L’accès gratuit à tous les services éducatifs et l’égalité des chances pour toutes et tous… Le projet de loi no 12 sur les frais scolaires1 aurait pu être l’occasion de renforcer ces principes fondateurs de notre système d’éducation. « Au lieu de cela, il les affaiblit davantage en limitant l’accès gratuit à des services éducatifs, affirme Sonia Ethier2. À cause de cela, les frais scolaires continueront d’être démesurés pour certaines familles de condition sociale modeste. »

Consacrer les inégalités

Selon le projet de loi, des frais pourraient être exigés pour la participation à un projet pédagogique particulier. Cela vient donc consacrer l’accès inégal à ces projets en fonction de la capacité des parents à payer.

L’exercice aurait pourtant dû permettre de se pencher sur le développement et la mise en œuvre des projets pédagogiques particuliers pour faire en sorte de lever les barrières à la participation de certains élèves. Plus largement, il aurait dû permettre une analyse sérieuse de la dynamique de concurrence qui s’est incrustée dans le système d’éducation et de ses conséquences, notamment en matière de mixité scolaire et sociale, dans les classes et les établissements.

Selon le projet de loi, les parents pourraient dorénavant devoir assumer les couts de toutes les sorties éducatives. Il s’agit d’un grand pas vers l’arrière en matière de droit à la gratuité scolaire. « Ces sorties ont une portée sur les apprentissages et favorisent le développement personnel et social des élèves. Elles doivent être accessibles à tous, et un financement adéquat doit y être consacré », dit Josée Scalabrini3.

Josée Scalabrini et Sonia Ethier lors des consultations particulières et des auditions publiques portant sur le projet de loi no 12.

Gratuit ou pas?

Le projet de loi vise à préciser ce qui est gratuit ou non. Toutefois, plusieurs détails se font toujours attendre et devraient être dévoilés dans le règlement qui sera édicté à la suite de son adoption.

Sur la base de ce que nous savons déjà, voici ce que le projet de loi propose :

Ce qui serait gratuit :

  • Manuels scolaires, romans
  • Matériel de laboratoire, d’éducation physique et d’arts*
  • Frais administratifs

Ce qui ne le serait pas :

  • Programmes pédagogiques particuliers
  • Sorties scolaires
  • Matériel dans lequel l’élève écrit, dessine et découpe*
  • Matériel d’usage personnel (ex. : fournitures scolaires), d’organisation (ex. : étuis à crayons) et articles relevant de la tenue vestimentaire*
  • Transport du midi**
  • Service de garde**
  • Surveillance du midi**

*     À noter que le ministre peut préciser des éléments pour lesquels le droit à la gratuité s’applique ou ne s’applique pas.
**    Ces frais seraient plafonnés.

Manuels scolaires et cahiers d’exercices

Les manuels scolaires demeureraient gratuits, et les parents continueraient d’assumer les frais pour les documents dans lesquels l’élève écrit, dessine et découpe. C’est donc dire que les cahiers d’exercices feraient toujours l’objet de frais.

Or, des enseignantes et enseignants se sont vu refuser l’achat de certains cahiers d’exercices, pourtant excellents et autorisés par le ministère. La raison évoquée : ceux-ci ne pouvaient pas être facturés aux parents puisque trop de contenu pédagogique y était inclus. Ils ne pouvaient pas non plus faire partie des cahiers offerts gratuitement. Rendre les cahiers d’exercices gratuits tout en assurant un financement suffisant permettrait de résoudre ce genre de problème. « C’est d’ailleurs ce que nous avons recommandé lors de la commission parlementaire », explique Josée Scalabrini.

Des consultations réclamées

Plusieurs précisions quant au projet de loi no 12 seront apportées ultérieurement par voie de règlement. Alors que tout nouveau règlement est habituellement soumis à la consultation, le premier découlant de l’adoption du projet de loi en serait exclu. « Vu l’importance de cette pièce règlementaire, nous avons revendiqué en commission parlementaire qu’elle soit soumise à la consultation », dit Sonia Ethier.

L’accès aux services, un préalable à leur gratuité

Malheureusement, le projet de loi n’a pas permis une réflexion en profondeur qui aurait aussi pu porter sur l’accessibilité à tous les services éducatifs, y compris aux services complémentaires. « Cet accès n’est pas assuré actuellement, et cela a des effets discriminatoires à l’égard de certains élèves, soutient Sonia Ethier. Le droit à la gratuité est déjà abondamment contourné en raison d’un manque chronique de financement. Un niveau de ressources suffisant et stable, en adéquation avec les besoins des élèves, doit être assuré. »


1 Au moment d’écrire cet article en avril 2019, le projet de loi avait été déposé, mais n’avait pas encore été adopté. L’article ne tient donc pas compte d’éventuels amendements.
2 Sonia Ethier est présidente de la CSQ.
3 Josée Scalabrini est présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ).