Éducation

L’INEE ou la fausse bonne idée

3 octobre 2023

Alors que se poursuit cette semaine l’étude détaillée du projet de loi no 23 (PL23) en éducation, les actrices et acteurs du milieu continuent de questionner la pertinence de l’Institut national d’excellence en éducation (INEE) comme le prévoit la réforme du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

Dans le second épisode de la saison 2 du balado Prendre les devants, le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Éric Gingras, aborde plusieurs enjeux touchant le PL23.

Avec le professeur à la Faculté de l’éducation de l’Université de Sherbrooke, Frédéric Saussez,  la vice-présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), Brigitte Bilodeau, et le professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, Simon Viviers, il revient sur le sujet de la mise en place de l’INEE, dont la mission, selon le PL23, consistera à faire la synthèse des connaissances scientifiques sur la réussite des élèves, à identifier les meilleures pratiques, à élaborer des recommandations et à en favoriser l’application à l’aide de formations.

« Beaucoup ont posé la question : à quel problème répond le projet de loi? Peu ont trouvé de réponses. L’INEE n’est pas une idée sortie de nulle part. Au milieu des années 2010, une consultation a été faite sur la possible création d’un institut d’excellence en éducation. Beaucoup de mémoires ont été déposés, beaucoup d’acteurs ont été consultés et le constat qui s’en dégageait était qu’il existe déjà des mécanismes de transfert de connaissances », dit Simon Viviers.

Simon Viviers

Le professeur rappelle l’existence d’organismes comme le Comité d’agrément des programmes de formation à l’enseignement (CAPFE) et le Conseil supérieur de l’éducation (CSE). Le premier examine et agrée, entre autres, des programmes de formation, tandis que le deuxième informe et conseille déjà le ministre sur toute question relative à l’éducation et à l’enseignement supérieur.

Alors pourquoi créer l’INEE si de tels organismes existent déjà? « C’est pour ça qu’on revient à la charge en posant la question : à quel besoin ça répond réellement? », questionne Simon Viviers.

Miner l’autonomie du personnel enseignant

Tel qu’il est prévu pour le moment, le projet de loi ne garantit pas l’indépendance de l’INEE, comme c’est présentement le cas pour le CSE, dont le mandat serait alors restreint à l’enseignement supérieur.

Plusieurs acteurs du milieu craignent que l’INEE devienne « le bras armé » du gouvernement, pour reprendre l’expression entendue lors du balado. « Dans le projet de loi actuel, le ministre peut demander des avis [à l’INEE] », explique Simon Viviers.

Cela pourrait ouvrir la voie à la sanction de formations plus courtes, moins qualifiantes et moins professionnalisantes, selon plusieurs experts. « En appauvrissant la disponibilité des recherches auxquelles pourraient avoir accès les enseignantes et enseignants, on appauvrit la pratique », ajoute le professeur.

Quelle vision derrière l’INEE?

Derrière la mission de l’INEE, qui consisterait à identifier les meilleures pratiques basées sur la recherche scientifique et à les diffuser au milieu de l’éducation, se cache la vision que « le problème, c’est toujours la pratique du prof ou du professionnel et que cette dernière doit être surveillée et sanctionnée », dit Simon Viviers.

« On ramène le problème à celui de la formation en faisant complètement abstraction des conditions d’exercice dans lesquelles se déploient les pratiques. Le problème actuel, ce sont davantage les conditions d’exercice que les pratiques enseignantes », ajoute le professeur.

Il conclut en disant que « le message que le projet de loi envoie, c’est celui que les enseignantes et enseignants sont résistants aux changements et qu’il faudrait donc implanter des mécanismes pour les forcer à se former. On individualise des problèmes alors que c’est tout un contexte qui reste à améliorer ».

> Écoutez l’épisode complet du balado Prendre les devants