Syndicalisme
Parce que l’union fait la force
24 juillet 2023
Se rendre utile. Apporter sa contribution. Faire avancer les droits des travailleuses et des travailleurs, mais aussi porter des causes sociales. Il existe mille-et-une raisons de s’impliquer. Rencontre avec trois personnes militantes syndicales de longue date.
S’engager pour les enfants
« Défendre la cause des enfants. » C’est ce qui a toujours servi de trame de fond au militantisme syndical de Diane Bélanger. Psychoéducatrice depuis 35 ans, c’est quand le budget alloué à ces professionnelles et professionnels a été réduit dans une école de Causapscal, dans le Bas-Saint-Laurent, où elle travaillait depuis 15 ans, qu’elle a décidé de franchir le pas comme déléguée adjointe. « Je ne pouvais pas croire qu’on diminuait les services, surtout que j’arrivais à peine à répondre aux besoins alors qu’il y aurait eu du travail pour une personne à temps plein. »
Son implication dure depuis 20 ans, dont une dizaine d’années à titre de présidente du Syndicat des professionnelles et professionnels de l’éducation du Bas-St-Laurent. « J’ai rapidement découvert la souffrance de certains de mes collègues, entre autres à cause de la fusion des commissions scolaires, qui a amené des pratiques de gestion qui nous semblaient de plus en plus déshumanisées. » Ce rôle est taillé sur mesure pour celle qui se décrit comme « n’ayant pas sa langue dans sa poche pour parler à ses vis-à-vis patronaux. »
Son implication lui a également permis de briser l’isolement que vivent parfois les professionnelles et professionnels de l’éducation, chacun dans leurs écoles. « Participer aux instances de la CSQ m’a aussi fait réaliser que la Centrale avait un pouvoir d’influence sur les décisions politiques, comme les fusions des commissions scolaires. Car plus on est nombreux, plus on peut faire avancer les choses. De plus, j’y ai découvert des personnes de différents horizons avec qui j’avais beaucoup de points communs et qui avaient comme aspiration de changer le monde. » Une occasion riche en réseautage.
Bref, s’engager est essentiel pour Diane Bélanger. Cela permet de s’assurer que les enfants ont accès aux services dont ils ont réellement besoin. « Nous avons réussi, à force de négociations et d’interventions politiques, à faire la promotion des services professionnels dans l’éducation publique. Aujourd’hui, on compte parfois plus d’un professionnel par école, au lieu d’une personne-ressource pour plusieurs établissements scolaires, ce qui était le cas quand j’ai commencé à m’impliquer. »
Malgré ces gains, la lutte n’est pas gagnée alors qu’on invite les parents à avoir recours au privé quand les listes d’attente s’allongent, plutôt que d’embaucher du personnel professionnel supplémentaire. D’où l’importance de maintenir cet engagement pour continuer de faire pression sur nos gouvernements.
Connaitre ses droits pour les faire valoir
Pour Alain Sauvageau, le déclic s’est produit quand un mandat de conseiller en santé et sécurité s’est ouvert au sein de l’instance locale de son cégep. D’abord réfractaire au syndicat, avoue-t-il, il avait tout de même épluché toute la convention collective à son arrivée en poste. « Ma mère m’a toujours dit de lire mes contrats. J’ai suivi ses conseils, et c’est devenu ma lecture de chevet pendant un mois », explique celui qui est aujourd’hui technicien en travaux pratiques de chimie au cégep de Granby.
Alain Sauvageau maitrisait si bien le sujet que le syndicat l’a courtisé pour qu’il s’implique, ce qu’il a refusé plusieurs fois. « J’ai fini par accepter de prendre le poste de conseiller en santé et sécurité, car je trouvais que je pouvais aider réellement les gens avec qui je travaillais, pour ne pas qu’ils développent des maladies professionnelles ou des blessures graves. J’avais donc la conviction de servir à quelque chose. » Son rôle au syndicat lui permettait de pousser les patrons à agir devant un danger.
Cette première incursion l’a convaincu que les syndicats n’étaient pas « des empêcheurs de tourner en rond », mais une instance ayant une réelle incidence dans la vie des travailleuses et des travailleurs. Vingt ans plus tard, il est toujours actif et agit comme conseiller et secrétaire au Syndicat du personnel de soutien du Cégep de Granby – Haute-Yamaska. « Ça a vraiment allumé la flamme en moi, alors que j’ai été ensuite directeur à la mobilisation, vice-président, président. J’ai même eu un mandat à la Fédération du personnel de soutien de l’enseignement supérieur. »
Alain Sauvageau a beaucoup aimé participer aux négociations de conventions collectives, qui lui ont permis de mieux comprendre les arguments de chacun des partis et d’approfondir sa connaissance des différentes clauses. « Je me rappelle une fois, une collègue était venue me voir parce qu’elle était enceinte. Je l’ai amenée dans le bureau du patron, à qui j’ai dit qu’elle ne pouvait plus entrer dans le labo et qu’il fallait lui trouver d’autres tâches. »
C’est d’ailleurs la gratitude des membres qui pousse le conseiller à continuer de s’engager au sein de son instance locale. « C’est la reconnaissance des membres qui m’alimente, quand ils te consultent, te remercient de les conseiller, de répondre à leurs questions, de les aider. C’est ce qui nous pousse à nous battre pour que tout le monde puisse avoir des conditions de travail décentes et équitables. »
De même, Alain Sauvageau estime qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour reconnaitre le personnel de soutien. « Les travailleurs de la fonction publique se font souvent traités de gras dur. Pourtant, notre rémunération est sous la moyenne des salariés québécois, et nous sommes en deçà des salaires canadiens. »
Bref, l’engagement syndical demeure tout aussi essentiel en 2022 qu’à ses débuts en 2003. « À partir du moment où tu ne t’impliques plus, il n’y a personne pour protéger les acquis des cinquante dernières années, comme l’équité salariale. »
Naturellement engagée
S’impliquer au sein des différentes instances offre aussi l’occasion de poser un regard plus large sur la société, pense Claudia Lupien. Éducatrice en petite enfance, elle s’engage syndicalement depuis le tournant des années 2000. Aujourd’hui secrétaire-trésorière au comité exécutif du Syndicat des intervenantes en petite enfance de Montréal, elle a joué presque tous les rôles au sein de l’organisation, en plus de participer à différents comités.
Ainsi, le syndicalisme dépasse les simples questions de conditions de travail, aussi essentielles soient-elles. « Nous pouvons également avoir une influence sur le reste de la société, en véhiculant certaines valeurs ou encore en appuyant des causes comme l’augmentation du salaire minimum, qui ne concerne pas que les employés syndiqués. Je trouve cela bien qu’on prône la justice sociale. » C’est aussi l’occasion de tisser des liens avec des personnes qui partagent les mêmes valeurs que soi, ajoute-t-elle. D’autant que c’est la somme des talents de chacun qui fait une réelle différence. « Le syndicat, c’est tous les membres. Chaque poing levé compte. »
« Tous les progrès dans la vie sont liés au militantisme, poursuit-elle. Je pense que tout le monde devrait adopter au moins une cause et la faire avancer. Pour ma part, je me mobilise sur différents enjeux, en participant à des marches ou en partageant de l’information sur différents sujets qui touchent le féminisme, les droits de la personne ou les questions LGBTQ+ (lesbiennes, gaies, bisexuelles, trans, queers), causes auxquelles j’adhère. »
S’engager syndicalement allait donc de soi pour Claudia Lupien. « Soit nous nous sentons déjà interpelés et notre implication est naturelle, soit notre esprit critique nous commande de changer les choses. Dans mon cas, c’était un peu les deux. Je voulais aussi apporter ma couleur, mes idées, mes forces. Et c’est très satisfaisant de participer, de voir comment ça marche de l’intérieur même s’il y a beaucoup de transparence, de faire partie de cette machine extraordinaire. »
Son activisme syndical lui apporte également le sentiment de contribuer socialement. « Ces instances sont cruciales pour améliorer nos conditions de travail, mais c’est aussi tellement gratifiant. Cela me rend très fière et me permet de relever des défis personnels. Par exemple, on peut acquérir de nouvelles compétences, comme la faculté de parler en public. Même si un jour j’arrêtais de m’impliquer, je porterai toujours cette appartenance en moi », résume-t-elle.