La mise en œuvre de cette réforme majeure demandera temps et énergie de la part des acteurs du réseau scolaire. En avril 2020, alors que toutes et tous se consacraient à la crise, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur disait réviser le déploiement de la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires  pour répondre aux nécessités de cette crise.

En effet, ne serait-il pas plus profitable pour tous de remettre l’instauration des dispositions législatives de la Loi à une date ultérieure, lorsque la situation le permettra?

Si les détails concernant la révision du plan de mise en œuvre étaient encore imprécis au moment d’écrire ces lignes en avril 2020, les changements apportés à la Loi sur l’instruction publique (LIP) étaient toutefois bien connus. En voici un tour d’horizon.

Une adoption forcée

Le 8 février 2020 au petit matin, les commissions scolaires telles que nous les connaissions ont cessé d’exister. Avant cette adoption forcée, les 70 heures qui ont pu être consacrées à l’étude détaillée du projet de loi avaient pourtant permis d’aplanir certains de ses irritants.

Le ministre Jean-François Roberge1 a malheureusement choisi de couper court aux échanges et d’adopter, en rafale, la très grande majorité des articles du projet de loi, sans possibilité de discussion, ni de réflexion quant aux conséquences de leur mise en application. « On se retrouve aujourd’hui devant une réforme, mal ficelée à bien des égards, qui est loin de faire consensus auprès des différents acteurs du réseau », affirme la présidente de la CSQ, Sonia Ethier.

Conseil d’administration : un virage de taille

En remplacement du conseil des commissaires, un conseil d’administration composé de cinq parents, de cinq membres du personnel et de cinq personnes issues de la communauté sera mis en place dans chaque centre de services scolaire.

Le personnel sera appelé à désigner ses représentantes et représentants selon les modalités déterminées par la direction générale. Ces modalités prendront donc des formes différentes d’un milieu à l’autre (élection en assemblée, vote électronique, etc.).

Pour la constitution des premiers conseils, la désignation des membres de chacune des catégories de personnel doit se faire par les membres du personnel siégeant à ce titre à un conseil d’établissement et parmi ceux-ci. C’est donc un bassin restreint du groupe de pairs qui pourra se prononcer et se porter candidat.

« Pour la suite des choses, les représentantes et représentants du personnel devraient être désignés par l’ensemble de leur groupe de pairs, par l’entremise de leur organisation syndicale, pour donner la chance à tous de pouvoir s’engager et pour assurer la meilleure représentation possible. C’est ce que nous ferons valoir », souligne Sonia Ethier.

Le conseil d’administration exercera essentiellement les mêmes fonctions que le conseil des commissaires. La direction générale deviendra porte-parole officielle du centre de services scolaire. Devoir de loyauté oblige, on vient ainsi limiter les possibilités de critiques à l’égard des décisions ministérielles.

Conseil d’établissement : le pire est évité

Le projet de loi proposait des changements majeurs dans la composition du conseil d’établissement qui auraient brisé l’équilibre des pouvoirs. De plus, la personne représentant le service de garde aurait été nommée, non plus élue par ses pairs. « Ces dispositions ont été vivement dénoncées par la Centrale. Heureusement, nous avons évité le pire! Le statuquo sera conservé », précise Sonia Ethier.

Par contre, le conseil d’établissement pourra donner son avis à la direction sur toute question propre à faciliter la bonne marche de l’école, si les deux tiers de ses membres votent en ce sens. Ce pouvoir d’initiative ne pourra pas porter sur des questions relevant du droit de l’enseignante ou de l’enseignant, sur certains pouvoirs de la direction concernant des propositions élaborées avec la participation du personnel, ni sur ce qui concerne la gestion du personnel. Encore là, le pire a été évité! 

Un bilan en demi-teinte pour le personnel enseignant

Les dispositions touchant la profession enseignante contenues dans le projet de loi no 40 ont soulevé l’ire des enseignants. De nombreuses actions ont été posées afin de dénoncer l’attaque à leur autonomie professionnelle et de faire évoluer le projet de loi de manière à défendre leurs droits.

« Au lieu de rejeter le projet de loi, nous avons choisi d’agir afin d’influencer son contenu, affirme la présidente de la FSE-CSQ2, Josée Scalabrini. Même si plusieurs irritants demeurent, nous pouvons dire que nos interventions ont permis de changer des choses. Des éléments sur lesquels tabler pour faire respecter les droits et l’expertise du personnel enseignant ont été ajoutés dans la LIP. »

Dorénavant, seul l’enseignant ou l’enseignante a la responsabilité d’attribuer un résultat faisant suite à l’évaluation des apprentissages de ses élèves, sauf pour certains cas exceptionnels. « Maintenant, c’est clair : la manipulation de notes, c’est terminé! », dit Josée Scalabrini.

Le personnel enseignant devra suivre au moins 30 heures de formation continue tous les deux ans. Il revient à chaque enseignante et enseignant de choisir les activités qui répondent le mieux à ses besoins. La direction devra s’assurer que chacun remplit son obligation de formation.

Bâillonner l’épanouissement des élèves

L’un des enjeux importants, passé sous le radar lors de l’adoption du projet de loi sous le bâillon, est le retrait de la LIP des mentions du Service d’animation spirituelle et d’engagement communautaire (SASEC).

Ainsi, l’école n’aura plus à « faciliter le cheminement spirituel de l’élève afin de favoriser son épanouissement ». C’était la seule mention de l’épanouissement de l’élève contenue dans la LIP. « Malheureusement, la CAQ semble confondre "vie spirituelle" et "religion", affirme le président de la FPPE-CSQ3, Jacques Landry. Pourtant, le SASEC a été mis en place au début des années 2000 dans le contexte de la déconfessionnalisation de l’école québécoise. C’est un pilier de la laïcité scolaire. »

Le SASEC est tenu à bout de bras par des animateurs chevronnés qui visent à faire de l’école un lieu de réflexion, de quête de sens et de solidarité. « L’essentiel est qu’enfin, leur rôle soit reconnu et que tous les élèves aient accès à ce service important », dit Jacques Landry.

Partage de ressources et de services : les inquiétudes demeurent

À partir du 1er juillet 2020, le partage de ressources et de services entre les centres de services scolaires ou avec d’autres organismes publics et privés devra être favorisé.

« Les articles du projet de loi concernant le partage de ressources et de services n’ont même pas été étudiés par les parlementaires, déplore le président de la FPSS-CSQ4, Éric Pronovost. Il aurait fallu qu’il y ait une réflexion à ce sujet et que des modifications soient apportées pour limiter les effets négatifs, notamment sur les services aux élèves. »

La perte d’expertise au sein du réseau scolaire est un autre contrecoup possible du partage de ressources et de services. « Il est déjà difficile d’attirer et de retenir le personnel dans le réseau scolaire. L’incertitude engendrée par cette nouvelle disposition risque d’aggraver les choses », dit Éric Pronovost.

Comité d’engagement pour la réussite des élèves

Un comité d’engagement pour la réussite des élèves sera formé dans chaque centre de services scolaire. Il sera constitué de 13 à 18 personnes, principalement des membres du personnel enseignant, professionnel, de soutien et de direction. Il revient à la direction générale de déterminer comment sera formé ce comité.

Le comité devient responsable d’élaborer et de proposer le plan d’engagement vers la réussite (PEVR), d’analyser les résultats des élèves et de formuler des recommandations sur son application, de promouvoir, auprès des établissements, les pratiques éducatives issues de la recherche et liées aux orientations du PEVR et, enfin, de donner son avis au centre de services scolaire sur toute question relative à la réussite des élèves.

Pour Sonia Ethier, « le comité et le centre de services scolaire devront jouer un rôle de conseil et d’information, mais respecter l’expertise du personnel et ne pas tenter d’imposer des approches pédagogiques ou de méthodes de travail ».


1 Jean-François Roberge est ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
2 Fédération des syndicats de l’enseignement.
3 Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec.
4 Fédération du personnel de soutien scolaire.