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Pour une meilleure protection en matière de violence conjugale
L’enjeu de la violence conjugale dépasse la sphère privée et s’étend souvent jusqu’en milieu de travail. Par la sécurité financière qu’il procure et le soutien que la victime y obtient, ce milieu peut agir comme un levier lorsqu’il est question de quitter la relation.
Pour ce faire, les employeurs doivent mettre en place des mesures permettant non seulement d’assurer la sécurité de la victime et de ses collègues, mais aussi de la soutenir dans ses démarches pour quitter la relation.
Agir ensemble implique un engagement concret des employeurs à participer aux changements et à établir qu’en matière de violence conjugale, c’est tolérance zéro!
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Obligations légales de l'employeur
Le cadre légal qui régit les entreprises au Québec prévoit pour les employeurs des obligations, dont celle d’octroyer aux victimes certains congés et de mettre en place des mesures visant à assurer la santé et la sécurité de l’ensemble des personnels.
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Loi sur les normes du travail
Au Québec, c’est la Loi sur les normes du travail (LNT) qui donne les bases des jours de congé auxquels ont droit les victimes.
La LNT reconnait maintenant la violence conjugale comme un motif d’absence pour lequel les personnes salariées peuvent être rémunérées. Les victimes sont donc en droit de s’absenter du travail tout en conservant leur lien d’emploi.
Voici ce que prévoit la LNT pour les victimes :
⦁ Deux premiers jours d’absence rémunérés après trois mois de service (ces deux jours d’absence sont les mêmes que ceux prévus pour une responsabilité familiale) ;
⦁ Jusqu’à 26 semaines d’absence non rémunérées à prendre sur une période de 12 mois;
⦁ Jusqu’à 104 semaines d’absence non rémunérées si la victime a subi un préjudice grave.Comparativement aux autres provinces canadiennes, le Québec fait piètre figure concernant le nombre de journées d’absence payées. Huit provinces canadiennes font mieux : cinq offrent cinq jours payés et trois proposent trois jours.
Une revendication est actuellement portée, notamment par l’Intersyndicale des femmes, afin d’augmenter à 10 le nombre de journées rémunérées pour les victimes de violence conjugale
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Code canadien du travail
Pour les employeurs sous la compétence fédérale, il faut se référer au Code canadien du travail, qui permet une absence de 10 jours, dont 5 payés si la personne est à l’emploi depuis au moins 3 mois.
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Santé et sécurité du travail
L’employeur a un rôle à jouer dans la prise en charge des risques liés à la violence. En fait, une des modifications apportées par la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail indique que l’employeur doit « prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection [de la travailleuse ou] du travailleur exposé […] à une situation de violence physique ou psychologique, incluant une situation de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel » lorsqu’il sait ou devrait raisonnablement savoir qu’une personne est exposée à la violence conjugale.
Ainsi, en matière de violence conjugale, la LSST prévoit maintenant de façon explicite la responsabilité de l’employeur.
Identifier les risques
L’employeur a donc l’obligation d’identifier les risques et les dangers pour les travailleuses et travailleurs en matière de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. Cela inclut :
⦁ Identifier les risques liés à la violence physique ou psychologique, notamment la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel, et les inclure au programme de prévention ou au plan d’action;
⦁ Déceler en continu les signes ou les indices qui permettent de savoir qu’une travailleuse ou un travailleur est victime de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel;
⦁ Signaler à la personne-ressource de l’entreprise les situations de violence suspectées ou connues.
Corriger les risques
L’employeur a aussi la responsabilité de corriger, c’est-à-dire d’informer et de sensibiliser le personnel à la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel et de prendre en charge les situations dont il a connaissance afin d’assurer la protection des victimes et de l’ensemble des personnels. Cela inclut :
⦁ Informer et sensibiliser le personnel en place (travailleuses, travailleurs et gestionnaires) à la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel et intégrer ces notions dans le parcours d’accueil du nouveau personnel : rôles et obligations de chacun, définitions et manifestations possibles, notions de vie privée et de confidentialité, procédure à suivre à la suite de la confidence d’une victime;
⦁ Désigner une personne-ressource dans l’entreprise qui sera responsable de prendre en charge les révélations, de même que les signes et les manifestations;
⦁ Élaborer un plan de sécurité individuel* en fonction de la situation de violence vécue par la travailleuse ou le travailleur victime de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel;
⦁ Développer une politique interne en matière de violence;
⦁ Mettre à la disposition des travailleuses et travailleurs de la documentation portant sur la violence conjugale et des références vers des ressources et des organismes d’aide spécialisés;
⦁ Mettre en place des mesures visant à réduire le risque de violence physique (ajout de barrières physiques à des endroits stratégiques, installation de bouton panique relié au service de police, contrôle des allées et venues, caméra de sécurité, etc.);
⦁ Prévoir des mécanismes et des procédures qui favorisent les confidences des victimes;
⦁ Organiser des activités de sensibilisation portant sur la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel;
⦁ Soutenir et écouter la victime et la diriger vers des ressources et des organismes d’aide spécialisés.
*Un plan de sécurité devrait toujours être travaillé conjointement avec une ressource ou un organisme d’aide spécialisé, comme une maison d’hébergement ou SOS violence conjugale (sosviolenceconjugale.ca). Ces organismes peuvent évaluer les risques possibles afin de mettre en place les bonnes mesures de sécurité pour l’ensemble des personnels. Un exemple de plan de sécurité est présenté parmi les outils offerts avec cette trousse.
Contrôler les risques
Finalement, l’employeur doit contrôler et évaluer les mesures mises en place afin de s’assurer qu’elles sont efficaces et que la prévention couvre toujours l’ensemble des risques. Cela inclut :⦁ Faire des rappels aux travailleuses et travailleurs, par le biais de formations, des révisions des mesures et des procédures en place;
⦁ Effectuer des tournées d’inspection pour s’assurer que les lieux physiques sont sécuritaires;
⦁ Réévaluer de façon constante les mesures mises en place pour une victime de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel et s’assurer qu’elles sont toujours respectées;
⦁ Procéder à la mise à jour de la politique sur la violence ou des procédures existantes;
⦁ Inclure la vérification des systèmes d’alarme et du fonctionnement des portes dans le programme de maintenance préventive;
⦁ S’assurer que les informations disponibles sur les ressources d’aide spécialisées dans la région sont à jour et à portée de main pour le personnel.
L’employeur est donc encouragé à se montrer sensible à cet enjeu. Au-delà de ces obligations, la convention collective peut être un excellent moyen pour offrir un soutien supplémentaire aux victimes de violence conjugale.
Informer et sensibiliser le personnel
Un programme d’information et de sensibilisation des membres du personnel pourrait être mis en place par l’employeur.Ce programme devrait prévoir une offre de formation et d’ateliers, pendant les heures de travail, afin de sensibiliser le personnel sur les enjeux liés à la violence conjugale dans l’objectif qu’il demeure alerte aux signes.
Quand le syndicat est l’employeur
Il est possible que le syndicat ait aussi un rôle d’employeur à jouer lorsqu’il a du personnel à sa charge.Les obligations mentionnées précédemment s’appliquent aussi dans cette situation, et le syndicat, en tant qu’employeur, a la responsabilité de mettre en place les mesures nécessaires afin d’assurer la santé et la sécurité de son personnel, notamment en matière de violence conjugale.
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Comment soutenir au-delà des obligations légales
Les obligations sur le plan juridique des employeurs demeurent des normes minimales. Il est important de les connaitre afin que les lieux de travail soient conformes à la législation en vigueur.
Pour soutenir les collègues et pour garantir la sécurité de toutes et tous, votre milieu de travail peut adopter de meilleures pratiques, qui vont au-delà des normes minimales. Le but n’est pas de régler tous les problèmes ou de s’afficher « experte ou expert » : le rôle de l’employeur est seulement d’assurer la sécurité de tout son personnel.
En tant que syndicat, vous pouvez inviter l’employeur à comprendre l’importance d’en faire plus. Rappelez constamment à l’employeur son rôle, faites pression s’il ne respecte pas ses engagements et impliquez-vous dans les différents comités. Par l’adoption d’une position PROACTIVE à propos de cet enjeu, le syndicat peut faire une différence.
Certification Milieux de travail alliés contre la violence conjugale
L’implantation des mesures dans les milieux de travail n’est pas toujours une tâche simple, et un accompagnement peut s’avérer salutaire afin de s’assurer qu’elles ne ratent pas la cible.
Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale a créé le programme Milieux de travail alliés contre la violence conjugale.
En plus d’offrir des formations et des ateliers en milieu de travail, le programme prévoit la possibilité d’accompagner les employeurs dans leur démarche. En fonction des mesures mises en place, le milieu peut se voir allouer une certification à afficher, afin de démontrer qu’il est sensibilisé, engagé ou encore proactif en matière de violence conjugale.
Pour en savoir plus sur la certification : milieuxdetravailallies.com.
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Mesures supplémentaires
L’employeur peut aller au-delà de ce que le cadre légal prévoit et proposer à une victime de violence conjugale des mesures simples qui peuvent faire la différence. Par exemple, il peut autoriser une certaine flexibilité quant à son horaire de travail.
Il peut aussi accepter qu’elle effectue sur les lieux du travail les démarches auprès de ressources d’aide spécialisées sans perte de traitement et sans craindre que son agresseur en prenne connaissance.
Lorsqu’une personne salariée dévoile être victime de violence, l’employeur a la responsabilité de prendre des mesures supplémentaires pour assurer sa sécurité. Le tout doit toutefois se faire avec l’autorisation écrite de la victime.
Voici quelques exemples de mesures qui peuvent être aménagées sur les lieux du travail :
⦁ Changer ses coordonnées de contact au travail;
⦁ Modifier son lieu de travail si cela est possible;
⦁ S’assurer que la victime ne travaille jamais seule;
⦁ Prévoir un suivi des visiteuses et visiteurs;
⦁ S’assurer que les établissements sont équipés et installés de façon à assurer la protection du personnel, notamment par le contrôle de l’accès, l’utilisation de caméras de sécurité, d’un bouton panique, etc. -
Ressources et organismes d’aide spécialisés en matière de violence conjugale
Les ressources externes d’aide, comme les maisons d’hébergement, SOS violence conjugale et les services psychosociaux, demeurent les spécialistes en matière d’intervention et d’accompagnement liés aux enjeux de violence conjugale. Ces ressources sont et resteront les spécialistes à qui l’on doit se référer et que l’on doit recommander aux victimes.
Il est nécessaire que l’employeur reconnaisse l’importance de ces ressources et la pertinence de s’associer avec elles afin d’être mieux outillé. Ainsi, lorsqu’il est question de la mise en place d’un plan de sécurité individuel, il est essentiel de faire appel aux personnes expertes.
Ouverture, bienveillance et respect
Toutes les actions, que ce soit l’application des mesures obligatoires ou supplémentaires, doivent être accompagnées d’une attitude d’ouverture, de bienveillance et de respect envers la victime. On doit aussi faire preuve d’ouverture, de bienveillance et de respect envers l’agresseur.
L’employeur doit, dans tous les cas, protéger la confidentialité du dossier de ces personnes et il est tenu de respecter les choix de la victime quant aux actions à prendre.
Être une personne alliée contre la violence conjugale ne signifie pas que nous devons toutes et tous devenir des experts ou des intervenants.
Il est cependant important de faire preuve :
D’ouverture ‒ Il faut rester une personne ouverte d’esprit et prendre en considération le contexte de chaque victime. Il est possible que celle-ci ne souhaite pas obtenir d’aide, qu’elle ne veuille pas quitter sa relation ou qu’en cours de route, elle abandonne les démarches. L’ouverture est une valeur à adopter pour continuer de soutenir la victime, peu importe ses choix, et pour établir une relation de confiance avec elle.
De diligence ‒ Il faut demeurer une personne proactive, reconnaitre les signes et ne pas prendre ce type de situation à la légère.
De respect ‒ Cette attitude va de pair avec l’ouverture. Il s’agit de respecter la victime, l’agresseur ainsi que ses limites personnelles. Les actions posées ne doivent pas porter atteinte aux autres, et il importe d’être à l’écoute des besoins de chacune et chacun.
De confidentialité ‒ À chaque étape du processus de soutien, la confidentialité du dossier de la victime et de celui de l’agresseur doit être assurée. Les rencontres, les dévoilements et le processus de suivi doivent être réalisés et maintenus de manière confidentielle.
Bien que l’on associe le lieu de la violence conjugale au domicile, cet enjeu s’étend souvent jusqu’en milieu de travail. Les employeurs doivent mettre en place des mesures permettant non seulement d’assurer la sécurité de la victime et de ses collègues, mais aussi de la soutenir dans ses démarches pour quitter la relation.