 000 personnes) et celles de 58 ans et plus (environ 30 000 personnes) ».

« Quand on connaît l’insuffisance des prestations d’assistance sociale, surtout au Programme d’aide sociale, cet aspect du projet de loi de la ministre Rouleau nous semble particulièrement inhumain, a déclaré le porte-parole du Collectif, Serge Petitclerc, par voie de communiqué. Que vise-t-elle exactement? Faire des économies de plusieurs millions de dollars sur le dos des personnes les plus mal prises de notre société? »

La solidarité sociale, une valeur profonde

Rappelons que le PL71 fait suite à la présentation du 4e plan d’action gouvernemental visant la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, attendu depuis longtemps par les membres du Collectif. Il a finalement été déposé en catimini la veille de la Fête nationale, en juin dernier.

Dans son mémoire présenté à l’occasion de la consultation publique sur le sujet, la CSQ s’alarmait de la hausse importante de la pauvreté et de l’exclusion au Québec, incluant celles des travailleuses et travailleurs, et invitait le gouvernement à adopter une approche basée sur le droit à un niveau de vie décent.

La Centrale recommande, entre autres, d’assurer la couverture de la MPC révisée pour tous les prestataires d’assistance sociale et, à l’instar de l’AREQ, le mouvement des personnes retraitées de la CSQ, de bonifier le crédit d’impôt pour soutien aux aînés et le crédit d’impôt pour solidarité.

Les personnes en situation de pauvreté soulignent souvent que « la pauvreté, c’est un travail à temps plein ». En effet, les maintenir à un niveau de revenu de base si minime les pousse à devoir lutter chaque jour pour leur survie et celle de leur famille. Elles doivent faire des choix déchirants sur des besoins de base, comme se priver de nourriture pour payer un médicament de prescription. L’intégration sociale et économique est impossible dans un tel contexte.

De nombreux obstacles et déterminants socioéconomiques peuvent empêcher une personne d’intégrer le marché du travail et de se maintenir en emploi : les responsabilités familiales, la discrimination, un état de santé précaire, le non-accès à des soins de santé, à de l’accompagnement, à des services d’éducation à la petite-enfance, à l’éducation des adultes ou à la formation professionnelle.

La solidarité sociale fait partie des valeurs profondes du Québec. Maintenir ces personnes dans un tel état de survie est inacceptable. Outre les coûts financiers élevés générés par la pauvreté grandissante et la pression sur les groupes communautaires, notre société se prive de la richesse de leur contribution.