Le 13 mars 2020, la présidente de la FIPEQ-CSQ1, Valérie Grenon, devait manifester devant le Salon Priorité-Emploi de Sherbrooke dans le cadre des grèves progressives en milieu familial régi et subventionné. Elle a plutôt passé sa journée en mode gestion de crise alors qu’elle devait suspendre d’urgence tous les moyens de pression mis en place.
« À 10 h, nous annoncions la suspension de nos moyens de pression et nous apprenions à 13 h que le ministre de la Famille fermait tous les services éducatifs », se rappelle Valérie Grenon. Quarante-huit heures plus tard, les intervenantes en petite enfance allaient finalement apprendre que tous les services devaient rouvrir afin d’offrir des services de garde d’urgence.
« Nous avions des appels quotidiens avec le ministre de la Famille pour faire le point, dit la présidente. Ce qui était bon hier ne l’était souvent plus le lendemain. C’était difficile à suivre pour moi, alors je peux imaginer toute la confusion sur le terrain. » Elle cite en exemple les consignes, qui ont rapidement évolué, concernant le port de l’équipement de protection individuelle qui n’était pas recommandé en avril, mais devenait obligatoire en juin. « De notre côté, nous avons toujours plaidé le libre choix de l’intervenante », dit Valérie Grenon.
De quoi être fier
Depuis mars, la crise sanitaire apporte son lot de défis dans le milieu de la petite enfance. « Malgré tout, il y a de quoi être fier, notamment quand on pense au maintien des salaires versés aux intervenantes représentées par notre fédération, jusqu’à la réouverture progressive des milieux, dit Valérie Grenon. Ça a été tout un combat! On sentait que le gouvernement regardait du côté de la Prestation canadienne d’urgence. Pour nous, il fallait maintenir le lien d’emploi avec les intervenantes pour pouvoir être prêtes pour la relance. »
Malgré de multiples demandes et interventions publiques de la part de la FIPEQ-CSQ, le gouvernement a toutefois rejeté l’idée de verser une prime additionnelle comme ce fut le cas dans d’autres secteurs d’activités. Pour contrer la pénurie de main‑d’œuvre, le ministre a finalement dû réduire les exigences quant au ratio d’éducatrices formées en CPE2. « Il ne faut surtout pas que les mesures temporaires concernant la formation des éducatrices deviennent permanentes », s’inquiète la représentante syndicale.
Elle ajoute qu’on entend peu parler de la qualité et de l’importance des interactions avec les tout-petits pendant la pandémie. « Quand on a suggéré d’avoir des masques avec fenêtre pour favoriser la compréhension du langage, on s’est fait dire que ça coutait trop cher. Mais quel sera le prix de tous les changements sur le développement de nos enfants? Ça, personne ne le sait. »
Des négos décisives pour la profession
L’année 2020 en est une de négociation pour la FIPEQ-CSQ, alors que les deux secteurs qu’elle représente, les CPE et le milieu familial, doivent renouveler leur contrat de travail.
La négociation pour le milieu familial régi et subventionné a pris fin avec la conclusion d’une entente de principe approuvée à 82,4 %. Bien que des gains considérables aient été faits sur le volet normatif de l’entente collective, la bataille pour de meilleures conditions salariales se poursuivra au sein d’un comité sur la rémunération.
Quant à la négociation nationale et regroupée en CPE, elle est toujours en cours. Les intervenantes ont plusieurs demandes afin d’améliorer les conditions d’exercice de leur emploi, lesquelles se sont énormément détériorées avec la pandémie de la COVID‑19.
« Peu de temps après le déclenchement de l’état d’urgence sanitaire, nous avons tendu la main au ministre de la Famille afin de régler rapidement nos deux négociations, explique Valérie Grenon. Notre proposition a finalement été rejetée et chaque secteur a poursuivi une négociation traditionnelle. Peut-être n’en serions-nous pas à la pénurie que l’on connait aujourd’hui si on avait bonifié rapidement nos conditions avec des primes COVID‑19 au début de la pandémie. »
Malgré tout, la présidente se réjouit du mouvement de fond qui se dessine dans la population pour revendiquer de meilleurs salaires pour les professionnelles qui s’occupent des tout-petits. Plusieurs experts et groupes de la société civile ont récemment pris la parole en ce sens.
Un plan d’action en trois volets
Outre le travail de négociation à conclure pour le secteur des CPE, la Fédération entend agir prioritairement sur trois volets au cours de la prochaine année.
D’abord, le travail entrepris depuis déjà plusieurs années pour la valorisation de la profession se poursuivra. La Fédération a lancé en 2018 la campagne J’élève la profession qui visait à souligner le professionnalisme des intervenantes en petite enfance. « La valorisation transcende tous nos autres dossiers, souligne Valérie Grenon. Ultimement, avec chacune de nos actions, nous nous assurons qu’elles auront un impact positif sur la reconnaissance de notre travail essentiel. »
Avant la pandémie, la FIPEQ-CSQ avait notamment organisé des tournées régionales avec le pédiatre Jean-François Chicoine afin d’offrir à ses membres et à la population un regard différent sur l’importance des interventions auprès des enfants de 0 à 5 ans. Ces conférences sont suspendues en raison de la situation sanitaire, mais un comité se penche sur la possibilité de mettre en place de nouvelles actions virtuelles.
Le deuxième volet majeur du plan de match de la FIPEQ-CSQ concerne le développement du réseau de la petite enfance. Plusieurs dossiers risquent de bouleverser les CPE et les milieux familiaux à long terme. Pensons, entre autres, aux projets de loi, notamment celui qui vise à régir les personnes non reconnues en milieu familial et celui pour la conversion de places non subventionnées en places subventionnées, ainsi qu’aux différents appels de projets pour la création de nouvelles places en installation.
« Dans tous ces projets à venir, j’aimerais que l’on garde en tête nos enfants les plus vulnérables, espère la présidente. Le réseau de la petite enfance doit être un vecteur de développement pour eux. » Elle souligne également l’importance que la voix des parents soit entendue. « On le sait, les familles du Québec sont fières de leur réseau et veulent plus de places à 8,35 $, pas des places au privé. »
Enfin, la Fédération poursuivra sa campagne de développement alors que la majorité des intervenantes en CPE sont non syndiquées au Québec. « Pour avoir un véritable impact auprès du ministère dans le réseau des CPE, la syndicalisation est la seule solution, mentionne Valérie Grenon. Il ne faut pas voir le syndicat comme un opposant aux CPE qui sont des organismes à but non lucratif. L’employeur dépend presque entièrement des règles budgétaires déterminées par Québec, d’où l’importance de se regrouper dans une fédération nationale. »
Quand on lui demande pourquoi une intervenante en CPE ou en milieu familial devrait choisir la FIPEQ-CSQ plutôt qu’un autre syndicat, Valérie Grenon répond sans hésiter que « c’est la force d’être la seule fédération dédiée exclusivement aux intervenantes en petite enfance qui fait toute la différence »!
1 Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec.
2 Centres de la petite enfance.