CSQ LE MAGAZINE : DANS LE CONTEXTE ACTUEL, LES TRAVAILLEUSES ET LES TRAVAILLEURS DE LA SANTÉ PEUVENT-ILS GARDER CONFIANCE?

Claire Montour : Le contexte est difficile, mais nous n’avons pas le droit d’abandonner. Notre système public de santé est plus que jamais nécessaire, et nous avons le devoir, envers nos membres et la population, de le défendre et de le préserver. Si nous n’avions pas été là au cours des dernières années, il y a fort à parier que des grands pans de notre réseau auraient déjà été cédés au privé avec la bénédiction du gouvernement.

La bataille que nous livrons n’est pas facile, mais nous devons garder confiance. Nous sommes comme des alpinistes qui grimpent une montagne. Plus ils approchent du sommet et plus grande est la fatigue. La tentation d’abandonner s’accroit à mesure qu’on approche du sommet et de la victoire. Les travailleuses et les travailleurs de la santé n’ont jamais eu une telle écoute au sein de la population et même auprès du gouvernement. Ce contexte est on ne peut plus propice pour revendiquer haut et fort de meilleures conditions de travail.

QUELLES SONT LES PLUS GRANDES QUALITÉS DE LA FSQ-CSQ COMME ORGANISATION SYNDICALE?

En premier lieu, je dirais le grand respect envers nos membres. Un respect qui prend racine dans l’honnêteté. Les infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes affiliées aux syndicats de la FSQ-CSQ obtiennent toujours un portrait réel de la situation. Nous leur présentons les choses telles qu’elles sont et nous les laissons s’exprimer librement.

L’hiver dernier, notre fédération a été la seule organisation syndicale à oser dire publiquement que l’offre du gouvernement était une proposition inacceptable, qu’elle ne solutionnait en rien les problématiques de l’organisation du travail. Le temps nous a donné raison, et c’est cette transparence que nos membres apprécient.

Notre organisation est également affiliée à la grande centrale syndicale qu’est la CSQ, et cela est un atout important. Il est évident que nos membres bénéficient grandement de la solidarité et du soutien d’une centrale qui regroupe près de 200 000 personnes faisant partie principalement du secteur public. De plus, l’expertise et l’expérience développées par la Centrale apportent beaucoup à notre fédération et à ses membres.

Au Québec, nous sommes la seule fédération qui représente exclusivement des infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes affiliée à une grande centrale. Quand c’est le temps de discuter de nos enjeux comme professionnelles de la santé et de négocier notre convention collective, nous le faisons entre nous, par nous et pour nous! Et quand vient le temps de discuter, de nous mobiliser et d’affronter le gouvernement, notre employeur, nous le faisons toutes et tous ensemble en CSQ!

« Je pense que les travailleuses et les travailleurs de la santé devront plus que jamais unir leurs forces au cours des prochaines années pour obliger les gouvernements à améliorer les conditions de travail du personnel et à prendre des mesures pour ramener plus d’humanité dans notre réseau public de santé et de services sociaux. »

D’APRÈS VOUS, QUI SONT LES GRANDS RESPONSABLES DE LA SITUATION PÉRILLEUSE OÙ SE TROUVE ACTUELLEMENT NOTRE RÉSEAU PUBLIC DE SANTÉ?

Ce sont bien sûr les gouvernements qui se sont succédé depuis 25 ans et qui, peu importe leur couleur politique, ont maintenu le même mode de gestion inhumain et néfaste, tant pour le personnel que pour la population, qui a droit à des soins et à des services de qualité.

Tout cela a d’ailleurs commencé avec Lucien Bouchard, qui avait poussé à la retraite, au tournant des années 2000, 19 000 travailleuses et travailleurs de la santé. Il ne faut pas oublier également son ministre de la Santé, François Legault, qui a institué les fameux contrats de performance entre les établissements, qui ont fait très mal à notre réseau public.

Mais ultimement, je pense que la responsabilité première revient aux écoles, telle HEC Montréal, qui enseignent des méthodes de gestion, comme la méthode Lean. Ces approches privilégient la performance au détriment de toute autre considération, dont la qualité des soins et les conséquences sur le personnel et les patients. Malheureusement, ces grands penseurs de la gestion managériale exercent dans l’ombre une grande influence sur nos gouvernements.

Je pense que les travailleuses et les travailleurs de la santé devront plus que jamais unir leurs forces au cours des prochaines années pour obliger les gouvernements à améliorer les conditions de travail du personnel et à prendre des mesures pour ramener plus d’humanité dans notre réseau public de santé et de services sociaux.

 

AVEC UN GOUVERNEMENT QUI DIRIGE DEPUIS PLUSIEURS MOIS À COUPS D’ARRÊTÉS MINISTÉRIELS, LES SYNDICATS ONT-ILS ENCORE DE L’INFLUENCE?

Je suis profondément convaincue que c’est le cas, et les faits le démontrent. En dépit de ses réflexes autoritaires, ce gouvernement est rattrapé par la réalité et il est obligé, même si ce n’est pas de gaité de cœur, de tenir compte de nos mises en garde. Ce n’est pas pour rien qu’il a reculé une première fois dans le dossier de la vaccination obligatoire et qu’il veut maintenant mettre fin au recours aux agences privées. Bien malgré eux, le premier ministre et le ministre de la Santé et des Services sociaux finissent par devoir tenir compte des mises en garde des organisations syndicales.

Oui, les syndicats remportent encore des victoires, et cette porte qui est en train de se fermer sur les agences privées en est une grande.

« Malgré toutes les difficultés auxquelles nous avons dû faire face, aucun gouvernement n’a jamais réussi à nous abattre. Il faut s’en souvenir et resserrer les liens qui nous unissent. »

QUEL EST VOTRE SOUHAIT POUR L’AVENIR DE LA FSQ-CSQ ET DE SES MEMBRES?

Je souhaite que notre fédération continue de s’imposer comme une voix incontournable dans le secteur de la santé au Québec. Elle a acquis une grande notoriété sur la place publique au cours des dernières années, notamment durant les derniers mois. Nous exerçons maintenant une influence réelle et même une certaine forme de leadeurship auprès des autres organisations syndicales du secteur de la santé. Cela me rend particulièrement fière.

Quant à nos membres, j’espère qu’elles n’oublieront jamais que leur force se trouve dans le collectif, dans le respect et dans la solidarité. Malgré toutes les difficultés auxquelles nous avons dû faire face, aucun gouvernement n’a jamais réussi à nous abattre. Il faut s’en souvenir et resserrer les liens qui nous unissent.

La solidarité demeurera toujours le meilleur remède à l’adversité. La FSQ-CSQ est une grande organisation syndicale qui a un bel avenir devant elle si ses membres infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes continuent de se faire confiance. J’ai été honorée d’être leur présidente. Longue vie à la FSQ-CSQ!

Voyez l’entrevue que Claire Montour nous a accordée quelques jours à peine avant la fin de son mandat comme présidente de la FSQ-CSQ.