En pleine pandémie et à l’aube d’une nouvelle négociation qui s’amorce, les défis se dressent devant la nouvelle présidente de la Fédération de la Santé du Québec (FSQ-CSQ), Isabelle Dumaine, élue en novembre 2021. Inhalothérapeute au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Laval et présidente du Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes et infirmières auxiliaires de Laval (SIIIAL-CSQ) jusqu’à tout récemment, elle a accepté de faire part de sa vision à CSQ Le Magazine.

CSQ LE MAGAZINE : COMMENT ENVISAGEZ-VOUS VOTRE RÔLE DE PRÉSIDENTE FACE À LA CRISE QUE VIT LE SECTEUR DE LA SANTÉ ACTUELLEMENT?

Isabelle Dumaine : La crise sanitaire a révélé au grand jour l’état de grande fragilité de notre réseau public de santé, au point où plus personne ne peut s’enfouir la tête dans le sable à Québec et nier la réalité. C’est d’ailleurs la première fois que nous entendons un premier ministre et son ministre de la Santé et des Services sociaux reconnaitre publiquement la gravité et l’urgence de la situation. Je pense qu’il y a enfin une occasion qui se présente d’améliorer réellement les conditions de travail des travailleuses et des travailleurs.

LES MEMBRES ONT-ELLES ENCORE CONFIANCE QUE LA SITUATION PEUT S’AMÉLIORER?

Il y a beaucoup de désenchantement chez le personnel. Certaines travailleuses et certains travailleurs conservent l’espoir de jours meilleurs alors que d’autres n’y croient plus. C’est pourquoi je pense que le gouvernement actuel n’a pas d’autre choix que de réussir. Il a laissé passer sa chance de changer le cours des choses lors de la dernière négociation, et cela nous a menés au bord du gouffre. Il ne peut pas répéter la même erreur lors des prochaines négociations.

QU’ATTENDENT LES TRAVAILLEUSES ET LES TRAVAILLEURS DE LA SANTÉ DU GOUVERNEMENT?

De pouvoir donner des soins de qualité en toute confiance tout en se sentant pleinement en sécurité. Nos membres veulent pouvoir rentrer à la maison, à la fin de leur quart de travail, avec la fierté du travail bien accompli, sans être prisonnières du temps supplémentaire obligatoire.

NE CRAIGNEZ-VOUS PAS QUE LE GOUVERNEMENT INVOQUE, UNE FOIS DE PLUS, LE MANQUE D’ARGENT POUR CORRIGER LA SITUATION?

C’est le prétexte qu’il a invoqué lors de la dernière négociation, et, pourtant, depuis ce temps-là, il en trouve abondamment pour apporter des solutions temporaires. Il en a certainement pour trouver des solutions permanentes, qui seraient plus profitables à l’ensemble de la société québécoise.

QUELS PROBLÈMES FAUT-IL RÉGLER EN PRIORITÉ POUR « REFONDER » NOTRE RÉSEAU PUBLIC DE SANTÉ, SELON L’EXPRESSION DU MINISTRE DUBÉ?

Il faut absolument stabiliser les équipes de travail et mettre fin au temps supplémentaire et au temps supplémentaire obligatoire. Bien sûr qu’il y aura toujours un certain nombre d’heures effectuées en temps supplémentaire, mais cela doit se faire uniquement sur une base volontaire. Ce n’est pas une utopie puisque cela s’est déjà fait. Les infirmières, les infirmières auxiliaires et les inhalothérapeutes doivent connaitre leur horaire de travail et pouvoir retourner à la maison, une fois leur quart de travail terminé.

EST-CE RÉALISTE DANS LE CONTEXTE DE LA PÉNURIE DE PERSONNEL?

Oui, si le gouvernement a le courage d’abolir les agences privées de placement dans le secteur de la santé et des services sociaux. Il doit mettre fin à ce réseau de santé parallèle où les employées bénéficient d’un traitement privilégié au détriment de leurs collègues du secteur public.

Le gouvernement doit profiter de la négociation qui s’en vient pour régler cela. S’il le fait, ce sera déjà une énorme bouffée d’air frais qu’il enverra dans le réseau.