Difficile de ne pas dire « on vous l’avait bien dit » lorsqu’on lit l’enthousiasme avec lequel le ministre de l’Éducation encourage les gens d’affaires à « prendre en main » les nouveaux centres de services scolaires, qu’il a créé récemment sous le bâillon.

Le fait qu’il ait prononcé ces mots devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain dans le cadre des Journées de la persévérance scolaire n’est pas anodin lorsqu’on connaît la fascination de la Coalition avenir Québec (CAQ) pour la présence du privé en éducation. Cette fascination était d’ailleurs bien présente dans l’Action démocratique du Québec (ADQ) et le Réseau liberté Québec, le terreau idéologique dans lequel a poussé le parti de François Legault.

On n’en est pas là aujourd’hui, bien que la possibilité pour les parents de choisir l’établissement scolaire de leur choix introduit par le projet de loi no 40 est un terrain glissant. Cependant, il est facile de comprendre pourquoi le secteur privé reluque nos écoles avec appétit!

6 300 milliards de dollars

Le poids économique mondial de l’éducation est de 6 300 milliards de dollars (manuels scolaires, plans de cours et tests standardisés, contrats de sous-traitance des cafétérias, fournitures scolaires, sous-traitance de l’entretien des édifices, contrats informatiques, etc.). Les sources de profits ne manquent pas et la disparition de paliers de décision indépendants n’aidera en rien à freiner cet appétit, au nom de l’efficience.

Nous l’avons vu dans le cas du système de santé et de services sociaux, il y a énormément d’appétit du secteur privé pour les contrats publics et les opportunités de privatisation. La disparition des paliers de contre-pouvoir et l’enthousiasme du ministre pour le monde des affaires n’aident pas à avoir confiance.

Nous devrons garder un œil bien attentif aux transformations de la gouvernance des établissements scolaires et des centres de services si nous voulons nous assurer que le « marché scolaire » ne devienne pas un buffet à volonté.

Danger d’inégalités

Parlant de faire attention, il faudra également nous assurer que la compétition qui s’annonce entre les écoles en raison la réforme Roberge n’accroitra pas les inégalités scolaires.

D’ailleurs, cela fait un bon moment que les travailleuses et travailleurs de l’éducation dénoncent la composition de plus en plus inégalitaire de la « classe régulière » québécoise. Depuis plusieurs années, l’école publique, bien collectif par excellence, est mise à mal et il est de plus en plus difficile d’assurer des chances égales à tous les élèves. Actuellement, le mouvement l’École ensemble dénonce aussi la situation à l’Organisation des Nations unies (ONU)!

Le système scolaire québécois était déjà le plus inéquitable au Canada, la compétition entre les établissements qu’entraînera inévitablement la réforme Roberge ne risque pas d’améliorer les choses, bien au contraire.

Le ministre affirmait :

Quand je reviendrai dans un an, on pourra profiter de la décentralisation de la prise de décisions et de la présence des membres de la communauté des affaires sur les conseils d’administration des écoles. On pourra en récolter les fruits.

S’il persiste à agir de façon unilatérale, sans écouter les avertissements du personnel de l’éducation, les seuls fruits que M. Roberge aura récoltés, ce sont les raisins de la colère!