Environnement

La crise climatique au banc des accusés

31 août 2023

L’année 2023 : annus horribilis au Québec pour les feux de forêt, la météo extrême et les inondations. Jusqu’à quel point les changements climatiques en sont-ils responsables?

Par Florence Tison, conseillère CSQ | Publié le 31 août 2023

Inondations et verglas au printemps, météo extrême pendant l’été, feux de forêt inimaginables… Certaines villes menacées par les incendies ont dû être évacuées deux fois en l’espace de quelques semaines, une situation rarement vue dans l’histoire de la province.

Doit-on y voir les conséquences des changements climatiques? Une récente étude du World Weather Attribution conclut que ces phénomènes ont contribué à augmenter de 50 % la sévérité des incendies de forêt de la saison 2023 au Québec.

Ma CSQ cette semaine s’est entretenue sur le sujet avec François Delwaide. Le conseiller pédagogique en environnement et écologisation au Collège Ahuntsic, à Montréal, tient à préciser qu’il n’est ni expert ni chercheur, mais plutôt un « éducateur » qui peut nous aider à mieux comprendre certains enjeux liés aux changements climatiques, par exemple.

Selon lui, ces épisodes de météo extrême et d’incendies de forêt sont effectivement la manifestation d’un gros processus de bouleversements planétaires qui est bien documenté par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Est-ce que les changements climatiques sont à nos portes, François Delwaide commente : « Je pense qu’ils étaient à nos portes l’année dernière, qu’ils étaient à nos portes il y a même une dizaine d’années. Je pense que c’est la continuité des changements climatiques : maintenant, ça saute aux yeux! »

Et même si tout revient à la normale l’année prochaine sur le plan de la météo, des inondations et des feux de forêt, cela ne voudra pas dire que la crise climatique n’existe pas.

« C’est pour ça que les études sur le sujet s’échelonnent sur 10, 20, 30 ans », illustre le conseiller en environnement.

Des feux de forêt utiles

Comment les changements climatiques peuvent-ils en arriver à provoquer des feux de forêt et quels sont les liens entre les deux? La réponse n’est pas simple, selon François Delwaide. Des feux de forêt se produisent chaque année, et ils sont essentiels à la régénération des écosystèmes. Certaines essences de conifères ne prolifèrent que lorsque leurs cônes sont brûlés.

François Delwaide (Photo: courtoisie)

La forêt boréale brûle naturellement à intervalles irréguliers. C’est ce qu’on appelle le régime des feux.

Le rythme des feux de forêt varie historiquement. Selon le consortium sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques Ouranos, le cycle des feux est passé de 190 ans à 330 ans, entre 1920 et 1999, dans la forêt boréale de l’Abitibi et du Centre-du-Québec.

« Cette diminution de l’activité des feux est attribuée principalement à une réduction des périodes de sécheresse et possiblement à l’emploi de meilleures méthodes et à des investissements plus importants dans le contrôle des feux au cours du 20e siècle »1, explique Ouranos.

Les conditions parfaites d’un feu ravageur

Là où on peut voir l’influence des changements climatiques, c’est dans la tendance à la hausse de la superficie brûlée depuis 1970, qui serait causée par le réchauffement de la température. En effet, qui dit température plus élevée dit foudre plus fréquente, et la foudre est le principal déclencheur naturel des feux de forêt.

Ce n’est pas tout. Le temps sec arrive maintenant plus tôt, et le couvert neigeux a diminué dans le Nord-du-Québec, ce qui signifie une fonte plus rapide. La période où les combustibles naturels de la forêt sont présents et bien secs est donc plus étendue dans l’année.

« De plus, la température, les précipitations, l’humidité relative, la stabilité atmosphérique ainsi que les vents influencent l’humidité des combustibles d’une forêt », selon Ouranos.

Les conditions sont alors toutes réunies pour la combustion et la propagation d’un feu de forêt qui dépassera largement les besoins de régénération de la forêt boréale…, surtout que le cycle des feux a maintenant tendance à se raccourcir. Les arbres n’arrivent pas encore à maturité que le feu de forêt reprend, ce qui cause de grands changements à la structure de l’écosystème forestier, notamment à la biodiversité.

La sécheresse, paradoxale cause d’inondations

La sécheresse peut exacerber les feux de forêt, c’est logique. Ce qui est moins intuitif, c’est que cette même sécheresse peut aussi être l’une des causes des inondations que nous avons vécues ce printemps au Québec.

François Delwaide donne l’exemple d’une plante en pot qui n’aurait pas été arrosée pendant des semaines. Arrosez-la en grande quantité d’un seul coup et l’eau ne pénétrera pas le sol : elle déferlera sur le dessus de la terre comme si celle-ci était devenue imperméable. C’est ce qui se passe sur nos terres lors de grandes pluies suivant une période de sécheresse. L’eau déborde alors pour aller là où on ne voudrait pas la voir. Ce sont les crues.

« Les changements climatiques font en sorte qu’il y a de plus en plus de ces trombes d’eau-là, qui tombent de manière soudaine », ajoute-t-il.

La crise climatique n’est pas la seule coupable

François Delwaide y va tout de même d’une petite précision : certaines zones inondables l’ont toujours été. C’est l’homme qui a aménagé le territoire pour y construire des villes. Encore une fois, nous sommes la cause de notre propre malheur!

« Les zones inondables sont des écosystèmes qui sont faits pour être des tampons, pour emmagasiner de l’eau à la fonte des neiges, détaille le conseiller en environnement. On a bâti là-dedans, on a imperméabilisé, on a fait nos maisons, nos villes en bordure des cours d’eau. Donc, qu’est-ce qui arrive au printemps quand il y a de trop forts volumes d’eau? » Les inondations!

La faute ne revient donc pas qu’à la crise climatique : l’aménagement du territoire par l’homme aussi a sa part de responsabilité. « Tout est lié », dit le conseiller en environnement.

En englobant tous ces enjeux, on parle de « crise environnementale ». « Si on parle juste de changements climatiques, ça laisse de côté certains éléments qui y sont liés. La perte de biodiversité va être exacerbée par les changements climatiques, mais c’est lié aussi à notre usage du territoire. »

Un peu de positif dans tout ça?

On peut encore faire quelque chose, selon François Delwaide. « Remettre en question notre rapport au temps, notre rapport à la possession matérielle, mutualiser davantage, mettre en commun. Ce n’est pas farfelu! » C’est possible!

> Comment contrer les changements climatiques? Lisez notre article Crise climatique : trois types d’action pour faire sa part.

 


1     LAJOIE, Geneviève, et Jeanne PORTIER [s. d.]. Impacts des feux de forêt sur le secteur forestier québécois dans un climat variable et en évolution, Ouranos, 17 p.