À Valparaiso, au Chili, au petit matin du Nouvel An, Matías Orellana, un jeune professeur d’éducation physique, a reçu une grenade lacrymogène lancée par les forces policières. Il a perdu son œil et subi une fracture du crâne.

Quelques semaines plus tard, Matías Yáñez, 16 ans, a été arrêté aux alentours d’une manifestation. Détenu dans un véhicule de police, il a été battu et menacé d’être jeté à la mer. La police a nié qu’il était détenu lorsque sa mère s’est présentée au poste de police pour s’informer à son sujet.

Tous les jours, depuis octobre 2019, des situations similaires surviennent au Chili. Ces agressions ne sont que deux exemples parmi des milliers d’autres.

Faire connaitre la triste réalité

Une mission québécoise d’observation, à laquelle ont pris part la CSQ et d’autres organisations syndicales, des parlementaires ainsi que plusieurs chercheurs québécois et canadiens, s’est rendue au Chili en janvier dernier. L’objectif : documenter les violations des droits de la personne afin de mettre à jour et de compléter les données des missions précédentes.

« Les observations que nous avons faites lors de la mission sont importantes et inquiétantes », affirme le responsable des relations internationales à la CSQ, Luc Allaire.

Les 65 heures d’entrevues réalisées auprès d’environ 100 personnes – victimes, parlementaires chiliens ou représentants d’organisations syndicales, de fédérations étudiantes, de centres de recherche – ont permis à la délégation québécoise de constater que les violences se poursuivent de manière constante et systématique. Celles-ci se concentrent dans des lieux ou des secteurs spécifiques, comme les quartiers populaires ou ceux qui regroupent une forte communauté migrante ou autochtone.

« Il est clair que les déclarations officielles minimisent la situation, alors qu’elle est critique et aggravée par un effet cumulatif, ajoute Luc Allaire. Les progrès attendus en matière de droits de la personne relatifs aux pratiques des forces policières ne se sont pas encore matérialisés. »

 

 

Des violations de droits de la personne inacceptables

La délégation québécoise a aussi constaté la continuité de plusieurs violations de droits de la personne déjà identifiées dans des rapports de missions précédentes. Parmi elles :

  • Des blessures par balle de plomb et grenades lacrymogènes;
  • Des violences et des abus sexuels;
  • Des détentions non enregistrées, parfois effectuées par des policiers en civil;
  • Des passages à tabac de détenus dans les fourgons et les postes de police;
  • L’utilisation massive de gaz lacrymogènes qui asphyxient des quartiers entiers (que la population ait ou non participé à des manifestations);
  • Des procédures judiciaires qui font preuve de négligence et semblent partiales, par exemple la détention préventive sur de longues périodes sans preuve requise;
  • Des agressions contre le personnel de santé bénévole et les observateurs des droits de la personne;
  • L’absence de respect des protocoles d’intervention policière.

« Malgré le nombre élevé de plaintes, de recours en justice et d’enquêtes internes pour violations des droits de la personne, il n’y a eu pour l’instant que très peu de mises en accusation et de jugements », explique Luc Allaire.

Le rapport préliminaire de la délégation québécoise indique d’ailleurs que « la priorité du gouvernement chilien semble être de criminaliser la protestation sociale afin de démobiliser la population, au lieu de vraiment faire face à la brèche sociale et aux grands problèmes d’injustices sociales et aux graves inégalités observées dans un contexte de privation des services publics de base (santé, éducation, eau, etc.) qui semblent constituer une des causes endémiques profondes de l’éclatement social actuel ».

La délégation québécoise publiera sous peu un rapport plus détaillé qui mettra les problématiques en contexte et les approfondira, tout en proposant une série de recommandations.


La venue de la délégation québécoise en mission au Chili n’est pas passée inaperçue. De nombreux médias y ont fait mention. En voici quelques-uns (en espagnol seulement).

CNN Chili
Informe preliminar de Misión Canadiense de Observación de DD.HH: Hay “represión sistemática y masiva” en Chile

Tecito Canada and the hispanic world
Duro preinforme de misión canadiense de DDHH

MSN noticias
Misión canadiense por Carabineros y violaciones a DDHH en Chile: “Alguien aquí está dando órdenes”

Londres38
Delegación canadiense emite lapidario informe preliminar sobre violaciones a los derechos humanos en Chile