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Quand le Massachusetts montre l’exemple

15 janvier 2024

Lunchs scolaires gratuits pour tous les élèves, investissements dans le transport collectif, abolition des frais de scolarité dans les collèges et universités publics, investissements dans les infrastructures, voilà autant d’objectifs louables auxquels les membres du gouvernement et faiseurs d’opinion opposent habituellement la fameuse « capacité de payer de l’État ». Pour dénouer ce nœud gordien et diminuer les inégalités de richesse en faisant d’une pierre deux coups, l’État du Massachussetts a peut-être trouvé la solution.

Par Félix Cauchy-Charest, conseiller CSQ

Lors des dernières élections de mi-mandat, le 8 novembre 2022, les personnes votantes ont dû se prononcer sur une série de propositions d’amendement à la constitution de l’État, dont celle d’imposer une taxe supplémentaire de 4 % aux contribuables ayant des revenus supérieurs à 1 million $, afin de réinvestir l’argent dans les secteurs de l’éducation et du transport.

Les électrices et électeurs ont voté à 52 % en faveur de cette modification constitutionnelle, après une chaude lutte par le Fair Share Massachusetts, le Vote Yes on Fair Share 2022 ainsi que la Coalition for Social Justice Fair Share 2021-2022 qui s’y opposaient. En 2018, une tentative de faire passer la même mesure comme une nouvelle législation d’initiative populaire avait échoué pour des raisons techniques.

Trois grandes organisations syndicales, l’American Federation of Teachers (AFT), le Massachusetts Teachers Association (MTA) ainsi que le conseil massachusettois du Service Employees International Union (SEIU) figuraient au nombre des organisations appuyant cet amendement.

Les arguments

Les différents groupes défendant cette proposition d’amendement ont fait valoir que la pandémie avait mis en lumière les dangers du sous-financement chronique du filet de sécurité sociale de l’État. Le sénateur démocrate, James O’Day, soulignait que l’économie du Massachusetts fonctionnait très bien pour le 1 % des plus fortunés et qu’il était temps pour l’ensemble des citoyennes et citoyens de l’État de récolter les bénéfices de la richesse que leur travail a produits.

De leur côté, les opposants ont mis de l’avant les arguments classiques anti-impôt, arguant que les dollars prélevés aux riches empêcheraient autant d’investissements dans l’économie et dans la création d’emplois dans les petites entreprises. En résumé : « Créons de la richesse, nous la redistribuerons plus tard. »

Combien vaut le 4 % du 1 % ? 

Les partisanes et partisans de l’amendement peuvent dire qu’ils ont visé dans le mille. Avec cette modification constitutionnelle, le Massachusetts, qui compte 6 millions d’habitants, a récolté la coquette cagnotte de 1,5 milliard de dollars. Cette dernière sera investie dans les secteurs identifiés dans le projet d’amendement (voir encadré).

 

LA QUESTION SOUMISE AUX ÉLECTRICES ET ÉLECTEURS 

Voici ce à quoi devaient répondre les électrices et électeurs du Massachusetts lors des élections de mi-mandat, en novembre 2022 :

Approuvez-vous l’adoption d’un amendement constitutionnel tel que résumé ci-bas, approuvé par une session commune des deux chambres (Chambre des représentants et Sénat), le 12 juin 2019 et le 9 juin 2021?

Afin d’allouer les ressources nécessaires pour assurer une éducation publique de qualité et une abordabilité pour les collèges et universités, ainsi que pour la réparation et le maintien des routes, ponts et transports collectifs, que tous les revenus reçus en lien avec ce paragraphe soient étendus et sujets à appropriation, pour ces matières seulement. En supplément des taxes sur le revenu autrement autorisées par cet article, que soit instituée une taxe additionnelle de 4 % sur la portion du revenu imposable excédant 1 000 000 $. Afin de s’assurer que cet impôt additionnel continue de ne s’appliquer qu’aux plus riches contribuables, ce seuil d’un million de dollars sera ajusté annuellement pour refléter la hausse du coût de la vie selon les mêmes paramètres utilisés pour calculer les paliers d’impôt du gouvernement fédéral. Ce paragraphe s’appliquera à toutes les années fiscales, commençant le 1er janvier 2023 et suivantes.

 

Des leçons pour le Québec?

Attention aux raccourcis, met en garde Minh Nguyen, conseiller à la recherche socioéconomique et à l’action politique à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). « Le contexte fiscal du Massachusetts n’est pas celui du Québec. Notre 1 % n’est pas le même », explique-t-il.

Rappelons que le régime fiscal québécois prévoit quatre paliers d’imposition :

  • Premier palier : 14 % sur les premiers 51 780 $;
  • Deuxième palier : 19 % de 51 780 $ à 103 545 $;
  • Troisième palier : 24 % de 103 545 $ à 126 000 $;
  • Quatrième palier : 25,75 % au-delà de 126 000 $.

« En venant ajouter des paliers fiscaux à 250 000 $ et à 500 000 $ de revenu déclaré, par exemple, on viendrait chercher une meilleure répartition de la richesse produite au Québec, c’est certain, affirme Minh Nguyen. Cependant, on ne tient pas compte des gains en capitaux, de la valeur des actifs des mieux nantis ou des stratégies d’évitement fiscal, etc. » En prenant en compte tous ces éléments, on constate qu’« une vraie réflexion sur la fiscalité s’impose », conclut-il.