«Les élèves ont une motivation et une résilience incroyables»

Même si elles demeurent méconnues au sein de notre système d’éducation public québécois, les classes d’alphabétisation jouent un rôle crucial dans la vie de milliers d’élèves. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce rôle ne se limite pas à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.

Par Maxime Garneau, conseiller FSE-CSQ

« En alphabétisation, on n’aide pas seulement des adultes à devenir fonctionnels pour le marché du travail, mais aussi pour leur vie quotidienne. On les accompagne pour qu’ils deviennent des participants actifs dans notre société », explique Isabelle Gosselin, enseignante en alphabétisation au Centre d’éducation des adultes Le Phénix de Québec.

Dans sa classe, les élèves sont majoritairement issus de l’immigration. Parmi eux, plusieurs ont vu leur parcours scolaire être interrompu par des guerres ou des catastrophes naturelles. D’autres élèves, majoritairement des femmes, n’ont jamais eu accès à la scolarisation. Avec elles, les enseignantes et enseignants en alphabétisation doivent partir de zéro, puisque tout est à apprendre.

« Sans des outils minimaux en lecture, en calcul et en littératie numérique, ces gens-là se retrouvent isolés, à l’écart des grands mouvements sociaux, explique Isabelle Gosselin. Ils sont motivés à l’idée de travailler, de contribuer à notre société et de devenir des citoyens à part entière. Dans ma classe, je les vois progresser, se développer comme apprenants, mais aussi comme personnes. Ils prennent de l’assurance et de la confiance en soi. J’ai des élèves qui sont dans ma classe depuis quatre ans et qui vont bientôt terminer l’équivalent du primaire. Ils ont une motivation et une résilience vraiment incroyables. »

Enseigner en alphabétisation, une réalité complexe

Première vice-présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), Karine Nantel croit qu’il est important de mettre en lumière le travail exceptionnel que les profs en alphabétisation accomplissent au quotidien dans les centres d’éducation des adultes du Québec : « Ces enseignantes et enseignants font des petits miracles tous les jours avec des ressources limitées. »

« Comme ils sont très peu nombreux, ils font souvent face à un certain isolement professionnel. Ils n’ont pas de collègues avec qui parler de stratégies pédagogiques, partager du matériel, etc. Ils doivent être très débrouillards en plus de composer avec des élèves qui, même s’ils sont adultes, sont très peu familiers avec leur rôle d’apprenant et avec notre système d’éducation », ajoute Karine Nantel.

« Il n’y a pas beaucoup de matériel pédagogique récent et adapté à la clientèle d’aujourd’hui. Souvent, il faut tout créer soi-même. Heureusement, la pandémie a contribué à créer une communauté virtuelle de profs en alphabétisation. On a créé ensemble des bibliothèques de contenus et on s’entraide pour renouveler notre matériel », ajoute Isabelle Gosselin.

Des résultats gratifiants

Selon l’enseignante du centre Le Phénix, le travail en classe d’alphabétisation est complexe, mais peut aussi être gratifiant : « On leur permet de devenir plus autonomes. Ça me fait chaud au cœur quand une élève qui ne savait ni lire ni écrire en début d’année vient me voir en juin pour me dire qu’elle peut maintenant gérer seule ses rendez-vous médicaux et les différents formulaires à remplir, qu’elle a pu accompagner son enfant pour la rentrée scolaire et qu’elle arrive maintenant à comprendre les communications de l’école sans l’aide de son conjoint ou d’un ami. On a vraiment l’impression de faire une différence concrète dans la vie de nos élèves. »

« Je crois fermement que l’alphabétisation change des vies. Ça va plus loin que juste apprendre à lire et à écrire, ça devient la confiance de penser qu’on peut réussir dans un nouveau pays, qu’on peut prendre sa place. Ça va jusque-là », conclut Isabelle Gosselin.

Journée internationale de l’alphabétisation

Cette année, la Journée internationale de l’alphabétisation, proclamée en 1965 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a lieu le 8 septembre. Cette journée consiste à rappeler l’importance de l’alphabétisation pour une société plus instruite, juste, pacifique et durable.