Enseignement supérieur
Au collégial, « il reste beaucoup à faire »
26 août 2024
Au-delà des négociations du secteur public, il reste beaucoup à faire pour améliorer les enjeux d’attraction et de rétention du personnel des cégeps tout comme pour contrer la vétusté des immeubles du réseau collégial, affirment la présidente et les présidents des trois fédérations du collégial affiliées à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ).
Récemment réunis dans le cadre d’une conférence de presse, le président de la CSQ, Éric Gingras, ainsi que la représentante et les représentants des fédérations du collégial ont mis en lumière plusieurs enjeux qui demeurent des préoccupations importantes pour leurs membres dans un contexte de forte croissance des effectifs, alors que le gouvernement du Québec prévoit que, d’ici 2032, le nombre d’étudiants dans l’ensemble du réseau collégial grimpera de 14,4 % par rapport à 10 ans plus tôt, pour dépasser les 196 000.
Vétusté des immeubles et manque d’attractivité
Le récent rapport de la vérificatrice générale du Québec est venu exposer une réalité qui existe depuis trop longtemps, à savoir que les immeubles du réseau collégial sont mal en point. Les infrastructures des cégeps se sont détériorées à une vitesse préoccupante au cours des dernières années : les deux tiers (65 %) sont en mauvais état, alors que cette proportion était de 24 % il y a 5 ans.
« On oublie souvent que le mauvais état des bâtiments vient affecter les conditions de travail, notamment avec un impact sur la santé et la sécurité de nos membres, en plus d’affecter les conditions d’études. Or, les postes d’ouvriers spécialisés, qui sont en première ligne pour l’entretien et la réparation des installations, ne sont pas attrayants, et ce, malgré une augmentation de leur prime d’attraction. Résultat : on sous-traite à des firmes privées pour des sommes exorbitantes ce qui pourrait être fait à l’interne, tout en perdant, justement, l’expertise à l’interne », dit la présidente de la Fédération du personnel de soutien de l’enseignement supérieur (FPSES-CSQ), Valérie Fontaine.
Or, ce manque d’attractivité ne se limite malheureusement pas seulement aux ouvriers spécialisés. Selon la présidente, plusieurs postes de personnel de soutien demeurent vacants, créant ainsi une surcharge sur le personnel en place et une plus grande difficulté à offrir des services de qualité à la population étudiante grandissante.
« Rénover » les relations de travail
La rénovation des bâtiments doit aussi s’accompagner d’une « rénovation » des relations de travail. « La pénurie de main-d’œuvre qualifiée et un fort taux de roulement touchent beaucoup d’emplois de personnel professionnel dans les cégeps, affirme le président de la Fédération du personnel professionnel des collèges (FPPC-CSQ), Éric Cyr. Les problèmes d’attraction et de rétention sont bien connus, et notre nouvelle convention collective offre diverses possibilités pouvant aider à garder les gens en poste en offrant des conditions de travail plus modernes. Il faut donc maintenant que les cégeps mettent en place ces avantages pour les membres, qu’ils accordent des horaires variables à plus de gens, qu’ils offrent plus d’autonomie professionnelle, notamment via le télétravail, la prise de congés personnels ou la conciliation travail-vie personnelle, pour ne nommer que ces éléments. »
Éric Cyr ajoute que « ces changements, accompagnés d’une gestion basée sur les objectifs plutôt que sur le contrôle, entraînent peu de frais pour l’employeur et peuvent faire la différence pour la personne professionnelle ».
Réussite étudiante et contexte d’enseignement sont indissociables
Nul doute que la décrépitude des infrastructures finit par avoir un impact sur la qualité de l’enseignement. Selon le président de la Fédération de l’enseignement collégial (FEC-CSQ), Youri Blanchet, « le manque de locaux ne doit pas devenir un argument pour accélérer le développement de la formation à distance alors que nous savons maintenant qu’elle constitue un frein à la réussite ».
Le président croit qu’il faut plutôt « poursuivre les efforts visant à mieux accueillir les étudiantes et les étudiants dès leur arrivée au cégep, notamment en les soutenant davantage dans leur apprentissage du “métier d’étudiant” et de la maîtrise du français, comme le recommande le comité sur les cours défis, qui a rendu public, à la fin du mois de juin, son rapport intitulé Regards croisés sur les conditions de réussite éducative des premiers cours de littérature et de philosophie au cégep ».
La FEC-CSQ espère que ce rapport servira de base aux discussions qui devront avoir lieu concernant le nécessaire ajout de ressources enseignantes.
Rétablir la confiance
« Nous aurions collectivement tort de négliger le réseau collégial puisqu’il s’agit d’un de nos fleurons qui contribue de façon très importante à notre enrichissement social, culturel et économique tout en étant un accélérateur de scolarisation pour des milliers de jeunes dans toutes les régions du Québec », affirme, quant à lui, Éric Gingras.
« Nous sortons tout juste du 44e Congrès de la CSQ, qui portait justement sur la confiance dans nos institutions. Il va de soi que l’on souhaite participer à rebâtir la confiance envers les services publics et nos institutions, et le réseau collégial en est un maillon très important. Pour y arriver, il faut un espace de dialogue social avec le gouvernement. De même, nos établissements doivent être en bon état et nos milieux de travail doivent être attractifs. Nous pensons aussi que le travail ne s’arrête pas aux négociations des conventions collectives, et plusieurs améliorations et aménagements peuvent être pensés pour améliorer les conditions d’exercice et d’étude dans le réseau collégial », soutient le président de la CSQ.
L’intelligence artificielle : l’urgence d’agir au collégial
L’intelligence artificielle et ses répercussions dans le milieu de l’éducation étaient un des dossiers importants du dernier Congrès de la CSQ. L’urgence d’une réflexion collective sur l’encadrement de l’intelligence artificielle, notamment au collégial, est apparue évidente pendant les travaux, et des recommandations vont dans ce sens. « Il va de soi que l’on doit outiller le personnel pour affronter ces nouveaux défis. Toutefois, afin d‘éviter les solutions miracles proposées par certaines entreprises privées, l’adoption de ces outils doit se faire dans un climat de concertation et de collaboration. De plus, dans un contexte où le rapport au savoir et à sa production est profondément modifié par ces technologies, l’importance cruciale de l’éducation au numérique pour les jeunes devient primordiale », affirment les dirigeants de la FEC-CSQ, de la FPSES-CSQ et de la FPPC-CSQ.
De l’amour pour nos cégeps
Le rapport de la vérificatrice générale est sans équivoque : nos cégeps manquent d’amour. « Devant ce constat, il est primordial de donner un coup de barre afin d’assurer un investissement majeur dans le réseau collégial. Les cégeps ont trop souvent été oubliés par le gouvernement Legault. Il est grand temps de revaloriser ce réseau et son personnel », concluent les représentants de la CSQ et de ses trois fédérations du collégial.
(Photos : François Beauregard)