Dans ce dossier, deux visions s’opposent. D’un côté, on valorise la qualité du diplôme d’études collégiales (DEC) en soins infirmiers, tandis que de l’autre, on croit qu’il faut exiger un rehaussement de la formation initiale au baccalauréat comme condition d’accès à la profession.

L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), qui défend très activement la seconde position, a relancé le débat dans le cadre des États généraux tenus en mai 20211. Cet évènement, qui était présenté comme une consultation citoyenne sur une pluralité d’enjeux liés à la profession infirmière, dont la formation initiale, s’est cependant avéré un exercice fortement orienté dès le début des travaux, selon les présidentes de la FEC-CSQ2, Lucie Piché, et de la FSQ-CSQ3, Claire Montour.

Un DEC de qualité

Pour la CSQ et ses fédérations, la formation collégiale en soins infirmiers doit demeurer qualifiante, c’est-à-dire qu’elle doit permettre l’exercice de la profession infirmière. Pour sa part, l’OIIQ soulève régulièrement les enjeux de complexité et de sécurité des soins pour réclamer le rehaussement de la norme d’entrée dans la profession infirmière et souligne constamment que le diplôme collégial québécois ne correspond pas à la norme internationale.

« Ce ne sont pas les structures d’enseignement qui font foi du degré de qualification de la formation, mais bien les contenus de formation en adéquation avec les tâches effectuées. »

– Lucie Piché, présidente de la FEC-CSQ

Cependant, « l’argument est peu convaincant, affirme Lucie Piché. Ce ne sont pas les structures d’enseignement qui font foi du degré de qualification de la formation, mais bien les contenus de formation en adéquation avec les tâches effectuées ». Précisons d’emblée que le réseau collégial est une spécificité québécoise et qu’il fait partie intégrante de l’enseignement supérieur. « De tels propos en ce qui concerne la norme internationale ne tiennent donc pas la route! », ajoute la présidente de la FEC-CSQ.

« Le programme de formation a permis la diplomation de dizaines de milliers d’infirmières et d’infirmiers du Québec au cours des 50 dernières années, dont personne ne remet en doute les compétences. »

– Claire Montour, présidente de la FSQ-CSQ

À ce jour, aucune étude ne permet d’ailleurs de remettre en question la qualité et les bénéfices de la formation collégiale. « Le programme de formation a permis la diplomation de dizaines de milliers d’infirmières et d’infirmiers du Québec au cours des 50 dernières années, dont personne ne remet en doute les compétences », ajoute Claire Montour.

Une formation accessible

Les enquêtes4 effectuées par la Fédération des cégeps démontrent que la majorité du personnel infirmier travaillant actuellement dans le réseau a choisi cette voie en raison des faibles couts associés à l’obtention du DEC, de sa durée et de la proximité des milieux de formation. En effet, 44 % des répondantes et répondants n’auraient pas choisi cette profession si le baccalauréat avait été obligatoire.

« Rappelons qu’au cœur de la mission du réseau collégial se trouvent les principes d’universalité et d’accessibilité aux études supérieures », indique Lucie Piché. De fait, la formation collégiale en soins infirmiers est offerte partout sur le territoire québécois, dans 55 points de service d’enseignement. Elle s’avère un puissant levier d’ascension sociale, en plus de contribuer à l’essor économique et social des régions du Québec.

Un défi de taille

Les cégeps ont ainsi formé plus de 70 % du personnel infirmier ayant intégré le réseau de la santé au cours des cinq dernières années. Or selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, le Québec aura besoin de 24 000 nouvelles infirmières d’ici 20265. « Il serait impossible de relever ce défi en limitant le droit d’entrée en pratique aux seules personnes détenant un diplôme universitaire dans un contexte de rareté de la main-d’œuvre », dit Claire Montour.

Les enjeux sont majeurs. « Il y a de plus en plus urgence : il faut éviter à tout prix que l’incertitude à propos de l’avenir du diplôme collégial ne vienne plomber les inscriptions et mette plus à mal le réseau de la santé », souligne Lucie Piché. C’est pourquoi, au cours des prochains mois, la CSQ, ses fédérations et ses syndicats affiliés inviteront les personnes élues de différents paliers de gouvernement à prendre position activement en faveur du maintien du DEC qualifiant en soins infirmiers.


1 CENTRALE DES SYNDICATS DU QUÉBEC (2021). États généraux sur la profession infirmière : la FEC-CSQ et la FSQ-CSQ dénoncent la prétention de l’OIIQ de mener une réelle consultation (20 mai).
2 Fédération des enseignantes et enseignants de cégep.
3 Fédération de la Santé du Québec.
4 Dont la plus récente par le biais d’un sondage effectué par la Fédération des cégeps auprès de 3523 personnes entre le 17 avril et le 5 mai 2021.
5 QUÉBEC. MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX (2019). Portrait de la main-d’œuvre – Soins infirmiers, Direction générale du personnel réseau et ministériel.