Le 13 mars 2020, le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, annonçait la fermeture de tous les services éducatifs. Il se ravisait deux jours plus tard en demandant à tous les services d’ouvrir pour les parents travaillant dans un service jugé essentiel. Myriam Chayer et Josée Lemire ont vécu cette période avec énormément de stress.

Josée Lemire

« La directrice a convoqué tout le personnel afin d’évaluer combien d’enfants on aurait, raconte Myriam Chayer, éducatrice au Centre de la petite enfance (CPE) Le Petit Palais, à Montréal. Finalement, on a accueilli 19 enfants qui n’étaient pas de notre CPE, car leur service avait fermé. »

Responsable en services éducatifs en milieu familial (RSE) à Sherbrooke, Josée Lemire a choisi, quant à elle, de maintenir son service ouvert puisque les parents de huit de ses neuf enfants travaillaient dans les services essentiels.

Même si, dans les semaines qui ont suivi, le ministère de la Famille a autorisé tous les milieux familiaux qui le souhaitaient à fermer avec pleine rémunération, c’était hors de question pour Josée Lemire d’en arriver là. « C’était angoissant, mais je me sentais obligée de continuer. C’est comme si on allait à la guerre. Il fallait permettre à des parents d’aller soigner des malades. Les infirmières avaient besoin d’avoir une tranquillité d’esprit », dit-elle.

S’adapter aux consignes et aux changements

Au fur et à mesure que la pandémie évolue, les consignes du gouvernement changent complètement. Ce fut le cas, par exemple, avec les directives entourant le port de l’équipement de protection individuelle. « Ça a été dur de se dire que, hier, on n’avait pas le droit de porter un masque, mais qu’aujourd’hui, on est obligées d’en avoir un. À notre CPE, c’est ainsi que ça s’est passé », raconte Myriam Chayer.

« On est allées au front pas de masque! », insiste Josée Lemire, qui a trouvé la situation stressante. Elle affirme toutefois avoir redoublé d’efforts pour rester elle-même et continuer son travail auprès des enfants.

Des parents inconnus

Une différence majeure entre l’expérience de Josée Lemire et celle de Myriam Chayer a été la provenance des enfants. Alors que les tout-petits de Josée Lemire sont restés les mêmes, Myriam Chayer a accueilli quatre nouveaux enfants dans son groupe sans avoir la possibilité de parler avec les parents. Les mesures mises en place reliées à la COVID-19 obligeaient la famille à rester à l’extérieur du CPE.

« Le côté pédagogique a un peu pris le bord, reconnait-elle. C’est difficile de faire des observations à propos d’un enfant que tu ne connais pas. Mon objectif a donc été d’établir un lien avec l’enfant en misant sur ses intérêts pour qu’il souhaite revenir le lendemain. »

Myriam Chayer

Des règles à respecter

Dans les premières semaines, au CPE, les règles d’hygiène étaient à leur apogée. Interdiction de croiser des groupes à l’extérieur, désinfection de chaque jouet après utilisation, mise au rancart de matériel en bois et autres matériaux susceptibles d’augmenter le risque de propagation : la tâche en devenait davantage une de surveillante que d’éducatrice.

L’adaptation a toutefois été plus difficile pour les adultes que pour les enfants, affirme Myriam Chayer. « Lorsque des parents du réseau de la santé arrivent masqués et que leur enfant te saute dans les bras alors que tu t’es fait dire de ne pas mettre de masque, tu as un petit doute », raconte-t-elle en mentionnant les consignes contradictoires entre les réseaux au début de la pandémie.

Le manque de reconnaissance

Avec tous ces changements et ces adaptations, les deux éducatrices s’attendaient à une meilleure reconnaissance de la part du ministre Mathieu Lacombe et du gouvernement. « On n’a même pas eu une petite tape dans le dos. Les parents me disaient qu’ils ne comprenaient pas qu’on ne soit pas davantage reconnues », dit Josée Lemire.

En milieu familial, toutes les tâches additionnelles n’ont fait l’objet d’aucune compensation financière. « C’est révoltant, ajoute-t-elle. J’adore mon métier, mais à un certain moment, je me suis mise à pleurer, à angoisser. J’ai décidé de fermer mon service. Heureusement, j’ai discuté avec mon fils et je suis revenue sur ma décision. »

À défaut d’obtenir la reconnaissance du gouvernement, la situation aura permis aux parents de prendre conscience du caractère essentiel de nos services, estime Josée Lemire. « Les parents des enfants de mon service m’ont tous épaulée, même dans les moments plus difficiles », conclut-elle.